Le président et co-fondateur de Remake AM détaille la stratégie de gestion mise en œuvre sur Remake Live. Son approche « foncière ». Mais aussi sociale. Et revient, bien sûr, sur les avantages du modèle sans droit d’entrée de cette nouvelle SCPI. Il est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Interview.
Remake AM a lancé sa première SCPI en début d’année 2022. Nous allons y revenir. Mais d’abord, une question plus globale sur vos marchés sous-jacents. Que faut-il espérer – ou craindre – pour les marchés immobiliers en 2023 ?
Nicolas Kert – D’un point de macro-économique, on le sent, on le voit, l’inflation s’installe. Elle va peut-être redescendre. Vers des niveaux sans doute plus élevés que ceux que l’on a connus ces 10 dernières années. Mais peut-être aussi moins élevés que ceux que l’on connaît ces derniers mois. Il s’agit néanmoins d’une inflation durable. Elle a déjà provoqué l’augmentation des taux d’intérêt. Qui a -et aura- des conséquences directes sur l’immobilier, via le taux de financement.
Les effets sont déjà visibles, notamment sur le segment du marché de l’habitation…
Nicolas Kert – Absolument. Donc le crédit coûte et va coûter plus cher. Or l’immobilier est un grand consommateur de crédit. Que ce soit dans l’immobilier résidentiel, ou dans l’immobilier d’entreprise. La conséquence, c’est que les investisseurs -ceux qui ont la possibilité de lever de la dette, sachant qu’il n’y a pas aujourd’hui de « credit crush », juste une hausse des taux- vont exiger des rendements plus élevés sur leurs placements immobiliers. Et que, donc, les prix vont s’ajuster.
Pour mémoire, quand les rendements augmentent, les prix baissent…
Nicolas Kert – Absolument.
Ce que l’on observe surtout aujourd’hui, c’est l’attentisme des investisseurs institutionnels. Ce qui est d’ailleurs un avantage pour les gestionnaires de SCPI qui, comme vous, ont du cash à investir ?
Nicolas Kert – Tout à fait. En fait, aujourd’hui, il y a beaucoup d’argent. Beaucoup « d’equity » sur le marché. A fortiori, les investisseurs qui ne font pas appel à des financements ont donc aujourd’hui les cartes en mains pour négocier dans de très bonnes conditions. La situation diffère toutefois selon les pays. Les vendeurs y sont plus ou moins réactifs. Certains sont plus « stressés » que d’autres. Notamment hors de France. Alors, oui, la situation avantage aujourd’hui les fonds qui, comme les SCPI, investissent essentiellement sur fonds propres.
Parlons de votre SCPI, Remake Live, dont nous détaillerons les caractéristiques un peu plus tard. Vous revendiquez, pour ce véhicule, une « approche foncière ». Que faut-il comprendre ? Et en quoi cette approche serait-elle différente de celles menées pas d’autres fonds immobiliers ?
Nicolas Kert – Elle est différente, dans le sens où elle va un petit peu à rebours de celles menées par d’autres SCPI. Celles qui font « la part belle » aux rendements. On dit toujours qu’une SCPI, c’est un produit de rendement. C’est vrai. Pas question de le contester. Nous disons simplement : même s’il n’y a plus de bail, il y a toujours un immeuble. Et, s’il n’y a plus d’immeuble, il y a encore un terrain. Ce qui explique que, dans notre analyse, nous priorisons l’analyse foncière. Vient ensuite l’analyse de l’actif. Puis l’analyse locative. Il n’est donc pas question de biaiser l’analyse locative. Nous vérifions en revanche en amont la capacité de construction -ou de reconstruction- du foncier, sur un horizon de moyen-long terme. C’est ce qui va forger notre opinion sur la valeur intrinsèque de l’actif. Y compris lorsque les cash-flows seront épuisés. Y compris lorsque l’actif sera devenu obsolète…
Vous accordez donc moins d’importance aux revenus locatifs ?
