La valeur du patrimoine immobilier des SCPI s’est dépréciée en 2022. Elle va sans doute encore être révisée à la baisse en 2023. Les SCPI seront-elles alors contraintes de baisser, aussi, leur prix de souscription ?
C’est évidemment l’une des questions qui taraudent les actuels -mais aussi potentiels- associés des SCPI. Le prix de leurs parts peut-il baisser en 2023 ? Compte tenu de l’état actuel des marchés immobiliers, marqués par un recul de la valeur des actifs, et toujours orientés à la baisse, le sujet n’a rien de théorique. D’autant qu’un gestionnaire de SCPI, AEW Patrimoine, a déjà franchi le Rubicon. En annonçant, le 1er mars dernier, une baisse de plus de 8% du prix de souscription de la SCPI Laffitte Pierre…
Les gestionnaires de SCPI vont être confrontés à cette problématique au cours des prochains mois
Une décision motivée par le constat du recul des valorisations « de certains actifs de la SCPI lors des expertises indépendantes au 31/12/2022 ». Et qu’AEW Patrimoine estime avoir prise « au moment opportun ». Ajoutant, d’ailleurs, que d’autres gestionnaires de SCPI devront « probablement faire face à cette problématique très prochainement ». La très grande majorité des sociétés de gestion se pose effectivement la question. Passeront-elles à l’acte ? Leurs réponses dépendront en réalité de trois facteurs. Le premier est évidemment l’ampleur de la baisse, actuelle et potentielle, des valeurs d’expertise des patrimoines de leurs SCPI sous gestion. Le deuxième tient à l’écart qui en résultera entre les prix de souscriptions actuels, et les valeurs de reconstitution[1] révisées. Le troisième, enfin, relèvera de leur stratégie commerciale.
La valeur moyenne du patrimoine des SCPI a baissé en 2022
La baisse moyenne de la valeur du patrimoine des SCPI en 2022 est désormais établie. Selon les données de l’ASPIM, « les expertises menées en fin d’année constatent un recul moyen de -1,54% ». Une variation assez faible, en phase avec les données MSCI pour le marché français (-1,47%). Mais néanmoins inférieure à celle constatée au niveau européen : -7,24% pour le seul dernier trimestre 2022. Or les SCPI, on le sait, sont de plus en plus investies hors de France[2]. Cette « image » au 31 décembre dernier, plutôt rassurante, doit en outre être projetée en dynamique sur l’année en cours. La plupart des experts s’attendent en effet à de nouvelles baisses dans les mois à venir. Au moins jusqu’à la fin du 1er semestre. Sachant que la durée et l’ampleur du recul des actifs immobiliers dépendront, très largement, de la politique monétaire menée par la BCE…
Il faut s’attendre à de nouvelles baisses des valeurs d’expertise en 2023
Les gestionnaires de SCPI prennent évidemment en compte ces évolutions potentielles dans leurs critères d’appréciation. D’autant que certains véhicules ne se contentent pas d’une simple valorisation annuelle. Plusieurs SCPI -surtout les plus imposantes en termes de capitalisation- pratiquent en effet des expertises en « rolling », souvent sur un rythme trimestriel. Il faut donc s’attendre à de nouvelles baisses au cours de l’année 2023. Et, a priori donc, lors des expertises du 31 décembre prochain. La question reste entière : quel sera le niveau de cette baisse ? Et dans quelles proportions impactera-t-elle les valeurs de reconstitution des SCPI[3] ? Et donc, potentiellement, leurs prix de souscription ? Rappelons en effet que les gestionnaires sont tenus, réglementairement, de maintenir le prix de souscription d’une SCPI dans une fourchette de plus ou moins 10% de sa valeur de reconstitution.
