Dans un univers des placements chahuté, l’immobilier reste une valeur sûre. Les fonds immobiliers ne vivent cependant pas la crise financière de la même façon selon qu’ils ont recours à la dette, comme les SIIC, ou qu’ils ne se financent que par la collecte, comme les SCPI.
Etonnement des agents immobiliers de quartier : depuis plusieurs mois, ils voient revenir une clientèle d’investisseurs à la recherche de studios et deux-pièces qu’ils paient souvent cash. Avec l’or, la pierre est redevenue une valeur refuge pour nombre d’épargnants. Leur calcul est simple : l’immobilier est un investissement de long terme ; même s’il peut encore baisser, le risque de perte en capital est très limité sur douze ou quinze ans. Pendant ce temps, les loyers tombent régulièrement.
C’est l’art des investisseurs avisés d’intervenir à contre cycle. La baisse des prix, aussi bien dans le logement que dans l’immobilier d’entreprise, ouvre de nouvelles opportunités d’achat. Une certaine expérience est néanmoins nécessaire pour repérer les bonnes affaires. Les particuliers qui investissent « en direct » dans un logement doivent être attentifs à la qualité du bien, à son emplacement et à son rendement. Ils ne doivent pas se laisser aveugler par l’attrait d’un avantage fiscal, aussi intéressant soit-il, comme c’est le cas de la nouvelle réduction d’impôt Scellier.
A défaut de posséder toute la compétence requise pour investir en immobilier physique, mieux vaut se tourner vers la pierre-papier. Elle évite tout souci de gestion et permet d?accéder à l’immobilier d’entreprise, plus rentable que le logement mais quasiment inaccessible en direct pour les particuliers. Toute la question est alors de savoir quel produit acheter aujourd’hui : les fonds immobiliers cotés (les SIIC) ou non cotés (les SCPI) ?
Les SIIC, sanctionnées à l’outrance
Depuis leur création, début 2003, jusqu’à fin 2006, les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) ont connu un parcours boursier tonitruant : + 40 % en 2004, + 31 % en 2005, + 63 % en 2006. En 2007, premières touchées par le retournement du marché boursier et par les prises de bénéfice, elles ont perdu 19 %. La correction fut plus nette encore en 2008, avec -39 %. La capitalisation boursière des SIIC, qui avait atteint 50 milliards d’euros début 2007, est redescendue à 31,3 Mds € fin 2008. Depuis le début de l’année 2009, même s’il est trop tôt pour parler de redressement, on note que les SIIC font un peu mieux que le marché (voir graphique 1).
La forte volatilité du cours des SIIC n’est évidemment pas liée à la seule valorisation de ses actifs. Les immeubles des foncières n’avaient pas augmenté de 63 % en 2006. Ils n’ont pas non plus perdu 39 % en 2008, mais seulement 9,2 %, d’après l’indice de prix « EDHEC IEIF Immobilier d’Entreprise France ». Même si la baisse de l’indice s’est poursuivie en janvier (-1,4 %) et que les marchés à terme anticipent une variation négative de 10 % sur l’ensemble de l’année 2009, on est loin du compte.
Graphique 1. Le cours des SIIC face au CAC 40
(Evolution comparée en 2008 et début 2009)
Source : Euronext, IEIF et Fininfo
Le piège des covenants. Les SIIC doivent l’essentiel de leur contre-performance boursière au crédit. D’abord à la montée des taux : quand la BCE augmente son taux directeur en juillet 2008, le compartiment immobilier à Paris perd 20 %, les investisseurs redoutant que le renchérissement du coût de la dette affecte le résultat des foncières. Puis les cours se stabilisent jusqu’à la faillite de la Banque Lehmann, en septembre, et le blocage des marchés financiers qui en a résulté.
Cette fois, les investisseurs s’inquiètent non plus pour le coût de la dette, mais pour la dette elle-même. Ils craignent les conséquences que pourraient avoir les clauses de covenant figurant dans les contrats de prêt consentis aux foncières. Ces clauses autorisent le prêteur à exiger le remboursement immédiat de sa créance si le taux d’endettement de l’emprunteur dépasse un seuil critique par rapport à la valeur de ses actifs.
Or, la baisse des prix de l’immobilier, en diminuant la valeur des actifs, peut provoquer le franchissement du seuil d’endettement et, de ce fait, obliger la foncière à rembourser sa dette. Situation périlleuse dans la conjoncture financière actuelle ! A défaut de pouvoir lever de nouveaux capitaux, la foncière pourrait être contrainte de vendre des immeubles dans les plus mauvaises conditions, ce qui se traduirait par une baisse de valeur de ses actions.
