La baisse des valeurs de plusieurs SCPI a agité les media. Voici un billet d’humeur de Jean-Denis Errard, qui fut longtemps journaliste patrimonial et qui a ainsi connu de nombreux cycles. Point de vue.
On nous rebat les oreilles avec les -quelques- baisses de prix de parts de certaines SCPI. Et alors, est-ce si catastrophique ? Ce placement immobilier est-il vraiment en déroute ?
Evidemment, certaines sociétés se sont plus comportés comme des collecteurs d’épargne que comme des gestionnaires avisés. Le réseau en voulait, alors on lui a donné de la SCPI. On a aussi donné dans le bizarre avec les SCI. Des machins frelatés. L’étiquette « immobilier », avec son arrière-goût de sécurité, c’est comme l’affiche « défiscalisation » ça vend bien…
Heurs et malheurs de la collecte des SCPI
Presque toutes les SCPI sont passé au capital variable qui enfle au fil des versements des épargnants. Obligeant les gérants à acheter à tout-va. Rares sont les gérants qui ont mis le pied sur le frein de la collecte. C’est si tentant de laisser les vannes grandes ouvertes !
Les fonds en euros de l’assurance vie étaient à bout de souffle, certains ont alors agité les chiffons rouges et tout le réseau s’est rabattu sur la pierre dite valeur refuge, alternative à ces fonds euros moribonds !
Sérieusement, que venaient faire les SCPI dans l’assurance vie ? Comme un oxymore qui marie deux contraires ! Comment un assureur peut-il s’engager sur la liquidité d’un placement qui par nature n’est pas liquide ? On voit bien aujourd’hui l’ineptie de ce mariage contre-nature qui va conduire à un blocage du marché secondaire avec un afflux massif de parts provoqué par des institutionnels. Voilà qui me rappelle le fiasco -vite oublié- des ACAVI (assurances vie à capital variable en immobilier), c’était il y a tout juste 30 ans.
Taux d’intérêt et immobilier
Dix hausses des taux directeurs de la Banque centrale européenne, ça vous flingue les valorisations des actifs locatifs, vous explique-t-on pour justifier la dévalorisation de votre avoir en pierre-papier. C’est certain. Surtout quand la société a collecté à tout-va et investi à environ 4% clés en mains avec un marché monétaire qui a explosé de 0,5 à 4,5% ces derniers mois. Ce qui a conduit le régulateur, l’Autorité des Marchés Financiers, à recommander aux sociétés de gestion de faire expertiser leurs actifs à fin juin. D’où ces annonces de baisse des prix de parts.
On en disait quoi fin septembre à Patrimonia, le temple commercial des conseillers en gestion de patrimoine, de tout cela ? Champagne à la main, « que voulez-vous, c’est de l’immobilier, qui traverse parfois des crises ! Et puis vous avez vu la hausse des taux ? Et puis il y a eu le commerce bashing, il y a eu le télétravail… » Alors… alors buvez votre coupe.
Certaines sociétés de gestion vont faire revivre le scénario des années 90, en pire avec le retrait des institutionnels et assureurs massivement présents en unités de compte dans les assurances vie.
La SCPI, un fonds de pension à la française…
Remettons les choses au clair. La société civile de placement immobilier (SCPI) est un formidable fonds de pension, au sens littéral à savoir un fonds constitué par des épargnants associés dans le but d’acquérir des immeubles, de les louer à des entreprises et de servir indéfiniment un revenu à ces associés. Une idée géniale. Géniale mais possiblement toxique.
Passons sur l’histoire du scandale de « La Garantie Foncière », la toute première SCPI, une escroquerie à la fin des années 60 qui a suscité cette chanson rigolote de Henri Salvador, « Ah ! la Garantie Foncière ». Et aussi « Le Patrimoine Foncier » qui a inspiré e un film acerbe, « L’argent des autres », de Christian de Chalonge, avec s’il vous plait Catherine Deneuve, Jean-Louis Trintignant, Michel Serrault, Claude Brasseur… Passons aussi sur la longue crise des années 90 où l’on a vu une explosion du nombre de parts en attente à défaut d’acheteurs…
Et maintenant ? Restons sérieux, on n’en est pas là !
Baisse des valeurs, est-ce que ce monde est sérieux ?
A ce jour une vingtaine de SCPI -sur les 103 recensées fin 2022 par l’IEIF- ont vu le prix de leur part baisser, 9 de plus de 10%, jusqu’à 17%. Mauvaise gestion ? Sans doute, trop de collecte qui a poussé à acheter tout ce qui bouge. Trop d’endettement aussi. La moyenne est de l’ordre de 17% à fin 2022, certains ayant poussé à plus de 30% avec des échéances désormais quatre fois plus chères.
Mauvaise gestion donc mais vous, pour votre maison ou votre appartement, comment a évolué la valeur de votre bien ? A ce compte-là on est tous plus ou moins mauvais, certains plus avisés que d’autres.
Toujours est-il que dans tout ce brouhaha on en oublie le vrai sujet, la vocation de la SCPI : le revenu. Pas le rendement qui est un pourcentage sans vraie signification. Non, le revenu qui est crédité tous les trimestres ou mois sur votre compte bancaire. Etrangement, aucune société de gestion ne communique par un histogramme clair sur la seule chose qui compte. Ce que je touche sonnant et trébuchant. Alors qu’une valeur, comme celle de votre logement, ce n’est pas vraiment le sujet !
Comme le chante Francis Cabrel est-ce que ce monde est sérieux ?