Le placement en SCPI soulève aujourd’hui de nombreuses questions.
- Que penser des baisses du prix des parts ?
- Que vont devenir les SCPI majoritairement investies en bureaux ?
- Les sociétés de gestion ont-elles eu tort de collecter massivement ces dernières années, quand les prix étaient au plus haut ?
- Que faut-il faire aujourd’hui : conserver, vendre, acheter ?
- Les jeunes SCPI sont-elles les seules à tirer leur épingle du jeu ?
- Concrètement, que faire aujourd’hui ?
Je souhaite aborder ce sujet délicat, ô combien délicat. Quand il y a « du bruit et de la fureur », comme le dit Shakespeare, il est temps de réfléchir calmement.
Que se passe-t-il donc sur les SCPI ? Scandale ! Il y a eu des baisses de prix de parts. Et peut-être n’est-ce pas fini. Certaines ont investi depuis des années en bureau, et le bureau va mal. Nous aurait-on trompé ?
Alors, voici un petit exercice de réflexion :
- Quand les taux d’intérêt montent, les prix des actifs baissent. Simple ?
- Pourtant, l’immobilier est un actif, donc la hausse brutale des taux d’intérêts lui a donné un choc. Toujours simple ?
- Et comme les SCPI sont constituées d’immeubles, les prix de leurs immeubles ont baissé, donc aussi leurs prix de parts. Humm… d’accord ou pas d’accord ?
- Donc il fallait, ou il ne fallait pas, suivre ceux qui recommandaient d’acheter des parts de SCPI ces dernières années ?
- Et maintenant, que faire ? Là, cela devient plus complexe.
Je vous propose donc de démêler la pelote.
Le choc de la hausse des taux sur l’immobilier et les SCPI
la hausse des taux soulève un paradoxe :
- Elle a fait baisser le prix des obligations. Cela a même été brutal. Logique.
- Elle a fait baisser les prix de l’immobilier d’entreprise. Normal.
- Le logement aussi baisse, tout doucement comme d’habitude. Encore normal.
- Mais alors, pourquoi la Bourse n’a-t-elle pas baissé ?
Logiquement les actions auraient dû chuter, or elles se portent à merveille. C’est une première dans l’histoire. On peut s’interroger sur ce phénomène étonnant, et combien de temps il va durer. Mais ce n’est pas notre sujet ici.
En revanche, reconnaissons que nous serions moins malheureux dans l’immobilier si la Bourse s’était effondrée de 20 ou 30 % sous l’effet de la hausse des taux. Mais nous devons accepter le monde tel qu’il va, au moment où il va : l’immobilier, lui, a pris de plein fouet la hausse des taux.
La puissance des cycles immobiliers
L’immobilier est un actif tangible. Qu’on ne peut pas acheter ou vendre toutes les minutes sur un ordinateur ou un smartphone. À la différence de la Bourse, ses évolutions prennent du temps. La Bourse subit une météo quotidienne, l’immobilier vit au rythme des saisons. Mais tous deux connaissent des hauts et des bas.
Ceci nous conduit à un paradoxe formidable.
Quand la Bourse baisse, tout le monde trouve normal que les portefeuilles baissent. Avec l’immobilier, on s’émeut de voir les SCPI subir le choc ! Pourquoi deux poids, deux mesures ? Tout le monde sait que quand la Bourse repartira, les portefeuilles aussi. Alors pourquoi tout ce vacarme sur les SCPI ?
Bon, je sais ce que vous allez me dire. Il y a deux faits troublants.
- D’abord les sociétés de gestion de SCPI ont beaucoup collecté au plus haut du cycle immobilier. Donc à des valeurs élevées, juste avant la baisse actuelle.
- Ensuite, les SCPI détiennent beaucoup de bureaux, et le bureau souffre, sous l’effet de la mutation des usages.
Regardons ces deux points.
Une collecte d’épargne en haut de cycle
Les SCPI ont connu leur meilleure collecte ces cinq dernières années, donc elles ont investi à des prix immobiliers élevés. Exact. Mais il en va de même en Bourse ! `Quand la Bourse va bien, les investisseurs affluent.
C’est ce qu’on appelle la première punition des gérants d’OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières), Ils ont plus de capitaux à investir quand les actions sont chères. Et quand vient la baisse, quand le moment serait idéal pour mieux investir, les capitaux se font rares.
