Jean-François Chaury, directeur général d’Advenis REIM, fait le point sur l’état des marchés immobiliers européens. Et revient sur les conséquences, pour le marché des SCPI, des baisses de parts enregistrées cet été. Interview.
La correction des actifs immobiliers est toujours d’actualité. Les transactions sont au point mort. Les prix continuent de baisser. Que peut-on dire, à date, de l’état des marchés immobiliers ?
Jean-François Chaury – Ils subissent toujours les conséquences de la forte remontée des taux d’intérêt qui s’est produite en 2022. Les effets sont plus visibles en 2023, du fait d’une année complète. Effectivement, les volumes de transactions sont en baisse sensible. De l’ordre de 50% en Europe. Et plus ou moins importante selon les pays. La baisse est par exemple moins prononcée en Espagne, où les volumes ont chuté d’environ 40%. Et plus élevée en France et en Allemagne, de l’ordre de 60%. Le constat est donc bien aujourd’hui qu’il y a moins d’acheteurs. Et que le marché reste dans l’attente, soit d’une nouvelle correction des prix, soit d’une possible revalorisation, puisque certaines classes d’actifs ont déjà corrigé…
La correction n’est effectivement pas uniforme. Elle varie selon les pays, les secteurs. Quels sont ceux qui ont le plus corrigé ? On parle des Pays-Bas, en termes géographiques, des bureaux, en termes sectoriels…
Jean-François Chaury – Il y a effectivement des différences. Des pays comme la France, l’Allemagne, les pays nordiques ont bénéficié de taux bas et connu, par conséquent, des volumes de transactions très importants. Ce sont eux qui subissent aujourd’hui les baisses de volumes les plus élevées. Mais, de manière générale, il faut bien comprendre que la baisse des prix qui se matérialise ne tient pas uniquement à la baisse des volumes. Mais aussi à l’attitude des opérateurs. D’un côté, les acheteurs sont très regardants. Ils veulent saisir des opportunités. De l’autre, les vendeurs sont souvent des vendeurs contraints. Ce qui signifie que les transactions constatées ne reflètent pas nécessairement la qualité des immeubles et des emplacements…
Un point plus précis sur les bureaux, une classe d’actifs sur laquelle Advenis REIM est très présente, notamment en Allemagne. A-t-elle suffisamment corrigé ? Les baisses vont-elles se poursuivre ?
Jean-François Chaury – Il faut sans doute préciser, ou revoir, les référentiels « bureaux » . Quand on parle bureau, de quel bureau parle-t-on ? Du bureau prime en QCA ? Du bureau en périphérie ? S’agit-il de bureaux énergétiquement viables ? Sont-ils dotés des critères qui les rendent attractifs pour les locataires ?
Nous constatons qu’il y a bien deux segments de marché aujourd’hui. D’un côté, le bureau « core ». Celui des plus belles adresses. Ce segment a effectivement subi une baisse de valorisation, du fait de la remontée des taux d’intérêt. Cette baisse est plus importante que celle qui affecte le second segment du marché, celui des bureaux situés en périphérie des grandes métropoles. Dit autrement, ce sont les actifs les plus qualitatifs qui ont le plus baissé. Voilà pour le constat.
Et donc ?
Jean-François Chaury – Mais cette baisse constatée, qui affecte ces actifs très bien placés, veut-elle pour autant dire que ces actifs valent -dans l’absolu- beaucoup moins cher qu’il y a deux ans ? Ne vaudront-ils pas beaucoup plus chers dans deux ans ? Ce sont des questions que l’on peut se poser. Ce que l’on constate aussi, c’est que les actifs les mieux disant sur le plan énergétique demeurent beaucoup plus attractifs pour les locataires que les actifs moins bien disant. Cette différence, elle est vraie pour le bureau. Mais aussi pour toutes les autres classes d’actifs, logistique, santé, commerce… Les actifs très qualitatifs, bien placés, faiblement énergivores, sont les plus attractifs. Nous constatons, par exemple, que les taux d’occupation financiers de nos actifs en Espagne s’améliorent -ils stagnent, certes, en Allemagne-, parce que ces actifs sont attractifs pour nos locataires, notamment d’un point de vue énergétique.