Acheter à la baisse. Si le risque existe, il a probablement été surestimé, en particulier pour les plus importantes foncières françaises. A la différence des fonds anglo-saxons, dont l’endettement atteint parfois 70 % de la valeur des actifs, les SIIC ont un ratio plus prudent, dépassant rarement 40 %. Et dans leur communication financière, la plupart d’entre elles insistent sur le niveau « faible » ou « raisonnable » de leur exposition aux risques liés aux covenants.
Les SIIC ne manquent donc pas d’arguments pour inviter les investisseurs à revenir vers elles : une décote importante des cours par rapport à la valeur des actifs et un taux de rendement très élevé. Le moment est peut-être venu de s’y intéresser à nouveau. Dans une perspective de moyen-long terme (deux à trois ans), les investisseurs prudents pourront préférer les foncières les moins endettées et de celles qui ont le plus facilement accès au crédit – les filiales de banque, par exemple. A titre spéculatif, on peut aussi anticiper sur les mouvements capitalistiques de fusion-absorption dont pourraient faire l’objet les foncières les plus exposées aux risques.
Les SCPI, en situation de force
Changement total de décor avec les sociétés civiles de placement immobilier. Ces fonds non cotés sont à l’abri des aléas boursiers. Leur capitalisation, de 17,3 milliards d’euro fin 2008 est restée stable par rapport à 2007. Sur les 130 SCPI existantes, 43 ont augmenté leur capital au cours de l’année dernière. Autre événement significatif, une nouvelle SCPI de rendement a été créée en 2008. A présent qu’elles ne sont plus menacées par les OPCI, les SCPI peuvent nourrir de nouvelles ambitions.
La conjoncture leur est d’autant plus favorable qu’elles n’empruntent pas : elles investissent seulement l’argent de la collecte. Cette capacité à payer cash les met en position de force sur des marchés immobiliers où la concurrence se fait plus rare. En achetant moins cher, elles préservent le niveau élevé des revenus qu’elles distribuent. En 2008, en effet, les SCPI (hors fiscales) ont offert un rendement moyen de 5,73 %, particulièrement intéressant par rapport à d’autres placements (voir graphique ci-dessous).
Rendement des SCPI et taux des emprunts d’Etat
Source : IEIF
Pourtant, les SCPI ont vu leur collecte baisser depuis la fin de l’été 2008 et le nombre des vendeurs est repassé devant celui des acheteurs. Ce mouvement, ajouté à l’ajustement de valeur des actifs immobiliers constatée dans certaines SCPI, a pesé sur le prix des parts. Les SCPI (hors fiscales) ont enregistré une baisse de 5,06 % en 2008. Compte tenu de leur rendement de 5,73 %, elles ont donc terminé l’année sur une performance globale théorique tout juste positive, à + 0,67 %.
En majorité, les ventes de parts sont le fait des institutionnels, tout particulièrement des compagnies d’assurance, confrontées à d’importants besoins de liquidités. D’autres vendeurs, qui possèdent leurs parts depuis longtemps et s’inquiètent de la baisse des prix de l’immobilier, prennent leur plus-value. Quelques-uns, enfin, nourrissent des inquiétudes sur les loyers et la vacance dans le patrimoine des SCPI. Est-ce justifié ?
Priorité au revenu distribué. C’est vrai que la crise actuelle sera difficile à traverser pour bon nombre d’entreprises. Certaines ne s’en remettront pas. Mais il faudrait que le taux de vacance des SCPI, actuellement de l’ordre de 7 % en moyenne, atteigne 20 % pour que leur rendement soit sérieusement diminué. Un tel scénario catastrophe est d’autant moins probable que, au cours des années précédentes, les SCPI ont su maintenir l’attractivité de leur patrimoine par des arbitrages et des travaux de remise à niveau.
Le rendement pourrait aussi être affecté par la stagnation, voir la baisse des loyers. L’éventualité n’est pas à exclure du fait des renégociations de baux, plus fréquentes en temps de crise et le remplacement de l’indice du coût de la construction (ICC) par de nouvelles références : l’indice des loyers commerciaux (ILC) et, pour les bureaux, l’indice de loyers des activités tertiaires (ILAT).
Sur les dix dernières années, la hausse moyenne de l’ICC a été de 4,19 %, alors que celle de l’ILAT, par exemple, n’aurait été que de 2,67 %. Aux protestations des porteurs de parts contre une baisse programmée de leurs revenus, les gestionnaires des SCPI opposent la nécessité de faire preuve de modération, surtout en cette période de crise. Pour eux, mieux vaut renégocier un loyer ou limiter sa révision plutôt que de perdre un locataire, la vacance étant autrement plus dommageable pour le résultat.
Produit de rendement à privilégier en vue de la retraite, notamment, les SCPI gardent donc leur attractivité, et tout repli sur le prix des parts peut être mis à profit pour investir. Produit de long terme reposant intégralement sur l’immobilier, elles pourraient aussi protéger contre l’inflation, dont la reprise est fortement prévisible dans les années à venir.