L’immobilier est-il un actif comme les autres ?
Quoi de neuf au pays des SCPI ? Hausse des taux, baisse des marchés immobiliers…baisse des prix de parts de certaines SCPI. Normal ? Logique ? Peut-être, mais certains esprits s’échauffent parfois rapidement. En réaction à certains propos sensationnalistes, voici un billet d’humeur de David Seksig, directeur général de Remake Live. Pour dénoncer les analyses bâclées. Pour rappeler l’intérêt des épargnants. Comme toujours, le titre et les intertitres sont de la rédaction de pierrepapier.fr. Les propos n’engagent que leur auteur… même si nous avons beaucoup aimé !
Depuis la semaine dernière, il ne se passe pas une journée sans que journalistes spécialisés, conseillers en gestion de patrimoine indépendants, investisseurs amateurs ou professionnels ne prennent la parole pour commenter l’actualité des SCPI. L’annonce d’une baisse significative des valeurs de parts des SCPI gérées par les poids lourds du secteur a déchaîné les experts spectateurs qui voient (enfin ?) dans ce constat la fin maintes fois annoncée de ce produit d’épargne.
La SCPI va-t-elle mourir ?
Ce dinosaure
- inventé dans les années 60,
- bien avant les OPCVM,
- qui a résisté à la crise des années 90,
- survécu aux subprimes
- puis au Covid
sera-t-il terrassé par la hausse des taux ?
Ce produit phare qui pèse aujourd’hui 100 milliards d’euros dans le paysage de l’épargne connait sa première crise depuis Lehmann. Véritable couteau suisse, la SCPI a été vendue à toutes les sauces. Entière, démembrée, en assurance vie, sans commission de souscription et j’en passe…
Et pendant 10 ans, tout le monde avait oublié que la SCPI a la note 3 sur l’échelle de risque des produits financiers ? Que son capital n’était pas garanti ? Que sa valeur pouvait baisser ?
Non, drogués à l’argent gratuit du dealer BCE, on finissait même par penser que la SCPI présentait moins de risque que le livret A.
Evidemment, comme dans toutes les crises de désintox, le plus dur c’est le sevrage…
La violence de la remontée des taux directeurs a laissé KO la plupart des gérants. Si les classes d’actifs traditionnelles se sont vite adaptées, les classes d’actifs alternatives ont peiné à se réinventer. Comment valoriser des licornes devenues poneys ? Comment expliquer qu’il fallait maintenant ranger son Monopoly et tout rendre à la banque ?
L’immobilier, c’est le temps long.
- Des baux de 3 ans minimum
- Des transactions actées en 6 mois
- Des droits de mutation élevés qui ne donnent pas envie de revendre rapidement. Cette inertie protège des mouvements violents, mais anesthésie l’épargnant et son écosystème qui sont projetés dans une dystopie dont ils sont les héros.
L’immobilier s’adapte à tout. Taux haut, inflation, taux bas. Rien ne lui fait peur. Mais l’immobilier n’aime pas les changements trop violents. Cette vieille dame respectable n’aime pas qu’on la bouscule.
Et c’est là que le bât blesse.
La hausse des taux a un effet sur l’immobilier
La volatilité des taux a été trop forte avec des coûts de financement qui devenaient plus importants que le rendement de certains immeubles. Les volumes de transactions s’effondrent. Les valeurs des parts doivent s’ajuster et les SCPI revenir à la dure réalité.
Les gros assets managers ont fini par siffler la fin du match et baisser les valeurs de parts. Ils ont choisi de frapper un grand coup plutôt que de privilégier le supplice chinois avec des baisses graduelles interminables. Les investisseurs entrés récemment ne leur diront pas merci. Mais, comme dans tous les marchés, il faut assumer le risque de baisse.
Et ne pas oublier que l’on veille à l’intérêt des porteurs quand on les fait entrer à des prix de marché. Enfin, peut-être faut-il aussi rappeler qu’il s’agit de véhicules de distribution qui se portent bien. Et qui affichent une régularité des performances locatives impressionnante depuis 60 ans. Après tout, si l’associé garde ses parts en moyenne 22 ans, c’est que cela ne doit pas être si mal…
Les Cassandre voudraient avoir raison
N’oublions pas les Cassandre heureux de voir les gros trébucher pour confirmer leurs prédictions : c’est la fin du bureau, c’est la fin des SCPI, c’est la fin, c’est la fin, c’est la fin d’on ne sait même plus quoi à la fin…
La réalité, que beaucoup ont choisi d’oublier, c’est que c’est avant tout une crise financière qui a remis à zéro les compteurs de 10 ans de croissance de prix de part, . Certes, le bureau ressemble maintenant à un vieux lion mais il reste un lion. La demande reste présente et le bureau s’adapte. Il devient hybride, multi-usages. Et son emplacement sera de plus en plus recherché dans un contexte où la loi ZAN ne permettra plus de construire comme avant. C’est pourquoi, faire porter la baisse du marché sur le bureau est un raccourci facile mais inexact. Toutes les typologies baissent. Personne n’est épargné. Demandez aux promoteurs comment cela se passe dans le neuf.
Vers un nouveau cycle ?
Plutôt que d’entendre le Chant du Cygne, il serait sans doute préférable d’y voir le signal d’un nouveau cycle.
Un nouveau cycle favorable aux véhicules récents, agiles, qui disposent de cash et profitent dans toute l’Europe des soldes offertes par leurs ainés pour sur-performer. Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Irlande, UK… une sorte de Cannon Ball de l’investissement ! Personne ne sachant combien de temps cette fenêtre va rester ouverte. 2024 ? 2025 ? Ce qui est probable, c’est qu’une fois l’inflation suffisamment maîtrisée, les banquiers centraux soient tentés de baisser les taux, ce qui entrainerait mécaniquement une revalorisation de l’immobilier.
L’histoire est un éternel recommencement. Les acteurs et les costumes changent mais certaines situations ont comme un air de « déjà vu ». Dans ces conditions, je m’étonne toujours du catastrophisme de certaines communications qui ont des airs de prophéties auto-réalisatrices. Voit-on des tribunes ou articles pointer aussi sévèrement la chute des OPCVM lorsque la Bourse dévisse ?
Non.
Voici la réalité : on n’accepte pas de voir l’immobilier baisser. Cette classe d’actifs qui semble disposer de 65 millions d’experts en France est porteuse d’un incroyable affect. De plus tout le monde a un avis car tout le monde en a fait l’expérience un jour. C’est dans cette cacophonie digne d’une auberge espagnole qu’il faut expliquer, rassurer et pour finir convaincre afin d’avancer et d’éviter les préjugés sur les SCPI.
Qui a dit que l’immobilier était une classe d’actifs comme les autres ?
Pas moi.