D’où l’importance d’avoir un patrimoine constitué d’actifs attractifs… Passons au sujet « SCPI ». Depuis l’été, un certain nombre d’entre elles ont baissé le prix de leurs parts. La collecte, globalement, a fortement reculé. Des problèmes de liquidité sont apparus. Comment appréhendez-vous ce nouveau contexte ? Mais, d’abord, quid de la collecte de vos deux SCPI au 3e trimestre ?
Jean-François Chaury – Ce phénomène a rappelé à tous que l’immobilier était vivant. Qu’il pouvait y avoir des crises immobilières. Comme en 2008. Comme dans les années 90. Il y a, oui, des crises, globalement tous les 15 ans. Ce « rappel » d’un possible recul de la valeur de l’immobilier a conduit effectivement à un recul de la collecte. Beaucoup de distributeurs ont arrêté de distribuer des SCPI. La collecte des SCPI a baissé. Celle de nos SCPI aussi. Mais nous demeurons en collecte nette positive sur le 3e trimestre.
Quelles sont les conséquences de cette plus faible collecte pour un gestionnaire comme Advenis ? Moins de possibilité de saisir des opportunités de marché ? Mais sans encore être contraint de céder des actifs…
Jean-François Chaury – C’est exactement ça. Moins de collecte implique des programmes d’investissement révisés à la baisse. On l’a dit précédemment, le marché n’est pas favorable aux vendeurs forcés. Ceux qui doivent vendre pour des raisons d’échéance de fonds, ou des raisons de liquidité, ils sont dans une situation délicate. Car les acheteurs savent qu’ils sont contraints de vendre. Et négocient encore plus âprement. L’actif vendu ne vaut pas nécessairement le prix conclu, mais c’est comme ça. C’est le prix de la contrainte de liquidité. Donc, avec une collecte plus faible, nous ne pourrons pas saisir toutes ces opportunités. C’est dommage que les distributeurs et les clients finaux ne réalisent pas que c’est précisément lorsqu’un marché est en crise qu’il convient de réinvestir. Car crise égale opportunités.
Exemples ?
Jean-François Chaury – Nous le constatons tous les jours, sur toutes les classes d’actifs, et dans tous les pays. Nous avons mené récemment une opération en Allemagne sur un actif « light industrial ». Une opération de sales and leaseback avec un constructeur automobile. Assortie d’un taux de rendement très attractif pour un actif de cette qualité…
Ce nouveau contexte vous a-t-il conduit à modifier vos stratégies d’acquisition, de gestion au sens large ?
Jean-François Chaury – Pas particulièrement. Nous avions déjà décidé l’an dernier de diversifier nos portefeuilles, aussi bien en termes de classes d’actifs que de zones géographiques. Nous l’avons déjà fait, géographiquement avec la SCPI Elialys, déjà présente en Espagne, et prochainement au Portugal et en Italie. Nous sommes en train de le faire en termes sectoriels. En profitant, précisément, des opportunités du marché. Le segment que j’évoquais précédemment -le light industrial– fait partie de nos cibles. C’est un segment intéressant. Parce que certaines entreprises, du fait de la montée des taux et de l’inflation, ont besoin de liquidités pour, soit se refinancer, soit saisir des opportunités en termes de croissance externe. Les opérations de sales et leaseback sont l’une des options qu’elles utilisent pour obtenir ces financements. Nous les regardons attentivement. Nous regardons aussi les actifs hôteliers, dont le marché fonctionne assez bien en ce moment.
Le corollaire de la hausse des taux et de la baisse des valorisations, c’est la hausse des rendements. Quid des Taux de Distribution prévisionnels des SCPI d’Advenis REIM ? Seront-ils révisés à la hausse dès 2023 ? Ou peut-être en 2024 ?
Jean-François Chaury – L’effet positif de l’indexation est bien réel. Elle est de l’ordre de 9% sur les 18 derniers mois, aussi bien pour les actifs détenus par Eurovalys, en Allemagne, que pour ceux détenus par Elialys, en Espagne. Mais cet effet loyer est en partie contrebalancé par l’augmentation des charges. Notamment le coût des travaux, qui est en augmentation sensible. Mais le solde est globalement positif. On devrait donc, a minima, maintenir -voire augmenter, une option qui reste encore au conditionnel- la distribution brute de nos SCPI sur l’exercice 2023.
