Dans un contexte de baisse des valeurs immobilières, l’avantage est aux SCPI en phase de collecte, estime Franck Inghels, directeur de la distribution d’Inter Gestion REIM. Dont les deux véhicules sous gestion sont en outre en situation de forte décote. Franck Inghels est l’invité des « Acteurs de la Pierre-Papier ». Podcast.
Inter Gestion REIM, je le rappelle, gère notamment deux SCPI investies en immobilier d’entreprise, lesquelles pèsent environ 600 M€ de capitalisation. Nous y reviendrons. Mais, une question, d’abord sur les marchés immobiliers. Ils subissent, depuis plusieurs mois, le contre-coup du retour de l’inflation et de la hausse des taux. Les transactions ont chuté. Les prix sont désormais clairement orientés à la baisse. Du coup, les investisseurs, et notamment les investisseurs en SCPI, sont inquiets. Et vous ?
Franck Inghels – Nous sommes « en humilité » face à la macro-économie… Le contexte, il est vrai, est très « compressif » pour l’immobilier. Inflation, hausse des taux, l’impact sur l’immobilier est évident. Mais nous restons optimistes. Par tempérament, sans doute. Mais aussi par conviction. L’immobilier, je le rappelle, dispose d’un bouclier, certes pas protecteur à 100%, mais un bouclier quand même : l’indexation. La mécanique des revenus des SCPI, ce sont les baux indexés. Et cela fonctionne. En 2022, nous avons pu faire passer une indexation « mécanique » d’un peu plus de 3,5%. Un taux de 4,5% semble probable au titre de 2023. La hausse des taux impacte, elle, le recours à l’effet de levier du crédit. Donc très marginalement les SCPI, ne l’utilisaient, cet effet de levier, que dans des proportions raisonnables. De l’ordre de 20% environ de leurs fonds propres.
Ce qui n’est pas le cas d’autres investisseurs, sortis du marché ces derniers mois précisément en raison du renchérissement du coût du crédit… D’où ces baisses de transactions et de prix que j’évoquais. Sur ce sujet « valorisation », que constatez-vous aujourd’hui ? Quelle est l’ampleur de la baisse au regard, par exemple, des valorisations du 3e trimestre 2022 ?
Franck Inghels – La baisse est très disparate en fonction des secteurs. Et de la situation des actifs. Ceux qui avaient de la vacance l’ont payée très cher en termes de valorisation, cela, c’est évident. Les bureaux ont été les plus sévèrement touchés. On a beaucoup parlé de « crise d’usage », de « mécanique post-Covid » pour les bureaux. L’ampleur de la baisse dépend aussi de l’âge des actifs, et de l’ampleur des travaux de mise aux normes, notamment par rapport au décret tertiaire. Les SCPI, celles qui détiennent beaucoup de bureaux, ont donc incontestablement été impactées par ces baisses de valeurs.
On parle de baisses de valeur de l’ordre de 20%. Et aussi de baisses de loyers, notamment en région parisienne. C’est aussi ce que vous constatez sur le marché ?
Franck Inghels – Nos fonds sont assez peu présents sur cette typologie d’actifs. Mais il est vrai que les baisses, sur cette zone géographique et ce secteur, sont importantes. Y compris côté loyers. Si un locataire occupe 40 000 m² à La Défense, et menace de partir si le loyer n’est pas révisé, le propriétaire – qui peut être une SCPI- n’est pas actuellement en situation favorable. Ce réalignement entre locataires et propriétaires est sans doute temporaire. Il joue effectivement plus dans le secteur des bureaux. La logistique est elle-aussi concernée. Le secteur de la santé a pu subir quelques variations, mais de moindre importance. Quant au segment du commerce, notre secteur de prédilection -notamment celui des retail parks-, il a en revanche été assez préservé…
Le sujet qui inquiète le plus particulièrement les porteurs de parts de SCPI, c’est précisément celui d’une baisse de la valeur de leurs patrimoines, que l’on vient d’évoquer. Et, donc, potentiellement, d’une baisse de leur prix de souscription. On sait que certaines SCPI ont déjà entériné ces baisses de prix. Qu’en est-il chez Inter Gestion REIM, en termes de valorisation ?