Nicolas Kert – Ils restent importants. Nous tenons aussi à nous assurer, surtout dans cet environnement inflationniste, que les flux locatifs sont sécurisés. Et que la contrepartie -le locataire- est capable de payer. Mais notre approche foncière nous permet de voir plus loin. Par exemple en se portant acquéreurs de terrains plus grands. Ou d’actifs de taille modérée. Mais avec, sur un horizon de long terme, la perspective d’appréciation, de revalorisation du foncier. Ce qui, dans le contexte actuel, peut être considéré comme une forme de filet de sécurité sur la valeur du portefeuille…
En pratique, cela signifie que vous n’allez pas investir dans des zones « sécurisées », type Paris QCA ou autres lieux habituellement très recherchés par les investisseurs ?
Nicolas Kert – Non. Tout simplement parce que la valeur y a déjà été prise. C’est-à-dire qu’il n’y a plus grand chose à gagner sur ces valorisations foncières. Surtout dans un contexte où les taux baissent. Ce qui va faire leurs performances de demain, ce sont les flux, et moins la valeur. Notre stratégie est, à l’inverse, de s’éloigner de la ville centre. De se placer en périphérie. Pour y acquérir des actifs en pleine propriété. Sur des grands fonciers. Pour y capturer des rendements locatifs. Et avec une prise de risque plus élevée pour, peut-être plus tard, revaloriser le foncier.
Lors d’un précédent entretien, vous expliquiez que c’était en quelque sorte cette stratégie qu’avaient mis en œuvre les premières SCPI, dans les années 1960-1970. En investissant dans des zones excentrées -la banlieue d’aujourd’hui-…
Nicolas Kert – C’est exactement ça. La réalité, c’est que beaucoup des fonciers acquis il y a 30 ans ont été rattrapés par la « ville dense ». Quand je dis la ville dense, c’est la ville qui se verticalise. Et qui, aujourd’hui, recèle d’importantes plus-values. Notamment pour les promoteurs qui transforment les actifs existants en actifs résidentiels, ou autres. Il faut savoir qu’une SCPI est détenue par des investisseurs très fidèles. Ils restent associés plus de 20 ans en moyenne. Contre 12 ans en assurance-vie, par exemple. Les SCPI ont donc un « passif » de très long terme. Ce qui leur permet de déployer des stratégies d’investissement de très long terme. C’est ce que nous essayons de mettre en œuvre dans notre propre SCPI. Ce qui, à notre sens, ajoute un « plus » du point de vue sociétal. Car nous utilisons l’épargne des Français pour déployer des territoires sur lesquels ils sont susceptibles d’habiter…
Précisément, Remake Live revendique également une approche sociale. Notamment en investissant une partie des fonds collectés dans des logements sociaux. Mais n’y a-t-il pas une contradiction entre cette approche foncière – spéculative, en quelque sorte-, et cette volonté sociale ou sociétale ?
Nicolas Kert – Notre crédo, chez Remake, est de ne pas opposer la performance et l’utilité. Nous pensons que ces deux facteurs peuvent être liés. Mais vous avez en partie raison. La valorisation foncière est souvent synonyme de gentrification. Et la gentrification le synonyme de l’exclusion… Dès lors que le foncier est revalorisé, une partie de la population locale n’a plus les moyens d’acheter. Elle est donc contrainte de s’éloigner. De s’éloigner notamment des transports et des autres infrastructures publiques qui ont pu être créées, contribuant ainsi à la valorisation du territoire. Ce qui est effectivement regrettable. Notre but est de faire, d’abord, un produit d’épargne. Donc de délivrer de la performance. Mais aussi, à notre -modeste- mesure, contribuer à la mixité sociale des territoires. En consacrant 10% de la collecte à des investissements sociaux. Par exemple, mais pas exclusivement, des logements sociaux, détenus en nue-propriété.
Vous avez déjà procédé à des investissements de ce type ?
Nicolas Kert – Absolument. Deux opérations ont été menées. L’une à Bordeaux. L’autre à Lyon. Tous deux dans des environnements denses. Ces investissements devraient représenter un peu plus de 6% de la valeur du fonds à la fin de l’année.