Si je pose cette question du rendement, c’est qu’un certain nombre de « jeunes » SCPI viennent d’annoncer des révisions à la hausse de leurs distributions prévisionnelles. Elle ouvre sur le débat « jeunes pousses, vieilles poussives », autrement dit sur la formation d’un marché des SCPI à deux vitesses. Avec, d’un côté, celles qui « traîneraient » des patrimoines pas toujours aux dernières normes, et qui ne collectent plus -ou peu-. Et, de l’autre, ces jeunes véhicules qui bénéficieraient des nouvelles conditions du marché. Ce décalage va-t-il se corriger, à un moment ou à un autre ? Ou ce marché à deux vitesses va-t-il perdurer ?
Jean-François Chaury – Je pense que le sujet, aujourd’hui, c’est le sujet de la liquidité. Les grosses SCPI souffrent en réalité parce qu’elles avaient beaucoup d’investisseurs institutionnels -assureurs notamment- dans leur capital. Ce sont eux qui sont en train de vendre ces SCPI. Plus globalement, je pense qu’il faut rappeler que les SCPI sont assorties d’une durée de détention recommandée de 9 ans, en moyenne. Et que les souscripteurs de SCPI, notamment les clients privés, y souscrivent pour se procurer des revenus. Par exemple, nos SCPI distribuent des revenus issus d’actifs étrangers, donc bénéficiant d’une fiscalité allégée. Ce qui fait qu’elles sont plus compétitives en termes de rendement. Ces rendements ne baissent pas, comme je l’indiquais précédemment. Or, les SCPI sont des produits de rendement. Pas des produits de plus-values. Ce sont des produits de long terme.
Et donc…
Jean-François Chaury – Les grosses SCPI sont victimes de ces retraits. Et cette problématique de liquidité peut effectivement les empêcher d’investir, à court terme. Voire les contraindre à vendre des actifs. Et donc à constater, peut-être, des baisses de valeurs. Mais ces véhicules restent des véhicules très diversifiés. Dotés d’équipes de gestion importantes, compétentes. Il s’agit donc d’un momentum. En termes de baisse. De gestion de crise. Mais l’on devrait retrouver ces véhicules présents sur le marché dans les années qui viennent.
Je ne vous pose pas la question de savoir s’il y aura de nouvelles baisses de part en 2023, pour finir sur une note positive. A quand la fin de la baisse des marchés immobiliers, selon vous ?
Jean-François Chaury – Il semble que le reflux de l’inflation, au niveau mondial, soit un peu plus rapide que prévu. Il est donc possible que les taux d’intérêt rebaissent aussi plus vite. Ce qui serait une note très positive. Cette baisse pourrait intervenir dès 2024 d’après tous les économistes, en tout cas les sachants de ce monde. Ce qui pourrait signifier des marchés immobiliers plus « positifs » en 2025..
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A propos d’Advenis REIM(i)
Advenis Real Estate Investment Management (REIM) est une société de gestion de portefeuille spécialisée dans l’épargne immobilière paneuropéenne depuis 2017. Advenis REIM développe une gamme de Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA) avec 10 SCPI et une SC, construite sur la qualité de sa sélection d’actifs en Europe et destinée à des investisseurs institutionnels et privés. Elle se démarque par sa stratégie de diversification européenne avec les lancements consécutifs des SCPI Eurovalys (Allemagne) et Elialys (Europe du Sud). Et de la SC Advenis Immo Capital, une solution paneuropéenne d’investissement immobilier multisupports et multi-classes d’actifs, disponible uniquement en assurance vie sous forme d’unité de compte. Bénéficiant d’une expertise et d’un savoir-faire sur le marché de l’immobilier ancien résidentiel et sur le marché tertiaire paneuropéen, ses solutions d’épargne offrent l’opportunité de proposer une allocation immobilière diversifiée à ses associés.
Mentions particulières[1]
Au 30 septembre 2023, pour l’ensemble de ses fonds gérés, Advenis REIM capitalise près de 1,2 Mds € et 95 % des encours sous gestion investis en Allemagne et en Espagne. Elle détient par le biais de ses fonds 89 immeubles, accompagne quotidiennement 563 locataires.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Risque de perte en capital, revenus éventuels non garantis et dépendant de l’évolution du marché immobilier et de la fiscalité applicable. Les performances passées ne préjugent pas de performances futures. La liquidité est limitée. L’analyse produite appartient à la société de gestion et n’emporte aucun engagement juridique ni accord contractuel de sa part.