Un premier premier défaut potentiel dans le secteur a ému les observateurs. Mais, plutôt que de « hurler avec les loups » sur les risques inhérents à ce type d’investissement, elle préfère s’interroger sur le décalage entre l’état de la réglementation et les pratiques du marché, et sa complexification croissante.
On assiste aujourd’hui, avec le promoteur Terlat, à ce qui sera potentiellement le premier défaut de paiement en crowdfunding immobilier. Il concerne 2 plateformes : Anaxago et WiSEED immobilier, respectivement pour 4 et 2 projets de construction.
« On vous avait prévenu »
A date, ramenés à l’ensemble des projets financés depuis leurs lancements, l’impact est évidemment assez faible : environ 4% des projets financés et 4,55% des montants levés. Mais, également, 12,5% des projets « remboursés ». Car il faut bien l’admettre : les premiers remboursements en crowdfunding ayant débuté en 2016, nous n’avons encore que peu de recul sur les incidents potentiels… Les détracteurs du crowdfunding peuvent évidemment s’en gargariser : « on vous avait prévenu ! » peuvent-ils dire aujourd’hui. Prévenus, oui, les investisseurs l’étaient bel et bien. La réglementation en vigueur oblige en effet à les mettre en garde sur les risques « spécifiques de l’investissement en sociétés non cotées », les risques « de perte totale ou partielle du capital investi » ou les risques « d’illiquidité ». Elle prévoit même que l’investisseur potentiel passe un test d’adéquation visant à s’assurer que l’offre correspond à l’expérience, aux connaissances ainsi qu’à la situation familiale et patrimoniale du contributeur…
Une promesse de rendement élevé
Il est vrai, en revanche, que la promesse de rendement du sous-jacent peut éventuellement balayer, dans l’esprit des investisseurs, les risques potentiels. Et pourtant, avec une promesse moyenne à 10% sur les investissements en crowdfunding immobilier, on devrait comprendre assez vite que le risque est loin d’être nul ! Ce n’est pas pour autant que l’industrie du crowdfunding doit aller à Canossa et implorer le pardon des investisseurs. Elle peut toutefois s’interroger sur la manière de communiquer envers les investisseurs. La plateforme est en effet en devoir de fournir à l’internaute toutes les informations nécessaires à l’appréciation de son investissement. Ces informations portent notamment sur les points suivants :
- l’activité et le projet de l’émetteur ainsi que les risques spécifiques en découlant ;
- les derniers comptes de l’émetteur ainsi que des éléments prévisionnels ;
- le niveau de participation auquel les dirigeants de l’émetteur s’engagent dans le pro
Vers plus de transparence au niveau du porteur réel du projet ?
En pratique, le régulateur n’impose de communiquer le détail des offres qu’au double niveau de la société interposée et du porteur de l’offre. Or, dans la plupart des montages d’investissement en crowdfunding immobilier, nous constatons non pas 2, mais 3 niveaux d’intervention : la société interposée, la société de construction-vente dédiée au programme immobilier et le promoteur lui-même. Mais la réglementation actuelle n’oblige pas la plateforme à donner des informations sur le porteur réel du projet : le promoteur immobilier, source de l’opération de construction et sur qui repose effectivement l’opération de promotion ! Ajoutons que l’analyse[2] des pratiques de plateformes en matière de sélection des dossiers étant particulièrement hétérogène (tant au niveau des personnes en charge de la sélection, des informations demandées aux porteurs de projets qu’en matière de taux de refus des dossiers proposés), il est clair que la transparence n’est pas toujours au rendez-vous.
Axes d’amélioration ou de risques d’opacité supplémentaire possibles
Une autre tendance peut nuire également à cette nécessaire transparence : l’inventivité des plateformes de crowdfunding immobilier. La multiplication des opérations de souscription d’obligations émises par une SAS interposée – qui elle-même investit en compte courant de la structure porteuse du projet (SCCV) – augmente le niveau de compétence requise pour décrypter ces montages complexes. Si l’on veut que le crowdfunding reste accessible au plus grand nombre (et en toute connaissance de cause), il serait sans doute bon de simplifier les montages d’investissement. Autre risque : avec l’élévation du montant maximum de levée de fonds via les CIP (porté à 2,5 M€ au lieu de 1 M€), et donc l’arrivée d’investisseurs institutionnels sur le marché, ne va-t-on pas surexposer le crowdfunding et créer un « aléa moral » ? Qui inciterait, par exemple, les plateformes à consentir des engagements de remboursement volumineux, ou à modifier leurs exigences en matière de sélectivité des dossiers à financer ?
Tiers de confiance
Ne serait-il pas pertinent, de ce point de vue, de proposer la présence d’une tierce personne, telle qu’un conseil en gestion de patrimoine par exemple, aux côtés de l’investisseur ? Cette présence d’un tiers de confiance – une proposition qui semble agréée par toutes les parties prenantes – permettrait non seulement de réduire ce risque d’aléa moral, mais également de conforter le business model des plateformes. Selon certaines études, seulement 6% des Français, lorsqu’ils ne sont pas conseillés, investissent dans des titres d’entreprises non cotées. Accompagnés par un CGP, leur taux d’investissement passe à 51%. Un gap de participation qui donne matière à réflexion…
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