Tout comme le marché immobilier d’entreprise, les SCPI ont subi de plein fouet le choc des taux d’intérêt. Mais la collecte des SCPI reste positive. Et de nouveaux épargnants, plus jeunes, s’y intéressent. A-t-on touché le point bas de la crise immobilière ? Cette période est-elle source d’opportunités ? Le point de vue de Guy Marty, invité de l’émission « C du Solide », sur Boursorama.
On entend souvent que les SCPI sont en crise. Et pourtant, la collecte reste positive. N’est-ce pas un peu contre-intuitif ?
Guy Marty – Oui, c’est contre-intuitif. Mais beaucoup de choses sont contre-intuitives dans la période actuelle. Pour revenir aux SCPI… Les SCPI sont en quelque sorte à l’immobilier ce que les OPCVM sont à la Bourse. Eh bien, il arrive aux SCPI ce qui arrive aux OPCVM lorsque la Bourse baisse. Le marché immobilier d’entreprise a, je le rappelle, subi de plein fouet le choc des taux d’intérêt. Et donc, évidemment, les SCPI aussi. Toutes les SCPI, comme les OPCVM lorsque la Bourse baisse, n’ont pas subi le même choc. Certaines, plus spécialisées sur des secteurs spécifiques, ont plus souffert que d’autres…
Quelles sont ces SCPI qui ont le plus -ou le moins- souffert ?
Guy Marty – Celles qui sont le plus investies en bureaux. Le bureau a, on le sait, un vrai problème d’adaptation, de mutation…
On parle aussi de marchés à deux vitesses pour les bureaux…
Guy Marty – Tout à fait. Il y a certains endroits, par exemple certaines métropoles ou villes régionales, où les gens habitent assez près de là où ils travaillent. Ils sont donc contents de venir au bureau. A l’inverse, ce qui est dramatique, c’est quand il faut plus de trois quarts d’heure de transport pour aller au bureau… Donc, les SCPI de bureaux souffrent, comme le bureau souffre. Ce type d’actifs doit se réinventer. Mais, là encore, ce n’est pas de la faute des SCPI, ni de personne d’ailleurs. C’est la société qui a changé.
Ce parallèle entre SCPI et immobilier d’une part, SICAV et Bourse d’autre part, a pour but d’expliquer qu’il est logique que, quand les uns baissent, les autres aussi. Et que dans les deux cas, il y a des cycles, c’est bien cela ?
Guy Marty – Bien sûr. Et c’est aussi pour éclaircir un peu le débat. Le « débat SCPI » est très vite devenu, pour les media, une sorte de procès. Pour pointer les baisses, les plus fortes baisses, les causes des baisses… En fait, c’est juste un mécanisme. C’est aussi pour cela que cette image, ce parallèle, est intéressant. Quand la Bourse baisse, certains OPCVM spécialisés sur tel ou tel secteur vont eux aussi baisser plus que d’autres. En outre, ces OPCVM connaissent alors aussi les mêmes problèmes que certaines SCPI aujourd’hui. Quand leurs cours baisse, ils collectent moins. Ce qui est dommage. Car un gérant, qu’il gère des actifs financiers ou des actifs immobiliers, aimerait bien pouvoir disposer de cash précisément dans ces périodes de baisse, pour investir dans les meilleures conditions.
Mais les épargnants ont-ils déserté -ou pas- le marché des SCPI ?
Guy Marty – Pas du tout. Il y a en fait deux phénomènes très intéressants qui sont à l’œuvre. Un, la profession des gestionnaires se renouvelle, s’enrichit. De nouveaux acteurs apparaissent. Car c’est précisément lors de périodes de bas-de-cycle qu’il faut investir un marché. Une dizaine de sociétés de gestion de SCPI ont vu le jour ces deux dernières années. Elles ont lancé de nouvelles SCPI. Tout comme, d’ailleurs, certaines sociétés de gestion plus anciennes. Donc, la population des SCPI grandit. Et deux, la clientèle aussi évolue. Les SCPI bénéficient en effet elles aussi, un peu, de ce que l’on constate dans l’univers des « cryptos ». C’est-à-dire qu’elles attirent des jeunes…
Les jeunes s’intéressent aux SCPI ? Comme aux cryptos ?
