Les chiffres du 3e trimestre 2023 confirment le très net infléchissement de la collecte nette des SCPI. A 852 M€ -contre 1,7 Md€ au trimestre précédent-, elle retrouve ses niveaux d’avant 2019. Mais le vrai sujet est ailleurs… Chiffres et commentaire.
Le recul était prévisible. Et attendu. Les chiffres de la collecte des fonds immobiliers grand public au 3e trimestre 2023, que viennent de rendre publics l’ASPIM et l’IEIF, confirment la tendance amorcée au 2e trimestre : des souscriptions qui s’affaissent. Pour l’ensemble des trois catégories (SCPI, OPCI et unités de compte immobilière), la collecte nette est même entrée en territoire négatif. Les décollectes nettes enregistrées par les OPCI (-791 M€) et les SCI (-880 M€) conduisent en effet à une décollecte nette globale de 820 M€…
Collecte brute -et nette- toujours positive pour les SCPI
Les SCPI sont donc les seules à avoir maintenu une collecte nette positive. De + 852 M€. Comparé au trimestre précédent (1,7 Md€), le repli est néanmoins impressionnant, proche de -50%. Selon les données ASPIM-IEIF, la collecte nette des SCPI sur les neuf premiers mois de l’année 2023 s’établirait ainsi à 4,8 Md€. Soit 36% de moins que sur la même période en 2022. Des chiffres que l’on jugera sans doute alarmants. Mais qu’il convient bien sûr de relativiser. Ce que s’emploie à faire l’ASPIM dans son communiqué. D’abord, en mettant en avant un autre indicateur du niveau d’activité des SCPI, et sans doute plus structurant, celui de leur collecte brute. Cette dernière s’est établie à un peu plus de 6,4 Md€ sur les neuf premiers mois de 2023. Et à 1,35 Md€ au titre du 3e trimestre.
Retour au niveau des souscriptions brutes de 2019
Des niveaux eux aussi inférieurs à ceux constatés lors des exercices précédents. Mais dans des proportions moindres. Et, surtout, plus significatifs en termes de comparaisons temporelles. En fait, comme le souligne l’ASPIM, « le marché renoue avec un volume de souscriptions -brutes- proche du niveau de 2019 ». Une forme de normalisation après trois années « atypiques ». 2022, une année « exceptionnelle » en termes de collecte (11,6 Md€ de collecte brute). Et 2020 (7,4 Md€) et 2021 (8,7 Md€), des années marquées par la pandémie Covid-19. En 2019, l’exercice s’était achevé sur un score de collecte brute de 9,7 Md€. Dont 6,8 Md€ au titre des neuf premiers mois de l’année. Un chiffre proche, donc, de celui des neuf premiers mois de 2023. Si l’on pousse plus loin l’analyse, on observe qu’en réalité les SCPI sont en train de revenir dans l’épure de leur chemin de collecte d’avant 2015.
Les SCPI ne sont pas les seuls placements de long terme à souffrir de la conjoncture
Rappelons que l’engouement dont ont bénéficié ces véhicules ne date en effet que la seconde moitié des années 2010. 2015 fut d’ailleurs le premier exercice qualifié, à l’époque, d’historique en termes de collecte. La collecte nette des SCPI (4,1 Md€) avait alors progressé de près de 50% d’un exercice à l’autre (2,7 Md€ en 2014). Leur collecte brute s’affichait quant à elle à près de 5 Md€… Bien supérieur, le chiffre 2023, compte tenu de l’environnement de marché -hausse des taux, incertitudes économiques, baisse des prix de parts de plusieurs SCPI-, n’a donc rien d’aberrant. Les fonds immobiliers ne sont en effet pas les seuls placements de long terme à souffrir de la conjoncture. En témoignent, notamment, les dernières statistiques disponibles de l’assurance-vie. En août dernier, ce « placement préféré des Français » subissait en effet une décollecte nette de 1,7 Md€[1] .
Le vrai sujet : la hausse importante des rachats de parts de SCPI
Le vrai sujet n’est donc pas celui d’une baisse du rythme de la collecte. Mais celui d’une hausse -importante- des rachats. « Au 3e trimestre, les SCPI ont enregistré des ordres de rachats pour 1,7 Md€ », précise l’ASPIM. Soit un montant équivalent, en prix de souscription, « à 1,85% de la capitalisation du marché ». Or, depuis 2015, le niveau des rachats n’avait jamais dépassé, annuellement, les 1,5 Md€[2]. Avec le montant du 3e trimestre 2023, il s’établit déjà à plus de 2,7 Md€ sur les neuf premiers mois de l’année… La situation est donc clairement préoccupante. Car, du fait de la baisse du rythme de la collecte brute, ces rachats de parts sont de moins en moins compensés.
