Interview de Jean-Hervé Lorenzi, Président de Finance Innovation
Par Hélène Sérignac et Guy Marty, PierrepapierTV
Hélène Sérignac : Est-ce qu’investir dans l’immobilier, c’est toujours d’actualité aujourd’hui ?
Jean-Hervé Lorenzi : Non seulement c’est toujours d’actualité, mais je trouve que c’est très intelligent, pour au moins deux raisons.
La première, c’est qu’on rentre dans une période qui est une période non seulement de rupture technologique, mais c’est un des éléments de transformation très profonde du dialogue, de la manière dont se gère le monde… Vous voyez bien que toutes les organisations internationales sont aujourd’hui mises en cause, le G20, l’OMC, et l’idée que l’on peut en tirer, c’est que, dans les années qui viennent, les marchés financiers seront très chahutés, c’est une situation difficile.
Dans ces conditions, au fond, l’immobilier demeure une sorte d’élément très stable et stabilisant des marchés. C’est une des premières raisons pour lesquelles je crois que cet investissement est en réalité très raisonnable et intelligent.
Le deuxième aspect, c’est le vieillissement. La démographie, comme chacun le sait, gouverne le monde, et le vieillissement, c’est le fait que nos sociétés vont en réalité permettre, je l’espère, à chacun de pouvoir continuer à développer son existence jusqu’à son terme de manière à ce qu’on retrouve une sorte de trajectoire de la vie agréable, et l’immobilier est un support de cette manière de faire. Ce n’est pas totalement par hasard que la France, considérée comme le pays du bonheur, habitée par des gens qui pensent qu’ils sont en enfer, mais c’est heureusement un pays qui est très heureux et le pays dans lequel les propriétaires immobiliers sont les plus nombreux.
Hélène Sérignac : Quelle est votre vision de l’avenir du logement ?
Jean-Hervé Lorenzi : Je pense qu’il faut le développer. Je pense qu’on est confronté à un problème macro-économique très connu. Le logement, dans notre pays – je crois l’avoir dit il y a quelques années à une conférence de Guy Marty mais les choses ont très peu changé –, est contraint par un très grand nombre de choses. Par exemple, l’obligation qu’on a sur les handicapés : 100 % de logements. Ça, c’est, semble-t-il, en voie d’évolution.
Deuxième aspect, ce sont les recours divers et variés de tous les voisins qui considèrent que ceci, que cela… Il y a une espèce de version des plaideurs qui retrouvent une dimension totale dans l’immobilier, et tout ceci doit être progressivement abandonné pour permettre au logement de se développer.
On dit qu’il faut 500 000 logements par an neufs. Peut-être ! Je ne sais pas si le chiffre est le bon mais, en tout cas il est clair qu’un million de gens en France sont très mal logés et que les jeunes ont beaucoup de mal à trouver des dispositifs de logement qui leur permettent de travailler dans de bonnes conditions.
Hélène Sérignac : Selon vous, quel est l’avenir de l’immobilier d’entreprise ?
Jean-Hervé Lorenzi : L’immobilier d’entreprise, c’est plus compliqué. J’ai été, dans ma jeunesse, dans un métier de l’immobilier puisque je me suis retrouvé directeur général d’une entreprise qui a disparu depuis (pas à cause de ma présence) qui s’appelait la SARI, qui est devenu un gros bout de Nexity. Je me souviens qu’on a vu apparaître de manière évidente la crise de l’immobilier dans les années 1990 pour une raison très simple : parce qu’il y avait dans l’ouest de Paris entre 1 et 2 millions de mètres carrés de bureaux superfétatoires. Il n’y avait pas de marché.
Donc, c’est assez compliqué toujours d’arriver à s’adapter de manière parfaite à la réalité de la demande d’immobilier d’entreprise.
Je crois qu’elle sera forte et, si l’on parle de Paris parce que, au fond, c’est ce qui nous intéresse, ça va dépendre de beaucoup de choses. Est-ce que Paris peut devenir une grande place financière, ce qu’elle n’est pas encore vraiment ? Est-ce que le Brexit lui est favorable ? Est-ce qu’on va finalement créer ou développer un autre La Défense dans l’Est de Paris ? Donc, il y a beaucoup de sujets non réglés.
Ce qui est très important, c’est de se dire que si je veux développer La Défense, il faut que je développe peut-être un million de mètres carrés de logements dans la région parce que les gens n’ont pas vocation à passer des heures et des heures dans les transports collectifs.
C’est l’immobilier d’entreprise qui est au cœur de l’évolution des marchés immobiliers, mais il faut qu’il y ait une adaptation parfaite entre ces besoins de logement, ces besoins de vivre parce que nous vivons dans notre immobilier, et la manière dont nous travaillons. Il y a une articulation entre les deux. Je pense évidemment à mon quartier favori, La Défense.
J’espère que le développement de La Défense se fera à la fois vers le haut, qu’on autorisera réellement des véritables immeubles de grande hauteur, pas des grandes hauteurs limitées, mais des vraies – la tour Total est un bon signe – et derrière, il faut que les gens qui travaillent puissent vivre d’une manière agréable et pour ça il faut vraisemblablement développer le logement de manière massive à Nanterre et tout autour de La Défense.
Guy Marty : Vous êtes président du pôle de compétitivité Finance Innovation où j’ai d’ailleurs le plaisir de vous accompagner, et là, vous encouragez de très nombreuses start-up, y compris des start-up immobilières. Comment voyez-vous le rôle des start-up immobilières dans l’évolution des marchés immobiliers aujourd’hui ?
Jean-Hervé Lorenzi : De manière évidente parce que la manière dont on finance l’immobilier, que ce soit l’immobilier d’entreprise ou l’immobilier de logement ou l’immobilier commercial, est en réalité extrêmement traditionnelle. Il n’y a rien de nouveau dans ces domaines-là depuis quelques siècles.
On a le système bancaire qui prête, on a des garanties, etc. Tout cela est un système vieillot, dépassé et largement inadapté à cette idée assez simple qu’il faut vraisemblablement qu’on permette à des problèmes d’être résolus – pourquoi ne pas résoudre de temps en temps des problèmes ?
Je pense au logement de la jeunesse. Et vous voyez bien que, pour la plupart des jeunes, c’est impossible de mettre sur la table le financement d’un logement qui leur permette d’être proches de leur lieu de travail. D’où l’idée assez simple de développer dans telle ou telle entreprise le fait qu’on va avoir un logement qui sera disponible pendant toute leur vie mais dont ils ne feront pas bénéficier leur succession, évidemment ça diminue le coût.
Il faut trouver des tas d’idées de ce genre-là. Pour ça, il faut des opérateurs « topissimes » sur le plan de l’innovation et on va donc, je l’espère avec l’aide de Guy Marty, membre éminent de cette petite communauté, développer des fintechde l’immobilier. En réalité elles auront pour simple objectif de créer de nouveaux canaux de développement de la finance destinée à développer l’immobilier.