Franck Inghels – Notre stratégie consiste à mettre le locataire au centre de nos préoccupations. Plus que l’emplacement, la capacité à payer du locataire est clef. Notre SCPI Cristal Rente investit notamment dans des retails parks occupés par les grandes enseignes de distribution. Ce qui lui permet, à contre-courant du marché, d’afficher des valeurs d’expertises en hausse cette année…
A fin 2022, comparée à fin 2021…
Franck Inghels – Oui. Les valeurs d’expertises de Cristal Rente, sur cette période, progressent de plus de 1,60%. Et celles de Cristal Life, d’environ 1,5%…
Ce qui veut dire, à priori, que les valeurs de reconstitution de vos deux SCPI sont toujours en deçà de leurs prix de souscription. Et qu’elles sont donc toujours en situation de « décote » ?
Franck Inghels – Une forte décote, oui. C’est une situation plutôt confortable aujourd’hui. Car ce critère prend une importance toute particulière cette année… En pratique, la décote de Cristal Rente est de l’ordre de 7%. Celle de Cristal Life frôle la fourchette basse, à 9,88%… Ce qui signifie que nous conservons une grande latitude dans la fixation de nos prix de souscription. Car il faudrait constater une baisse de l’ordre de 17% à 18% en 2023 pour nous contraindre à baisser le prix des parts. Nous avons la conviction que cela ne sera pas le cas.
L’aspect positif de la correction des marchés immobiliers, c’est la possibilité d’acquérir aujourd’hui des actifs à des conditions de rendement plus attractives qu’il y a quelques mois. A condition, bien sûr, de disposer des liquidités nécessaires. Donc d’une collecte positive, pour les SCPI. Ce qui est le cas de celles que vous gérez. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’acquisitions récentes que vous avez menées, et le différentiel de rendement que vous estimez avoir obtenu par rapport à l’an dernier ?
Franck Inghels – Toute crise génère effectivement des opportunités. Et il est exact que nous disposons d’une bonne mécanique de collecte. Cet effet collecte est d’autant plus intéressant lorsqu’il alimente des SCPI disposant d’un patrimoine relativement jeune. Le nouveau contexte immobilier favorise, je pense, les SCPI « adolescentes ». Si je prends l’exemple de Cristal Life, il est clair que les nouvelles acquisitions auront un impact très important sur la valeur globale de son patrimoine. Cristal Life pesait 50 M€ de capitalisation fin 2022. Si elle investit de nouveau 50 M€ en 2023 – ce qui est notre objectif-, la moitié de son patrimoine aura donc bénéficié des opportunités du nouveau contexte de marché.
De quel différentiel de rendement parlons-nous ?
Franck Inghels – Il y a actuellement environ 1% -en plus…- de différentiel de rendement entre les acquisitions menées au 3e trimestre 2022 et celles contractées aujourd’hui. J’ajoute que l’ajustement entre prix acheteur et prix vendeur a été plus rapide hors de France. Notamment dans le nord de l’Europe, aux Pays-Bas en particulier. Cet alignement est en cours en France. Ce qui ouvre une période d’opportunité d’une douzaine de mois, avec la possibilité d’acquérir des biens avec des rendements de 1% à 1,2% supérieurs à ceux de l’an dernier.
L’impact sur les rendements 2023 des SCPI sera donc d’autant plus important selon leur ratio collecte/capitalisation. C’est bien l’idée ?
Franck Inghels – Tout à fait. Ce « combo » est nécessaire. Il sera d’autant plus efficace si la SCPI bénéficie en outre d’une collecte en progression. A condition, bien sûr, qu’elle soit en mesure de convertir ces flux supplémentaires en opportunités. Cristal Life, par exemple, notre dernier « bébé », a pour objectif de distribuer un rendement de 5,5%. Ce qu’elle a fait l’an dernier. En 2023, si sa collecte est à la hauteur de nos espérances, et que donc elle pourra bénéficier de ces opportunités de marché que nous évoquions, nous avons l’ambition d’atteindre les 6%.
L’un des critères de segmentation des SCPI, en 2023, est donc, on l’a bien compris, leur capacité à collecter. Cela pourrait-il conduire à un réajustement dans la hiérarchie des gestionnaires de SCPI ? Entre les acteurs historiques, à la tête de patrimoines importants. Et les nouveaux entrants qui, à la différence des précédents, sont souvent en phase de collecte ?
Franck Inghels – Si nous nous situons dans la catégorie « nouveaux entrants », c’est un réajustement que nous pourrions appeler de nos vœux… Mais je pense surtout qu’il faut rassurer sur la solidité des sociétés de gestion de SCPI. Celles qui détiennent des actifs « anciens » disposent aussi de patrimoines importants, ce qui confère à leur gestion une solidité « mécanique ». Certes, elles doivent aujourd’hui procéder à des arbitrages. Ce qui viendra, ponctuellement, grever les performances de leurs fonds. Quant aux nouveaux entrants, surtout ceux dont la collecte s’accélère, ils vont effectivement bénéficier des opportunités du marché. Et donc, à l’inverse, produire davantage de performances. L’ensemble va se compenser. Ce qui devrait conduire à une forme d’équilibre, finalement rassurante pour les épargnants.