Bourse et immobilier, même combat ! Les gérants, d’OPCVM ou de SCPI ne sont pas coupables. C’est la logique des marchés. Sur ce point attention aux faux débats.
Si l’on veut passer de Shakespeare à une réflexion plus posée, comment traiter la question ? Eh bien, si l’on a acheté en haut de cycle un placement long terme, on sera gagnant selon deux axes :
- D’abord les revenus réguliers nourriront la performance.
- Ensuite, il vaudra mieux attendre que le cycle se déroule jusqu’à un prochain « haut » qui ne manquera pas de se produire.
Gérer la baisse des marchés
Mais il existe ce qu’on appelle la « double peine ». Supposez un gérant d’OPCVM en période de baisse des actions. Il aimerait pouvoir acheter plus, beaucoup plus, pour préparer des performances futures. Or un certain nombre de clients choisissent ce moment pour retirer leur argent ! Il est donc obligé de vendre des actions, pile au mauvais moment.
La pire façon de ne pas gagner d’argent
La faute aux investisseurs ? À leurs conseillers ? Chacun a ses bonnes raisons de vendre. Par exemple la crainte que la baisse continue. Mais peu importe les raisons, l’histoire se répète. De mémoire de marché boursier, les gens vendent dans les périodes de baisse, et achètent à la hausse. Chacun se comporte « intelligemment » à son niveau, et la multitude des décisions individuelles entraîne un résultat désastreux. Voilà la raison majeure pour laquelle si peu de gens gagnent vraiment de l’argent en Bourse.
Préparer la performance future
Les gérants craignent la double peine, mais ne peuvent pas aller contre la nature humaine.
Quelques sociétés de gestion de SCPI, heureusement rares, subissent actuellement cette double peine. On peut le regretter. Mais là aussi, évitons les faux débats.
Comment passe-t-on de Shakespeare et à une réflexion utile ? Pour les souscripteurs déjà présents, ou ceux qui envisageraient d‘entrer, la seule question est celle de la performance future. Or, si les prix des parts reflètent bien les baisses subies, le portefeuille bénéficiera ensuite du retour à meilleure fortune.
Il faut parfois du courage aux gérants, et aussi aux épargnants, pour accepter des annonces de baisses de prix. C’est pourtant le meilleur chemin vers de bonnes performances à long terme.
Le cycle des bureaux
Le deuxième fait troublant, le choc sur les bureaux, mérite un approfondissement. En essayant une nouvelle fois d’être vigilant sur « le bruit et la fureur ».
Pendant longtemps, le bureau répondait aux critères de sécurité et de rentabilité. Pour une raison simple, l’utilité économique. Les investisseurs répondaient logiquement aux besoins de l’économie. Or, à l’échelle de l’économie, ces besoins sont soudain en train de se rétracter.
L’économie tout entière a finalement pris le virage du digital, les modes de travail évoluent. Inutile de crier haro sur le bureau, on en consommera toujours énormément. Mais moins qu’on ne l’imaginait. À quel ajustement nécessaire font face les SCPI ?
Prenons un peu de hauteur, puisque toute l’économie bascule.
- Les bureaux détenus par les investisseurs représentent moins du quart de l’ensemble des bureaux sur le territoire. (N’oublions pas en effet que de nombreuses entreprises possèdent leurs installations).
- Les SCPI représentent près du cinquième de l’immobilier détenu par les investisseurs en général.
- Les bureaux représentent un peu plus de la moitié des immeubles détenus par les SCPI
- La moitié du cinquième du quart, cela représente un dixième !
Les SCPI ne portent donc pas sur elles tout le poids des bureaux en France. Mais elles ont bien sûr, à leur échelle, un problème d’adaptation.
Comment analyser ce problème ?
Je vous propose trois raisonnements successifs.
La dure loi de la gestion
Prenons l’exemple d’un gérant d’OPCVM qui avait, en toute intelligence, misé une partie de ses capitaux sur le secteur prometteur des grands de l’informatique. Soudain les Google, Apple, Facebook (Meta aujourd’hui) et autres Amazon ont émergé. Trop tard ! Ainsi, le gérant possède des actions qui traînent, alors que les performances sont apparues ailleurs. C’est ce qu’on appelle la « troisième peine » dans ce métier difficile de la gestion. Pourquoi n’avait-il pas de boule de cristal ?