Remake Live, comme pratiquement tous les véhicules qui ont vu le jour ces derniers mois, est labélisée ISR. Compte tenu des enjeux – climatiques notamment -, les prérequis de ce label vous semblent-ils suffisants pour accompagner la transition écologique du secteur immobilier ?
Nicolas Kert – Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le label ISR. Rappelons qu’il existe un label ISR pour les valeurs mobilières. Celui-ci est souvent « best in class », ce qui pose de nombreuses questions, on est bien d’accord. Le label ISR immobilier est, quant à lui, le plus souvent attribué dans une logique de « best in progress ». Cela veut dire quoi ? Que l’on peut acheter des immeubles pas forcément bien entretenus. Ou avec des déficiences. Mais que l’on a l’obligation de les améliorer dans un délai de 3 ans. C’est extrêmement coercitif. La réalité, c’est que les fonds – notamment les SCPI, mais pas seulement – qui entrent dans ce chemin-là vont devoir consacrer une partie importante -pour ne pas dire substantielle- de leurs revenus et de leurs capitaux à améliorer ces immeubles.
Mais encore…
Nicolas Kert – Nous considérons que le problème n’est pas tant de construire du neuf. Si l’on vise à améliorer les consommations énergétiques. Le vrai, l’énorme sujet, c’est le bâti ancien. Notre positionnement, à la périphérie des grandes villes, a pour conséquence que le patrimoine qui nous intéresse à vocation à être amélioré. Nous allons donc consacrer une partie substantielle de nos capitaux à améliorer nos actifs. Ce qui, accessoirement, a aussi pour conséquence de fidéliser les locataires…
Votre SCPI, Remake Live, a été créée début 2022. Combien a-t-elle collecté sur l’année ? Et combien a-t-elle déjà investi ?
Nicolas Kert – Petit regard dans le rétroviseur, donc. Le visa a été obtenu en février. La commercialisation a débuté en mars. Le label ISR a été attribué en mai. La SCPI est éligible à l’assurance-vie depuis juin… Tout cela pour dire qu’en environ 10 mois, nous avons collecté pas loin de 120 M€… Ce qui est un beau succès….
Effectivement…
Nicolas Kert – Nous avons bien sûr déjà investi. Dans une approche opportuniste. Territoriale et foncière, comme je l’ai indiqué précédemment. Mais aussi européenne. Normalement, nous aurons, d’ici la fin de l’année, investi dans cinq pays. Donc la France, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et les Pays-Bas. Ces diversifications géographiques -toujours focusées sur le concept du péri-urbain- nous permettent d’aller chercher des points d’entrée plus favorables. Certains marchés, certaines zones géographiques, réagissent en effet plus rapidement dans le contexte actuel.
L’objectif annoncé de distribution annuelle, pour Remake Live, est de 5,5% ? J’ai cru comprendre que vous serez au-delà en 2022 ?
Nicolas Kert – Absolument. Nos dividendes pour l’année civile 2022 sont « calés ». Le taux de distribution sera probablement supérieur à 7%. Ceci s’explique par le bon démarrage de nos investissements. Des opportunités, notamment à l’étranger, au deuxième semestre. Ainsi que par notre capacité à investir plus vite que la fin du délai de jouissance. Ce qui signifie une contribution positive à la performance pour les associés qui sont déjà en place dans la SCPI. Mais je confirme que l’objectif est bien 5,5% sur le long terme…
Donc, pas d’attentes surdimensionnées pour 2023… On ne l’a pas encore dit -et c’est souvent ainsi que l’on vous présente-, mais Remake Live c’est aussi une SCPI sans droit d’entrée. Un concept que vous avez déjà expérimenté chez d’autres gestionnaires. Et que d’autres gestionnaires ont depuis lors adopté. Cela signifie-t-il que, pour vous, l’avenir est aux SCPI « no cost », ou « low cost » ?