Guy Marty – On est bien d’accord qu’il ne s’agit pas du tout des mêmes actifs sous-jacents. Quoique vous avez des cryptos, aux Etats-Unis, qui sont quasiment des SCPI aujourd’hui… Certains types de crypto -les crypto d’actifs réels- permettent en effet d’être en quelque sorte copropriétaire d’un patrimoine immobilier. Mais c’est une autre histoire. L’important c’est que, comme lors de la bulle internet, comme lors de l’essor des cryptos, on constate un rajeunissement de la population des investisseurs, mais cette fois en SCPI…
La SCPI a pourtant longtemps eu la réputation d’être un produit de « seniors »…
Guy Marty – C’était effectivement le cas, et pour l’ensemble des produits de placement. Pendant très longtemps, on pourrait dire que la cible des 25-40 ans « n’existait pas » pour les distributeurs de solutions d’épargne. Aujourd’hui, ils ont pris de l’importance. Avec l’émergence des cryptos. Mais pas que. Les jeunes s’intéressent désormais à d’autres produits, dont les SCPI. Notamment lorsque ces dernières offrent des solutions digitales. Telles que la souscription en ligne, le réinvestissement des dividendes, etc. Donc, pour résumer, certes les SCPI ont subi un choc, mais elles sont en train de bouger. Et de bien s’adapter…
Ce sont donc aussi des épargnants plus jeunes qui profitent des opportunités sur le marché des SCPI. Car, certes il y a eu des baisses de la valeur des parts. Mais ce sujet de la valorisation peut évoluer dans le temps. En revanche, les revenus sont toujours là. Et ce rendement, il est bien acquis chaque année…
Guy Marty – Acquis… Pas nécessairement. Si vous gérez un portefeuille de bureaux, il y aura bien un jour où les locataires vont commencer à quitter vos locaux. Si ces locaux figurent parmi ces bureaux autrefois qualifiés de « prime ». Mais sont aujourd’hui frappés par le télétravail… Le rendement des SCPI, c’est comme le rendement en Bourse. Il n’est jamais totalement acquis. Il est robuste, certes. Il est robuste parce que, un, c’est de l’immobilier ; deux, si les taux d’occupation du patrimoine sont élevés. C’est à la société de gestion de s’en assurer. Et trois, si la diversification du patrimoine est suffisamment importante.
On en est où du cycle de baisse de l’immobilier d’entreprise ?
Guy Marty – A supposer qu’il ne se passe rien de franchement nouveau au niveau des cataclysmes géopolitiques, macroéconomiques, etc., on pourrait dire qu’il est au plus bas. On sent que les choses sont en train de se calmer. Et que c’est en train de repartir…
Grâce, notamment, aux baisses des taux d’intérêt…
Guy Marty – Même si les taux ne continuaient pas à baisser, on a, me semble-t-il, touché le plus bas de la crise immobilière. Je dis bien, toutes choses étant égales par ailleurs…
Ce qui veut dire que les opportunités d’investissements vont se multiplier…
Guy Marty – Complètement. Elles s’ouvrent à tous ceux qui investissent aujourd’hui, notamment dans les « néo-SCPI ». Il y a deux sortes de néo-SCPI. Celles qui sont lancées par des groupes établis. Et celles qui sont créées par de nouveaux groupes. Mais toutes ces néo-SCPI, elles ont un avantage énorme : celui d’acheter aux conditions d’aujourd’hui.
Aux prix d’aujourd’hui…
Guy Marty – Dans un marché où les vendeurs ne vendent que parce qu’ils sont obligés de vendre. C’est vraiment ce que l’on appelle un marché d’opportunités…
Que dire de 2025 ? Année de la stabilisation ? Année du rebond ? Je pense notamment à la valeur des parts des SCPI…
Guy Marty – Cela dépendra, encore une fois, des secteurs. Mais, oui, globalement les SCPI devraient repartir d’un bon pied en 2025. Mais à « condition météo » semblable du point de vue macroéconomique et du point de vue géopolitique. Cela compte quand même….