Inflation préoccupante du nombre de parts en attente
L’ASPIM précise que seuls « 500 M€ ont pu être compensés par les nouvelles souscriptions du 3e trimestre. Ou par les collectes passées mais non investies pour certaines SCPI ». Conséquence : la valeur des parts en attente de retrait a littéralement explosé au cours des derniers mois. Au 30 septembre 2023, elle est estimée par l’ASPIM à 1,2 Md€. Soit 1,3% de la capitalisation des SCPI. A la fin du 1er semestre, ce ratio, qui avait déjà doublé par rapport à fin 2022, n’était que de 0,36%. Des chiffres à comparer aux moyennes historiques de ces dernières années, toujours inférieures à 0,2%[3]. Ce problème de liquidité des SCPI est, on le sait, concentré sur certains véhicules. L’ASPIM rappelle d’ailleurs que moins de la moitié des SCPI est confrontée à cette situation.
Une situation très contrastée selon les véhicules
« 98 SCPI gérées par 17 sociétés de gestion avaient des parts en attente de rachat au 30 septembre 2023 », détaille l’association. En revanche, souligne-t-elle, « 114 SCPI gérées par 38 sociétés de gestion n’avaient aucune part en attente de rachat à la même date». Et pour cause. Ces 114 SCPI ont concentré l’essentiel de la collecte brute du 3e trimestre. S’adjugeant 78% de l’ensemble des souscriptions. L’ASPIM -et, sans doute, l’ensemble du marché-, espère que les « récents ajustements de valeurs de parts » -autrement dit, la baisse du prix de souscription d’une grosse vingtaine de SCPI depuis le début de l’année- vont permettre de « redynamiser les souscriptions ». En attirant des investisseurs « souhaitant bénéficier de prix ajustés, et de taux de rendement en hausse », argumente l’ASPIM.
SCPI, d’abord le rendement
Rappelant au passage son estimation du Taux de Distribution 2023 des SCPI. Qui devrait se situer à « un niveau proche de celui de 2022[4] ». Un argument qui devrait aussi faire réfléchir les « vendeurs » de SCPI. Car le nouveau cycle immobilier qui s’ouvre n’est sans doute pas celui d’une valorisation du capital. Mais bien celui d’une génération de revenus. Tous les observateurs – à commencer par les gestionnaires d’actifs immobiliers eux-mêmes, ce qui nuit peut-être à la crédibilité du discours…- le soulignent. La force de la SCPI, c’est sa capacité à générer du rendement. Rendement issu de la perception de loyers. L’émergence d’un marché des SCPI à deux vitesses -celles qui ont baissé le prix de leurs parts, et les autres- ne change rien à l’affaire. Car toutes -sauf exception- devraient continuer à remplir ce contrat « rendement ». Sauf pour ceux qui s’en seront dessaisis…
Lire aussi
SCPI : des valeurs qui baissent, et alors ?
SCPI : liquides, moins liquides ?
Nouveau – et très fort – repli de la collecte des fonds immobiliers non cotés au 2T 2023
SCPI : quels gestionnaires ont le plus collecté au 2T 2023 ?
Fonds immobiliers non cotés : collecte en repli au 1er trimestre 2023
Fonds immobiliers non cotés : collecte record en 2022
SCPI : tous leurs rendements en 2022
SCPI : quelles catégories et quels gestionnaires ont le plus collecté au 3T 2022 ?
Fonds immobiliers non cotés : les chiffres de la collecte du 3e trimestre 2022
OPCI : « petite » reprise de la collecte au 2ème trimestre 2022
SCPI : quelles catégories, quels gestionnaires ont le plus collecté au 2T 2022 ?
Fonds immobiliers non cotés : nouvelle collecte record au deuxième trimestre 2022
Les véhicules immobiliers de plus en plus présents au sein des unités de compte de l’assurance-vie
Fonds immobiliers non cotés : une collecte 2021 dans l’épure de 2020
Société civile, l’unité de compte immobilière qui monte, qui monte…
A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2022, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 314 milliards € et 4 millions d’épargnants. Le nombre total des membres de l’ASPIM s’élève à 133, dont 106 Sociétés de Gestion de Portefeuille (SGP) agréées par l’AMF, filiales de groupes bancaires, d’assurance, de gestion immobilière étrangère ou entrepreneuriales, et 27 experts correspondants qui sont des professionnels de l’écosystème immobilier et financier (avocats, consultants, auditeurs et experts).
A propos de l’IEIF(i)
Créé en 1986, l’IEIF est un centre d’études, de recherche et de prospective indépendant spécialisé en immobilier. Son objectif est de soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur réflexion stratégique, en leur proposant des études, notes d’analyses, synthèses et clubs de réflexion. L’approche de l’IEIF intègre l’immobilier à la fois dans l’économie et dans l’allocation d’actifs. Elle est transversale, l’IEIF suivant à la fois les marchés (immobilier d’entreprise, logement), les fonds immobiliers (cotés : SIIC, REIT ; non cotés : SCPI, OPCI, FIA) et le financement.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Source : France Assureur – Sur les 8 premiers mois de l’année 2023, la collecte nette demeure positive de 1,7 Md€.
[2] De 677 M€ en 2015, le chiffre a progressivement suivi l’évolution de la capitalisation, pour s’établir à 1,4 Md€ en 2022.
[3] Par exemple, 0,16% fin 2022, 0,15% fin 2020 et 0,12% fin 2019.
[4] Soit 4,53%