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A priori, entre foncières cotées et SCPI ou OPCI, le choix est ouvert et chacun choisit la forme de pierre-papier qui lui paraît la plus intéressante. Mais les choix que chacun d’entre nous peut être amené à faire dépendent aussi des choix effectués par les grands investisseurs qui dominent le marché, les assureurs notamment. Or les choix de ces derniers sont souvent dictés par des changements de réglementation. Il n’y a pas moyen d’y échapper : il faut se tenir au courant de l’évolution des règles du jeu sous peine de ne plus rien comprendre à ce qu’il se passe.
Pierre Schoeffler, senior advisor de l’IEIF (Institut de l’épargne immobilière et foncière), s’est ainsi employé à étudier pour les adhérents de cet institut les changements qui pourraient intervenir dans le financement de l’immobilier du fait des nouvelles réglementations européennes. Ces changements sont nombreux et importants. Nous ne nous les passerons pas tous en revue ici, car certains concernent presque exclusivement les professionnels, mais il en est d’autres qui peuvent avoir un impact non négligeable sur les marchés et donc vous concerner directement.
C’est par exemple le cas des règles incluses dans la directive européenne dite Solvabilité 2 (plus souvent désignée sous l’appellation anglaise de Solvency II) qui ont pour objectif de mieux adapter les fonds propres des compagnies d’assurance aux risques qu’elles sont censées encourir. Ces règles ont été très vivement critiquées et partiellement amendées. Il n’en demeure pas moins qu’elles vont s’appliquer et qu’elles vont puissamment décourager les assurances de détenir des actions. C’est idiot, puisque les entreprises ont besoin d’investisseurs de long terme et que les compagnies d’assurance-vie travaillent précisément dans le long terme, mais c’est ainsi. Le portefeuille des assureurs-vie était composé fin 2009 d’obligations à 71 %, d’actions à 25 % et d’immobilier à 4 %. A l’avenir, explique Pierre Schoeffler, un assureur-vie recherchant l’allocation optimale en fonction des nouvelles règles devrait éviter complètement les actions et détenir des obligations à hauteur de 81 % et de l’immobilier à hauteur de 19 %.
Dans un scénario extrême où on arriverait à ce schéma pour tous les assureurs européens, cela supposerait la vente de 350 milliards d’euros d’actions, soit le cinquième de la capitalisation d’Euronext Paris.
Quant aux actions des sociétés foncières cotées, leur détention pénaliserait les assureurs, car elles n’auront pas de statut particulier : elles sont considérées comme des actions comme les autres. Dans ces conditions, les assureurs devraient les vendre. Or, en France par exemple, le montant d’actions des SIIC (sociétés d’investissement immobilier cotées) détenues par les assurances atteint 5 milliards, soit le dixième de la capitalisation de ces SIIC. Que se passera-t-il si, effectivement, tous les assureurs passent à la vente en même temps ?
Evidemment, nous l’avons dit, cela correspond au scénario extrême. De surcroît, les nouvelles règles ne s’appliqueront qu’à partir de la fin de 2012. Tous les assureurs ne pousseront pas jusqu’où bout la logique des nouvelles règles de composition de leurs portefeuilles et en tout cas ne prendront certainement pas tous les mêmes décisions au même moment. On ne peut pas exclure non plus des révisions des règles. Il n’empêche qu’il faut garder ce scénario à l’esprit.
S’il se réalisait, que se passerait-il ? Les foncières connaîtraient probablement un moment difficile en Bourse et les capitaux se porteraient plutôt vers les SCPI. Mais il n’est pas sûr que les choses se passent ainsi, car d’autres décisions prises dans le cadre de Bâle III pour les banques semblent aller au contraire dans un sens favorable aux marchés financiers.
Bref, aujourd’hui, on n’est sûr que d’une chose : les nouvelles règles du jeu auront un impact sur le financement de l’immobilier. Lequel ? On ne peut pas encore le dire avec certitude. Mais pierrepapier.fr suivra attentivement le dossier au cours des prochains mois et si des arbitrages doivent être effectués, vous le saurez en temps utile.
Gérard Horny