Le mécanisme amortisseur de l’écart entre le prix de souscription et la valeur de reconstitution
Un mécanisme amortisseur qui a précisément pour objectif d’éviter de répercuter trop brutalement les variations des marchés immobiliers sous-jacents sur la valeur des parts des SCPI. Mais le sujet de la baisse des valeurs d’expertise sera différemment appréhendé par les gestionnaires de SCPI. Selon que le prix de souscription de leurs véhicules se situe en haut. Ou en bas, de cette fameuse fourchette. « Il faudrait que les valeurs s’ajustent encore de 15% à 20% pour que nous soyons contraints de modifier les prix des parts de nos SCPI », estimait Philippe Depoux, le président de la Française REM, lors d’une conférence au Salon du Patrimoine Immobilier, le 7 avril dernier. En précisant que pratiquement toutes les SCPI du groupe étaient, de fait, en situation de « décote ». Autrement dit, que leurs prix de souscription étaient inférieurs de près de 10% à leur valeur de reconstitution.
Près de 82% des SCPI avaient un prix de souscription inférieur à leur valeur de reconstitution en 2021
Tous les gestionnaires ne sont pas dans cette situation. Même si les situations de « surcote » sont -étaient ?- clairement majoritaires. En 2021, selon les dernières données de l’IEIF, seuls en effet 18% des SCPI avaient des prix de souscription supérieurs à leur valeur de reconstitution. Donc, mécaniquement, près de 82% avaient un prix de souscription inférieur à leur valeur de reconstitution. Le pourcentage 2022 n’est pas encore disponible. Mais tout laisse à penser que la proportion de SCPI « surcotées » est toujours largement majoritaire. Certains gestionnaires, particulièrement prudents en termes d’expertise ces dernières années, disposeraient même d’une importante « réserve de valorisation ». Au point qu’ils seront peut-être amenés à annoncer des revalorisations de parts en 2023.
La baisse du prix de souscription ne présente pas que des inconvénients
Ce ne sont pas ces véhicules qui défraieront la chronique cette année. Mais bien ceux qui, à l’instar de Laffitte Pierre, se trouvent -ou se trouveront au cours des prochains mois- en haut de la fourchette autorisée. Ou juste à la limite. La décision de baisser, ou non, le prix de souscription, dépendra alors de la stratégie commerciale de leur gestionnaire. Une partie des gérants de SCPI n’est pas opposée à ce que les prix de souscription reflètent davantage l’état actuel des marchés immobiliers. Un « reset » ne présente pas en effet que des inconvénients. Sous réserve que la SCPI affiche par ailleurs de bons ratios d’exploitation, et dispose de relais de croissance, il a pour effet de doper le rendement facial. Donc d’attirer de nouveaux souscripteurs. A condition, toutefois, que ces derniers aient toujours confiance.
Rendez-vous en 2024…
C’est un peu cet argument que met en avant l’autre partie du « marché ». Celle qui ne tient pas à ce que les baisses soient systématiquement actées. Des révisions trop nombreuses -et trop drastiques- des prix de souscription pourraient ternir l’image des SCPI. Et en détourner les épargnants. Au moment même où d’autres formules de placements, dopées par la hausse des taux d’intérêts, pourraient davantage les séduire… Bref, la baisse potentielle du prix de souscription de certaines SCPI en 2023 relève d’une équation complexe. La plupart des observateurs n’anticipent en tout cas pas de révision massive cette année. Leur sentiment est plus nuancé sur 2024…
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A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2021, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 280,5 Md€.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.
[1] La « valeur de reconstitution » d’une SCPI est égale à la somme de deux autres indicateurs. Sa valeur de réalisation, c’est-à-dire la valeur vénale des immeubles qu’elle détient (estimée à partir des valeurs d’expertise), plus la valeur nette de ses autres actifs. Valeur de réalisation à laquelle est ajouté l’ensemble des frais et droits nécessaires pour reconstituer le patrimoine immobilier de la SCPI. Autrement dit, la valeur de reconstitution correspond à la somme qu’un investisseur devrait débourser pour reconstituer à l’identique le patrimoine d’une SCPI.
[2] Ce sont d’ailleurs souvent les SCPI les plus européennes qui ont, ces dernières semaines, annoncé les plus forts reculs de leurs valeurs d’expertise…
[3] Les valeurs de reconstitution peuvent varier plus amplement, à la baisse comme à la hausse, que les valeurs d’expertise. L’écart d’amplitude dépend de plusieurs facteurs, comme le niveau d’endettement de la SCPI. Ou sa politique de distribution.