Je connais une personne qui a acheté de l’Apple à 7 dollars. Une seule. Et vous, vous en connaissez beaucoup ? Nous brillons tous d’une parfaite intelligence quand nous regardons dans le rétroviseur. Mais à quoi sert ce mode de pensée ?
Pas de faux débat donc, pas d’accusation, c’est la dure loi de la gestion. Le gérant d’OPCVM transforme progressivement son portefeuille. Comme les SCPI devront le faire avec leurs portefeuilles de bureaux.
À ce stade, nous nous démarquons « du bruit et de la fureur » mais nous n’avons pas encore de réponse concrète pour l’investisseur en SCPI.
Que vont devenir les bureaux ?
Le changement des usages est une vague puissante.
L’immobilier de bureau connait aujourd’hui une évolution qui a frappé le commerce il y a un peu plus d’une décennie. Sous l’influence du digital, déjà : le e-commerce.
Le commerce sur site n’a pas disparu, il a changé. Les investisseurs en immobilier de commerce ont subi le choc, et participé à la transformation.
Donc les bureaux vont se transformer, comme le commerce l’a déjà fait. On a parlé de catastrophe lors de l’émergence du e-commerce. On n’en parle plus aujourd’hui. De nouveaux équilibres se sont installés.
Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les bureaux ?
Les entreprises sont constituées d’équipes, et les équipes ont besoin de communiquer et de se réunir. Le digital facilite les communications, mais ne les remplace pas toutes. L’équilibre se cherche entre le télétravail et la présence sur site.
Pas encore de réponse pour l’investissement, mais on approche…
La force tranquille des SCPI
De nouveau, prenons un peu de hauteur.
Depuis leur naissance au milieu des années 60, donc il y a une soixantaine d’années, les SCPI ont traversé de nombreuses crises. Plus exactement, elles ont vécu de nombreuses mutations de l’économie et de la société. Personne ne pourra nier que notre société, notre économie et l’immobilier d’entreprise, ont formidablement changé. Au rythme de mutations parfois brutales. Les SCPI sont toujours là !
Bien entendu, comme dans les OPCVM, certains gérants ont été meilleurs que d’autres. On peut établir des classements. Mais l’essentiel est que les analyses de performances sur long terme sont tout à l’honneur des SCPI.
La SCPI est un fonds immobilier
D’où vient cette étonnante capacité de survie ? Tout simplement de leur nature de « fonds immobiliers ». Voici les 2 points qui font la force passée, et future, des fonds immobiliers.
Pourquoi les SCPI sont un immobilier très spécifique
En fait, leurs immeubles constituent un échantillon très particulier du marché.
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- Le gérant achète des immeubles en sachant qu’il les conservera longtemps. Cela fait réfléchir. Admettons qu’il y ait des gérants meilleurs que d’autres, ou d’autres moins bons, mais tous au moins ont réfléchi avant d’acheter. Cela fait une première sélection.
- De plus, ces immeubles sont « animés ». L’équipe de gestion veille à ce que tous les locaux aient des locataires. Elle peut aussi accompagner les locataires selon leurs besoins, de travaux ou d’aménagement. En cas de départ, elle recherche activement un nouveau locataire. C’est loin d’être le cas de tous les immeubles qui sont sur le marché.
Comment la diversification est un accélérateur de performance
Ensuite, les fonds immobiliers détiennent de nombreux immeubles. Les revenus locatifs de l’ensemble des immeubles leur permettent de consacrer des capitaux parfois importants pour adapter ou transformer tel immeuble particulier. Sans faire souffrir le rendement global du portefeuille.
Comme tous les fonds, ils ne sont pas attachés sentimentalement à telle ou telle acquisition. Ils peuvent revendre un actif ou un autre, en fonction des évolutions de la demande.
Accompagner les mutations du marché
Non seulement leur nature, mais aussi leur histoire, montre que les SCPI ont su gérer plusieurs mutations importantes. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec la mutation des bureaux aujourd’hui ?
Nous pouvons maintenant, en passant « du bruit et de la fureur » shakespearienne à une réflexion apaisée, conclure sur l’investissement.
Que peut faire l’investisseur aujourd’hui ?
Les détenteurs de parts de SCPI ne doivent pas s’inquiéter
Pourquoi se laisser impressionner par une ambiance anxiogène ?