Nicolas Kert – « No cost », « low cost » : il ne faut pas parler en ces termes. Parce qu’en réalité, pour qu’un gérant gère bien, il doit être payé. En outre, lorsque vous distribuez votre produit à 100% en BtoB – et c’est notre choix, parce que nous considérons que le conseil en investissement est essentiel pour des produits peu liquides comme la SCPI-, il y a aussi des distributeurs à rémunérer. Donc, de toute façon, il y a des frais. Et les frais des SCPI, globalement, ne sont pas si élevés. Comparés à ceux d’autres produits, notamment ceux investis en valeurs mobilières. La réalité, là encore, est que les SCPI n’ont pas des structures de frais très élevées. En revanche, ce qui est visible, c’est le niveau de leurs droits d’entrée. Plus élevés que sur d’autres produits.
D’où l’idée de les supprimer…
Nicolas Kert – Dans une SCPI, tout se passe comme si vous payiez pour voir. En espérant que la suite va bien se passer… Si cela se passe bien, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, vous « perdez » 10% pour en sortir. Ce que nous avons voulu faire, c’est de lever cette barrière à l’entrée. En pratique, sans droit d’entrée[1], vous souscrivez à 100. Et la valeur de retrait reste à 100. Evidemment, nous avons introduit certaines limitations. Afin d’éviter des comportements purement opportunistes d’entrée/sortie. Tous ceux qui ne « jouent » pas le jeu, et décident de sortir avant 5 ans, subissent une pénalité. Mais attention, c’est une pénalité. La valorisation de la part reste bien en phase avec le prix de souscription. Et cela change tout, en termes de profil de performance notamment.
Votre SCPI est distribuée quasi exclusivement en assurance-vie. Or, aujourd’hui, assureurs et gestionnaires semblent privilégier les sociétés civiles. Certaines SCI sont d’ailleurs depuis peu, elles aussi sans droit d’entrée. Pourquoi avoir choisi le modèle SCPI plutôt que SCI ?
Nicolas Kert – Tout simplement parce que l’on est plus à l’équilibre sur deux jambes que sur une seule… La grande vertu de la SCPI, c’est de pouvoir être souscrite en direct. Mais aussi à crédit. En démembrement. Mais aussi via des versements programmés. Etc… Nous ne voulions pas nous priver de ce « multicanal » de distribution. Il est évidemment plus difficile à conquérir lorsque l’on commercialise une SCPI sans commission de souscription. Parce que certains distributeurs préfèrent encore l’autre modèle… Mais je peux vous assurer – et je serais ravi de commenter les statistiques de fin d’année – que les SCPI sans droit d’entrée vont représenter une partie très substantielle de la collecte des SCPI récemment lancées sur le marché. C’est intéressant. Car cela prouve que certains CGP commencent à se convertir à ce modèle. Qui me semble être plus vertueux. Puisqu’il pousse les conseillers à accompagner leurs clients pendant toute la durée de vie de leur investissement.
Il nous reste 10 secondes. Un nouveau produit à l’horizon 2023 chez Remake AM ?
Nicolas Kert – Nous avons plein d’idées… que l’on ne peut pas encore dévoiler. Le principe reste que nous sommes fondamentalement ESG. Nous avons une démarche ESG. Donc, nous viserons, pour chaque nouveau produit, un label. Nous avons aussi un prisme résolument assurance-vie. Car c’est là que se situent aujourd’hui les autoroutes de l’épargne. C’est donc de ce côté que nous regardons…
[1] La suppression des droits d’entrée est compensée par des frais de gestion plus élevés
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A propos de Remake Asset Management(i)
Remake AM est une société de gestion indépendante agréée par l’AMF en 2021, au capital social initial d’un 1,2 million d’euros. Nouvel acteur dans les solutions d’investissement en immobilier destinées au grand public, Remake se différencie par sa vision de l’épargne comme un vecteur majeur de la mutation des territoires périurbains, et par son ambition sociale. En conciliant valeur financière et utilité sociale, Remake souhaite devenir un acteur de référence de l’épargne immobilière responsable.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.