Avec des rendements qui resteront supérieurs à l’inflation ?
Guy Marty – Les SCPI ont effectivement, historiquement, délivré des rendements supérieurs à l’inflation. Elles sont donc un très bon placement anti-crise. Un placement qui traverse le temps. Comme d’ailleurs tous les placements immobiliers et boursiers. Mais le monde a changé. Dans l’immobilier, il y a régulièrement des mutations. Les « bonnes » valeurs d’aujourd’hui ne sont pas forcément celles d’il y a dix ou vingt ans. Prenez par exemple le commerce. Le commerce, de tout temps, a été une valeur anti-crise. Il a traversé toutes les crises. Sauf celle de la Covid… Là, il a pris un coup. Mais, finalement, il s’est rétabli. Et il se rétablit toujours. Car on a toujours besoin d’aller faire des courses. Il faut toutefois bien comprendre que l’immobilier est un placement vivant. Ce n’est pas un livret de caisse d’épargne…
Donc, des opportunités pour les nouveaux entrants. Mais quid de ceux qui sont entrés il y a quatre, cinq, dix ans, et qui ont subi des baisses de la valeur de leurs parts. Ils vont devoir attendre. Mais leur niveau de leurs parts reviendra-t-il à leur niveau antérieur ?
Guy Marty – Normalement, oui. Mais, surtout, je rappelle qu’il ne faut pas acheter une SCPI, mais plusieurs SCPI. En réalité, le problème de la baisse de la valeur des SCPI de bureaux est relatif. Car qui n’a acheté qu’une SCPI de bureaux ? La plupart des gens ont été conseillés, pour acheter deux, trois, quatre ou cinq SCPI en même temps. Ils ont donc aussi acheté des SCPI de commerce, de logistique, de santé, de tourisme…
Quelles sont d’ailleurs les SCPI sectorielles qui ont le moins souffert de la crise ?
Guy Marty – On pourrait dire santé et logistique.
En résumé, vous êtes positif sur 2025. Le point bas a peut-être été touché. On est donc en bas de cycle sur l’immobilier…
Guy Marty – C’est compliqué. Si les taux baissent encore un peu, oui, sans doute, nous sommes en bas de cycle. Cela dit, le choc a duré deux ou trois années sur les bureaux. Il leur faudra au moins quatre à six ans pour l’encaisser. Les autres secteurs ont été moins touchés. Ils devraient donc continuer à avancer. Mais l’année 2025 sera une année intéressante…
Lire aussi
A propos de pierrepapier.fr(i)
Pierrepapier.fr est un site d’information et d’analyse, de pédagogie et de culture sur tout ce qui concerne la pierre papier. C’est un site non-commerçant. Il s’adresse en priorité aux Conseillers en Gestion de Patrimoine et aux Conseillers en Investissements, pour les accompagner dans leur responsabilité de conseil, et il est ouvert à toutes celles et tous ceux qui sont intéressé(e)s par le sujet. La pierre papier regroupe tous les placements immobiliers mutualisés, gérés professionnellement, et dans lesquels les épargnants ou investisseurs sont protégés par les réglementations française et européenne. On y trouve donc les SCPI, les OPCI, les SIIC, ainsi que les OPCVM immobiliers et les FPCI (capital investissement) immobiliers. Le crowdfunding immobilier en est aujourd’hui à la frontière.
A propos de C du Solide(i)
C du solide, présentée par David Jacquot sur Boursorama, est l’émission vidéo de la société de gestion Sofidy. Elle répond aux questions que vous vous posez sur les SCPI (société civile de placement immobilier) ? Comment marche une SCPI ? Quel est le rendement attendu ? Quels sont les risques ? Comment financer ses parts de SCPI ?
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.