Dans le domaine de placements, le propre de l’ambiance est de traiter l’actualité avec des émotions fortes. Si vous avez suivi l’ambiance en 2001, au moment de l’éclatement de la bulle internet et des attentats du 11 septembre, vous avez raté une opportunité extraordinaire avec les actions. De même en 2009. Il est trop facile, après coup, de s’émerveiller sur les performances des actions à long terme. L’ambiance, les émotions, ont empêché de nombreux investisseurs de bénéficier de ces belles performances.
Et ne pensez pas que l’immobilier est un placement exceptionnel. Pas sous l’angle des mauvais conseils ! Quand il allait très mal dans les années 90, quand les SCPI subissaient le feu des critiques et les titres assassins des media, qui a recommandé d’acheter ? Dommage…
La crise immobilière des années 90 fut très violente, et les SCPI (comme les autres investisseurs immobiliers) ont beaucoup souffert. Leurs revenus ont baissé pendant plusieurs années. Pourtant, pour la grande majorité des SCPI, les souscripteurs qui avaient acheté avant la crise, donc au plus haut, pouvaient faire leurs comptes quelques années après le retour à la normale. Ils avaient eu raison de patienter.
En un mot comme en cent, l’immobilier est un placement long terme. Les SCPI aussi. Comme la Bourse. Il faut parfois savoir patienter pour être gagnant. Le scénario « du bruit et de la fureur » se répète à chaque crise…
Si les parts de vos SCPI baissent
Il est trop facile de parler de long terme quand tout va bien, et d’actualité quand tout va mal. Les placements long terme, actions ou immobilier, connaissent des périodes de bon et de mauvais temps. Comment pourrait-il en être autrement ?
Quand la baisse est logique…
Dans le cycle immobilier d’aujourd’hui, les prix de nombreux immeubles baissent. Les baisses de prix de parts sont logiques. Si les gérants ont le courage de baisser suffisamment les prix de leurs parts aujourd’hui, ils gèrent bien votre placement et préparent les performances futures. Je dirai même, au risque de choquer, que je préfère voir des baisses substantielles des SCPI investies majoritairement en bureaux. C’est la condition d’une bonne remontée des prix quand les conditions du marché auront changé.
…et quand elle est nécessaire
Il reste un problème objectif. Quelques SCPI subissent la « double peine ». Elles doivent vendre des immeubles au moment le plus mal choisi. Pour elles, une seule solution. Baisser encore plus le prix des parts. C’est la seule stratégie qui permettra de préserver de bonnes performances à long terme, pour les anciens comme pour les nouveaux souscripteurs.
Vendre ou ne pas vendre ?
Dans ces conditions, pourquoi serait-il intelligent de vendre ? La seule condition favorable serait d’avoir trouvé par ailleurs un placement vraiment formidable, dont vous pouvez être certain qu’il sera formidable un bon bout de temps…
En conclusion, pour les anciens souscripteurs, les baisses du prix des parts sont plutôt bon signe. Surtout ne pas quitter le navire ! Puisque l’on veut passer « du bruit et de la fureur » à celle de la raison, reconnaissons qu’il faut du courage. Aux gérants pour leurs annonces, aux détenteurs pour leur patience. À cette double condition, tout le monde gagnera en fin de compte par la logique du long terme.
Les nouveaux souscripteurs de SCPI doivent se préparer au long terme
La grande injustice de la jeunesse
Les nouvelles SCPI ont deux avantages.
Le premier, elles n’ont pas de « stock » d’immeubles subissant le cycle immobilier actuel. Pas de passif. Elles commencent leur histoire sur une page blanche.
Leur second avantage consiste à acheter au moment où les conditions du marché favorisent les acheteurs. Elles emmagasinent par conséquent des performances futures.
Comment ne pas être séduit par la beauté de la jeunesse ?
La nature du placement immobilier
Mais voilà ! Un jour les jeunes SCPI d’aujourd’hui auront constitué leurs portefeuille d’immeubles. Un jour il y aura un autre cycle immobilier ou une autre mutation des usages.
Les SCPI jouent le long terme, comme l’immobilier, comme d’ailleurs la Bourse. Et le long terme n’est pas un fleuve tranquille.
Tant mieux si vous entrez dans le monde des SCPI au meilleur moment. Tant mieux si vous le faîtes avec des véhicules tout neufs. Mais vous allez vivre longtemps, et vos SCPI aussi. Quand il y aura des nuages, surtout rappelez-vous que dans les placements, les vrais gagnants ont d’abord accepté les aventures du long terme.
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