Restons sur la collecte des SCPI. On sait qu’elle a légèrement baissé au 1er trimestre. Quelle est, à ce sujet, l’attitude des conseillers en gestion de patrimoine que vous fréquentez au quotidien ? Comment présentent-ils aujourd’hui le placement immobilier, face à d’autres formules d’investissement actuellement plus rémunératrices ?
Franck Inghels – La question est effectivement de savoir si les SCPI, appréciées jusqu’à présent pour leur bon niveau de rémunération, ne vont pas pâtir du retour de l’inflation. Car d’autres classes d’actifs -obligations datées, produits structurés- sont venues, mécaniquement, les concurrencer. Les CGP restent soucieux de diversifier les patrimoines de leurs clients. Dans leur esprit, la SCPI reste attractive sur le long terme. C’est l’un des rares produits de rente. Important, donc, quand on cherche des revenus complémentaires face, notamment, à la problématique des retraites. La SCPI permet aussi différentes combinaisons : démembrement, achat à crédit. Un levier que les CGP savent bien utiliser.
La question reste néanmoins celle du rendement. Pensez-vous que le rendement des SCPI -pour l’ensemble du marché, et pour les vôtres en particulier- va augmenter en 2023 ?
Franck Inghels – Oui. Grâce au mécanisme d’indexation que j’évoquais précédemment. Et aux acquisitions faites à bon compte. Elles viendront soutenir la performance.
Un mot, pour finir, de l’actualité Inter Gestion REIM. Des projets spécifiques vont-ils voir le jour dans les prochains mois ?
Franck Inghels – Il y a des projets de nature « technologique ». Sur lesquels nous communiquerons lors de Patrimonia, en septembre. Un autre sujet est plus d’actualité : l’européanisation. Il ne concerne pas seulement Inter Gestion REIM. Mais nous l’avons désormais pris à bras le corps. L’idée est d’aller chercher des performances hors de France. Pas seulement pour des raisons fiscales. Mais parce que ces marchés offrent de réelles opportunités, et de meilleures rentabilités. C’est le cas, par exemple, pour le secteur alimentaire, en Europe du Sud. Ou pour celui du bricolage, en Europe du Nord.
Deux secteurs aux « activités essentielles », votre thématique de prédilection…
Franck Inghels – Ce thème des actifs essentiels reste effectivement parfaitement d’actualité. Je l’ai abondamment commenté depuis 2020. Il semble bien compris aujourd’hui. Le facteur « essentiel » est un gage de pérennité. Il préserve du risque économique. C’est d’autant plus important dans une période où les cycles -économiques- sont de plus en plus courts…
Quelle est aujourd’hui la fraction de vos patrimoines qui est investie hors de France ?
Franck Inghels – Autour de 12%. Mais je précise que notre internationalisation n’a commencé qu’en 2022. Nous trouvions, auparavant, toute la profondeur nécessaire sur le seul marché français…
Quel objectif de diversification géographique, à l’horizon 2024 ?
Franck Inghels – L’objectif est de focaliser entre 35% et 40% de nos investissement hors de France. Afin d’atteindre environ 20% des patrimoines investis en Europe. Une proportion qui variera selon les fonds. Car nous souhaitons mener cette stratégie en tout sérénité…
Lire aussi
Les deux SCPI Cristal d’Inter Gestion au-dessus des 5% de rendement en 2022
Quelles SCPI ont revalorisé leur prix de souscription en 2022 ?
Cristal Rente poursuit son chemin de valorisation
Franck Inghels, Inter Gestion : « Investir dans les actifs essentiels… »
SCPI Cristal Rente : rebond de la collecte et des performances en 2021
Franck Inghels, Inter Gestion : « Attention à la « sur-spécialisation » des véhicules »
Inter Gestion lance Cristal Life, une SCPI dédiée aux activités « essentielles »
A propos d’Inter Gestion REIM(i)
Société de gestion de portefeuille indépendante et familiale, Inter Gestion REIM développe des SCPI depuis plus 30 ans. Elle gère et commercialise une offre d’épargne immobilière haut de gamme construite sur la qualité de sa sélection des meilleurs actifs du marché.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.