Jean-Marc Coly, président de l’ASPIM, et Guy Marty, président-fondateur de pierrepapier.fr, sont les invités de Nicolas Pagniez dans l’émission Smart Patrimoine. Sujets débattus : valeur des actifs immobiliers, baisse du prix des SCPI, crise ou pas crise ? Débat, en images, et extraits…
Inquiétudes sur la valorisation des actifs immobiliers
Jean-Marc Coly – Ces « inquiétudes » sont apparues dès la fin 2022. Des ajustements de prix, relativement forts, avaient alors été constatés sur différents marchés immobiliers européens. Surtout au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne. La France semblait alors avoir été épargnée par cet ajustement. En réalité, c’est parce qu’il n’y avait pas assez de références de marché pour le quantifier…
Le cas spécifique du marché français
Jean-Marc Coly – Ceci explique pourquoi, à la fin de l’an dernier, les valeurs d’expertises des SCPI étaient globalement à l’équilibre. Avec un recul d’environ 2% à 3%. Et c’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu d’ajustement des prix des parts des SCPI en début d’année. Les OPCI et les SCI, en revanche, avaient quant à eux commencé à s’ajuster. Mais parce que ces fonds procèdent à des valorisations beaucoup plus régulières…
L’inquiétude, ensuite, des régulateurs
Jean-Marc Coly – Le régulateur français, l’AMF, a notamment adressé un courrier à l’ASPIM – et donc à toutes les sociétés de gestion d’actifs immobiliers- lui demandant de procéder à une nouvelle évaluation des actifs immobiliers sous gestion. Afin d’en tirer les conséquences et d’ajuster, le cas échéant, le prix des parts. Car la transparence sur les valeurs est un élément essentiel à la confiance des marchés…
Faut-il s’attendre à d’autres révisions à la baisse du prix de certaines SCPI ?
Jean-Marc Coly – Compte tenu de la forte hausse des taux qui s’est opérée, il est clair que les valeurs des actifs immobiliers ont été impactées. Les experts le disent aujourd’hui aussi très clairement. Ils le disent depuis le mois de juin. Donc, oui, il y aura d’autres révisions à la baisse de la valeur de certaines SCPI. Lorsqu’elles seront nécessaires.
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Marché des SCPI, le début d’une crise ?
Guy Marty – Quand il y a inquiétude, il y a recherche de coupables… mais il ne faut pas se tromper de coupable ! La guerre en Ukraine, l’inflation et la hausse des taux, le ralentissement de l’économie, la baisse des prix immobiliers, ce n’est pas votre faute, ni la mienne, ni celle des SCPI !
Il y a deux logiques à l’œuvre :
- D’abord un choc. Après une longue période de taux bas, d’absence d’inflation, de croissance assez soutenue, l’économie a soudain basculé. Inflation, hausse rapide des taux d’intérêt, ralentissement de la croissance. Le choc, il est pour tout le monde. Pour les particuliers, pour les entreprises et pour l’immobilier.
- Ensuite les SCPI sont un placement immobilier. Donc, comme l’immobilier, un placement long terme. C’est-à-dire un placement qui va connaître des hauts et des bas mais qui va traverser le temps.
Cependant il y a aussi un problème. Après des années de taux bas et de bonnes performances de tous les actifs, nous avions perdu l’habitude des turbulences. Mais cela ne veut pas dire que d’un seul coup un placement long terme se transforme en court terme !
Les SCPI ont-elles déjà connu des crises ?
Guy Marty – Les SCPI ont déjà traversé plusieurs crises. La plus importante fut celle des années 90. Une crise terrible pour l’immobilier, qui a duré 7 ans. C’était d’ailleurs une crise immobilière mondiale, qui a ébranlé le système bancaire et financier de l’époque. Les SCPI ont souffert. Vraiment souffert. Mais elles s’en sont sorties….
… et sauront-elles résister à la crise actuelle ?
Guy Marty – Vous connaissez le concept de fragile, robuste et anti-fragile(1)… Je prends un verre, je le fais tomber, il se casse. Il est fragile. Je prends une belle pierre, je la fais tomber, elle ne se casse pas. Elle est robuste. Maintenant s’il y a quelque chose qui tombe et devient alors plus robuste, et devient chaque fois plus robuste après avoir subi un choc, cela s’appelle « anti-fragile ». Nous, êtres vivants, nous sommes dans une certaine mesure « anti-fragiles ».
Or les SCPI « d’après » la crise des années 90 ne ressemblaient plus aux SCPI « d’avant ». Parce que les SCPI transforment continuellement leur patrimoine, se transforment, s’adaptent. Les SCPI sont en quelque sorte « anti-fragiles » : elles sont plus robustes après avoir subi un choc…
Que doivent faire les investisseurs ?
Guy Marty – Première règle : un investisseur placé dans un produit de long terme « ne descend pas du train ». Il peut arbitrer entre plusieurs produits de même nature. Mais il ne descend pas du train. Car il ne pourra pas y remonter à temps pour y reprendre la même place. Et donc profiter de sa performance potentielle. C’est en effet la grande leçon de toutes les études historiques. Un peu de court terme, plus un peu de court terme, plus un peu de court terme ne font jamais les performances des placements à long terme que sont la Bourse et l’immobilier.
La deuxième règle s’applique aux acheteurs potentiels. Quelle est la meilleure Bourse, le meilleur immobilier pour les jeunes ou moins jeunes ? Ceux ou celles qui sont en phase d’épargne ? Lorsque le placement est réputé en situation de crise…
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La liquidité va-t-elle devenir un problème pour les SCPI ?
Jean-Marc Coly – Il n’y a pas de raison majeure pour une crise de liquidité, compte tenu de deux aspects :
- Pendant la détention du produit, il y a la question de la valeur, mais il y a surtout la question du revenu. Les gens viennent sur ce produit immobilier pour encaisser des revenus. Or la distribution résiste, et elle peut même éventuellement progresser avec l’effet de l’indexation sur des loyers.
- Mais quand les prix des actifs sont surévalués par rapport à la perception du marché qu’ont les gens, ils n’achètent plus. Et d’autres veulent en sortir. Une telle configuration peut provoquer une difficulté de liquidité. A partir du moment où les gestionnaires auront mené une opération « vérité des prix» -et elle est actuellement en œuvre-, ce risque de liquidité n’a plus lieu d’être. La baisse du prix des parts offre une opportunité d’achat aux investisseurs. Et n’encourage pas les détenteurs à « quitter le train en marche », pour reprendre l’expression de Guy Marty.
(1) L’antifragilité est une propriété des systèmes qui se renforcent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, des chocs, de la volatilité, du bruit, des erreurs, des fautes, des attaques, ou des échecs. C’est un concept développé par le Professeur Nassim Nicholas Taleb dans son livre Antifragile et dans des articles de recherche1,
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A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2022, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 314 milliards € et 4 millions d’épargnants.
Le nombre total des membres de l’ASPIM s’élève à 133, dont 106 Sociétés de Gestion de Portefeuille (SGP) agréées par l’AMF, filiales de groupes bancaires, d’assurance, de gestion immobilière étrangère ou entrepreneuriales, et 27 experts correspondants qui sont des professionnels de l’écosystème immobilier et financier (avocats, consultants, auditeurs et experts).
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.