Le temps du placement SCPI n’est pas celui de la conjoncture. « Le gérant ne doit donc pas prévoir, mais préparer », considère Daniel While, directeur Recherche, stratégie et développement durable, chez Primonial REIM. Mais comment préparer un avenir incertain ? Point de vue…
Le temps du placement SCPI n’est pas celui de la conjoncture. La durée recommandée de détention est de 8 à 10 ans au minimum. La durée effective s’exprime en dizaines d’années. Or, nul ne peut prévoir ce que sera l’environnement immobilier et financier en 2050 ou 2060.
La collecte des SCPI, « dopée » par l’incertitude ?
Le niveau des taux d’intérêt, le régime d’inflation, la réglementation, la fiscalité : tout peut changer radicalement. Le gérant ne doit donc pas prévoir, mais préparer. C’est probablement la raison pour laquelle la collecte des SCPI est, pour ainsi dire, dopée par l’incertitude : le 1er trimestre 2022 des SCPI a vu la plus forte collecte de leur histoire (2,6 Md€). Les épargnants cherchent à enjamber la conjoncture en plaçant à plus long terme.
Comment préparer un avenir incertain ?
Ceci étant posé, comment le gérant peut-il préparer un avenir incertain ? Trois axes stratégiques « incontestables » nous semblent se dégager pour les sociétés de gestion de SCPI.
Revenons sur les chiffres récents. Les SCPI ont collecté en 2019 un montant record de 8,6 Md€, en hausse de 69% sur le millésime 2018. En 2020, la pandémie a cassé le rythme d’une année qui démarrait en trombe (2,5 Md€ au 1er trimestre). Puis, en 2021, ce sont près de 7,4 Md€ qui ont été investis en parts de SCPI, malgré un relatif désengagement de quelques grandes sociétés de gestion. Et l’année 2022 commence sur un rythme encore plus élevé.
Premier axe : élargir le terrain de jeu
Il faut donc se rendre à l’évidence : les SCPI ont changé d’échelle. Il va falloir trouver des débouchés immobiliers à cette épargne. Autrement dit, élargir l’univers d’investissement des SCPI. En termes géographiques (cf. l’européanisation des portefeuilles, y compris en dehors de la zone euro). En termes immobiliers (cf. l’essor de la santé, de la logistique, du « life science », voire, un jour, d’objets hybrides entre le droit réel immobilier et l’infrastructure, tels que les éoliennes ?). Et en termes de structuration (cf. démembrement nue-propriété/usufruit, terrain/bâti, etc.).
Deuxième axe : la diversification ne suffit plus, vive l’allocation !
On tend à confondre la diversification (un portefeuille composé d’objets différents), la granularité (un portefeuille composé de beaucoup d’objets) et la décorrélation (un portefeuille dont les objets réagissent différemment en termes de performance). Surtout, on laisse parfois entendre que la seule diversification suffirait à juguler le risque. Certes, il y a peu de chances que des actifs différents sous-performent au même moment… sauf en cas de crise systémique. La diversification, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffit plus : c’est à l’allocation qu’il faut ouvrir l’immobilier. En distinguant, comme c’est très rarement le cas dans la littérature, les différentes classes d’actifs immobilières[1].
Troisième axe : absorber la décote environnementale.
A mesure que les régulateurs avancent dans leur volonté de maîtrise des émissions carbone (cf. notamment la loi européenne sur le climat), et que les outils de mesure se diffusent dans le secteur immobilier, il est inévitable que les valorisations s’en ressentent. Ce processus s’étalera sur le long terme, laissant aux gérants l’option d’absorber cette décote en début d’investissement (payer plus cher les actifs décarbonés), au cours de l’investissement (mettre en œuvre la décarbonation) ou à la cession (céder pour moins cher les actifs qui n’auront pas été rendus plus durables). La mise en place d’une gestion de la dimension extra-financière des actifs est d’ores et déjà décisive pour leur performance… financière.
Préparer pour les SCPI un avenir plus grand, plus complexe, et plus durable
Le succès des SCPI auprès des épargnants a été la récompense naturelle de leur capacité à maintenir une prime de risque dans un contexte où les autres classes d’actifs sont plus chahutées. Le maintien de la performance à long terme passe par la capacité des gérants à préparer pour les SCPI un avenir plus grand, plus complexe et plus durable.
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[1] Ce sera l’objet de l’étude que Primonial REIM publiera dans quelques semaines.Fonds immobiliers non cotés : fort rebond de la collecte au 1er trimestre 2022