Cet organe unique dans l’univers des fonds collectant l’épargne des Français a pour but de représenter les associés. Son nom peut porter à confusion même si ses prérogatives sont bien réelles.
Le succès des SCPI ne se dément pas. L’an dernier, elles ont attiré 2,9 milliards d’euros de souscriptions nouvelles (2,5 milliards de souscriptions nettes) et leur capitalisation atteignait 27,2 milliards d’euros le 31 décembre 2012. Ce véhicule de la pierre-papier dame le pion à ses concurrents que sont les foncières cotées en Bourse ou les OPCI grand-public qui peinent encore à démarrer 8 ans après l’ordonnance qui les a créées. Ces organismes de placement étaient pourtant destinés à les remplacer, mais une seule SCPI s’est finalement transformée en OPCI. Les associés des SCPI sont manifestement très attachés à la spécificité de ces sociétés civiles purement immobilières. Parmi les caractéristiques spécifiques des SCPI, il y a une particularité qu’on ne retrouve dans aucun autre fonds permettant de collecter l’épargne des particuliers en France : le conseil de surveillance, qui représente les associés. Selon les textes qui régissent les SCPI, celui-ci a pour mission d’assister la société de gestion qui gère la SCPI, dont il est indépendant. Il est composé d’au moins 7 membres. Enfin, il peut opérer les vérifications et les contrôles qu’il juge opportun. Ce qui peut l’amener à demander à la société de gestion de lui présenter un rapport sur la situation de la SCPI.
Dans les statuts de la SCPI Accès Valeur Pierre, sa mission est ainsi précisée : « le conseil de Surveillance assiste la Société de gestion. A toute époque de l’année, il opère les vérifications et les contrôles qu’il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu’il estime utiles à l’accomplissement de sa mission ou demander à la Société de gestion un rapport sur la situation de la Société. Il présente à l’Assemblée Générale Ordinaire un rapport sur la gestion de la Société, et donne son avis sur les projets de résolution soumis par la Société de gestion aux associés. Il est tenu de donner son avis sur les questions qui pourraient lui être posées par l’Assemblée Générale».
Le conseil des épargnants
La mission des Conseils de surveillance semble donc assez claire. Pour autant le nom même de « Conseil de surveillance » suscite quelques interrogations que partagent les présidents de ces conseils. « Il ne faut pas le confondre avec un conseil de surveillance de société anonyme » prévient d’emblée Xavier Decroocq, président du conseil de surveillance de la SCPI Pierre Avenir 2 qui préfère parler d’«organe de transparence » et qui ajoute, on aurait pu l’appeler le « conseil des épargnants ». De son côté Damien Van Houtte, président du CS de la SCPI PF Opportunité envisage davantage le CS comme un « outil de transparence », ce qui l’amène d’ailleurs à douter de l’intérêt de soumettre les SCPI à un dépositaire externe comme l’exigera prochainement l’entrée en vigueur de la directive européenne AIFM dont certains observateurs considèrent que sa mission sera elle aussi celle d’un « super CAC ». De son côté, François Goubard, président du CS de Selectinvest 1 voit le rôle de cette instance comme celui d’aiguillon de la société de gestion. Enfin François Netter, président du CS de Fructipierre remarque que « la pratique suivie au fur et à mesure du développement de la formule SCPI et l’intégration au sein de ce conseil de porteurs de parts eux-mêmes en font une institution originale, sorte d’organe de démocratie directe qui ne se rencontre guère ailleurs. A ce titre elle mérite d’être encouragée ».
Poser les bonnes questions
Tous ces présidents interrogés par pierrepapier.fr s’accordent à considérer que le rôle du conseil de surveillance ne peut évidemment se confondre avec celui de la société de gestion. « L’un est là pour surveiller et l’autre pour gérer », insiste François Netter président du CS de Fructipierre. Toutefois, l’effectivité de cette surveillance n’est pas évidente. « on n’intervient pas dans la gestion » rappelle Damien Van Houtte, « on peut seulement poser des questions » en ajoutant « notre rôle c’est d’être en veille ». Encore faut-il poser les bonnes car le conseil de surveillance n’est pas qu’un simple conseil syndical d’une copropriété immobilière chargé d’éplucher les comptes du syndic, même si cela fait partie de ses missions. Il participe également à la stratégie à long terme de la SCPI par le dialogue qu’il noue avec la société de gestion. A cet égard, il peut agir en force de rappel quand la société de gestion serait tentée de sacrifier un peu l’avenir en procédant à des cessions intempestives pour assurer le maintien de la distribution aux parts des associés. Damien Van Houtte se plaît à rappeler que « les conseils de surveillance sont composés de gens de bons sens et que les conseils de surveillance ont leur part dans le retour du succès des SCPI ». Léon Baruc président des CS d’Interpierre et de Buroboutic voit lui aussi dans la composition des CS un atout des SCPI : « ses membres apportent la diversité de leurs expériences loin des camarillas inféodées aux sociétés de gestion qui, parfois, s’intéressent un peu plus, aux honoraires et commissions à percevoir qu’à l’intérêt à long terme des SCPI ».
La course au cacheton
Modestes les jetons de présence des membres qui assistent en moyenne à quatre réunions par an, sont proches de 1 000 euros par an (10 fois moins que les membres de conseil de surveillance de petites sociétés cotées), n’en continuent pas moins à susciter des vocations lors des candidatures lors des renouvellements des CS. « Il y en a qui continuent de faire la course aux cachetons » dénonce François Goubard qui pointe les cumulards présents dans plus de 15 conseils de surveillance. Mais tempère Xavier Decrooq, il ne faut pas nier l’évolution sensible qui est intervenue au cours des 20 dernières années : « le temps des Conseils de surveillance ronronnant est derrière nous ». Et de préciser « à partir des années 90/95 quand on commence à parler d’arbitrages de Vefa ou d’appel d’offres internationaux, les membres dormants s’éliminent progressivement d’eux-mêmes ».
Forts des compétences de leurs membres, les CS ont notamment, selon Damien Van Houtte, prévenus les SCPI des dérives de l’ingénierie financière. François Goubard estime lui aussi que cet organe de représentation des associés se doit « d’avoir une vision à 5 ou 10 ans de ce que sera le patrimoine de la SCPI et que cela peut l’amener à contrer la vision mercantile de certaines sociétés de gestion. Il doit veiller à ce que le rendement des parts préserve le patrimoine et à ce que la société de gestion partage l’intérêt des associés ».
Un dialogue sain avec la société de gestion
Mais tous les présidents de CS s’accordent sur la nécessité d’un dialogue constructif avec la société de gestion. « Le rôle de la société de gestion est fondamental car celle-ci doit savoir informer, écouter et dialoguer avec les porteurs de parts » note Léon Baruc, président des CS d’Interpierre et de Buroboutic. Xavier Decroocq aime qualifier la relation des conseils et des sociétés de gestion de « partenariat constructif ». Au besoin, il peut paraître utile, explique François Netter, que « la société de gestion éclaire le conseil de surveillance, au travers de séances dédiées, sur des aspects économiques (les critères d’analyse de la conjoncture immobilière), juridiques (caractéristiques des baux commerciaux et des marchés) ou techniques (mode d’entretien des immeubles, caractéristiques de certaines normes…) ». La société de gestion « doit répondre à leur questions rapidement et complètement » rappelle François Goubard qui aimerait pour sa part travailler plus en amont sur « les mouvements des locataires dont les départs sont précédés de signes annonciateurs qui ne sont pas toujours pris en compte assez vite par les sociétés de gestion ». Les sociétés de gestion ont un rôle à jouer pour éduquer les membres des conseils de surveillance qui ne sont pas, comme elles, en contact direct avec le marché de l’immobilier tertiaire qui concentre 90 % des actifs des SCPI. Un blocage aurait des conséquences redoutables sur la bonne marche de la SCPI. Les conseils de surveillance n’en sortiraient pas forcément gagnant car, in fine, le pouvoir reste aux associés dont les conseils de surveillance ne sont que des représentants disposant d’une magistrature morale sans pouvoirs de coercition réel. Leur vrai pouvoir, c’est d’alerter sur les dérives et d’accompagner les efforts de pédagogie de la société de gestion pour faire prendre conscience aux assemblées générales les grands enjeux de demain, à commencer par l’adaptation du patrimoine aux défis des utilisateurs de demain.
Christophe Tricaud
pierrepapier.fr