Le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise accuse un repli de 67% au 2T 2023. Tous les secteurs ne sont pas touchés à l’identique. Mais pas de reprise attendue avant 2024. Chiffres et commentaires.
Les chiffres diffèrent selon les sources. Mais tous s’accordent sur le constat : les volumes investis en immobilier d’entreprise se sont effondrés au 2e trimestre 2023. Les statistiques du groupement ImmoStat[1], publiées ce 6 juillet, évaluent les investissements en immobilier d’entreprise en France[2] à 2,5 Md€. Soit un volume, sur l’ensemble du 1er semestre, de 6,2 Md€. Le repli semestriel, sur un an glissant, ressort donc selon ImmoStat, à -51%. Le repli trimestriel, à -67%…
Immobilier d’entreprise : des volumes investis « divisés par 2 »
Knight Frank, autre courtier en immobilier, et qui a publié ses propres statistiques quelques jours auparavant, parle quant à lui de « volumes divisés par deux ». Evaluant pour sa part le volume provisoire du 2e trimestre à 2,4 Md€. « Les sommes engagées sur le marché français n’avaient pas été aussi faibles depuis 2010 », note-t-il. Expliquant cette situation, par « l’attentisme des investisseurs » face à la hausse des taux d’intérêt. Et la « poursuite du resserrement monétaire » engagé par les banques centrales. Knight Frank n’attend pas d’amélioration à court terme. Pas avant 2024, en tout cas. Il estime, compte tenu de « ce nouveau tour de vis », le volume annuel 2023 de l’investissement en immobilier d’entreprise à 12 Md€ ou 15 Md€ au maximum. Contre, rappelle-t-il, « près de 27 Md€ en moyenne lors des dix dernières années ».
Pas d’amélioration attendue avant 2024
Les membres du groupement ImmoStat ne sont guère plus optimistes. BNP Paribas RE projette une année 2023 à 18 Md€. Cushman & Wakefield, autre courtier, ne s’attend pas non plus à une reprise avant 2024. Tout dépendra de l’évolution de la politique monétaire. C&W espère que l’OAT, en fin d’année, ou en début d’année prochaine, « reflue pour se stabiliser autour de 3%-3,5% ». Ce qui permettrait aux taux prime de l’immobilier de « converger vers les 4,5% ». Et, ainsi, d’établir un nouvel équilibre entre le rendement des actifs immobiliers et des actifs financiers. Car c’est bien avant tout, estiment tous les commentateurs, le différentiel de performance entre ces deux classes d’actifs, dorénavant à l’avantage des actifs financiers, qui explique l’attentisme des investisseurs.
Dans l’attente de la normalisation monétaire
Le dernier commentaire de la BCE, annonçant de nouvelles hausses de ses taux directeurs, « n’est clairement pas une bonne nouvelle », précise Barbara Koreniouguine, CEO France de Cushman & Wakefield. L’espoir d’une normalisation des marchés du financement est ainsi repoussé. Tout comme la matérialisation de la reconstitution d’une prime de risque et de liquidité attractive pour l’immobilier. Une fois cette « normalisation » intervenue, la classe d’actifs pourrait retrouver la faveur des investisseurs. Car, « dans un environnement où les effets de friction liés aux mutations actuelles de notre modèle économique risquent d’entretenir un bruit inflationniste, l’actif immobilier générateur de cash-flows indexés gardera tout son intérêt », considère pour sa part Nils Vinck, head of capital markets France de C&W.
Les bureaux restent le secteur dominant en immobilier d’entreprise
Pour l’heure, la contraction des volumes n’affecte pas uniformément tous les secteurs immobiliers. « Les bureaux restent les plus plébiscités », rappelle BNP Paribas. Ces derniers accusent néanmoins un repli de 42% sur un an glissant. Mais demeurent effectivement le secteur encore dominant. Avec 64% des volumes investis au 2T 2023, selon Knight Frank. Aucun observateur n’imagine une reprise des transactions à brève échéance. Car, selon eux, le secteur des bureaux n’a pas encore achevé son processus de rationalisation des surfaces lié au télétravail. Et est loin d’avoir suffisamment corrigé. « Les investisseurs attendent un plus grand repricing », estime Antoine Grignon, chez Knight Frank.
Plus fort recul encore des transactions pour le secteur logistique
Le secteur logistique paye un plus lourd tribut à la crise transactionnelle. Il ne représente plus, au 2T, que 9% des engagements totaux. « C’est surprenant, au vu de la rapidité de la décote qui s’est faite sur ce marché. Ainsi que de l’orientation durablement favorable de son sous-jacent locatif et de la volonté affichée des investisseurs de diversifier leurs portefeuilles », s’étonne Nils Vinck, chez C&W. Mêmes interrogations chez BNP Paribas RE, qui rappelle que « les acteurs du commerce et de l’industrie ont toujours besoin de stocker davantage pour mieux maîtriser leurs flux ». Le conseil constate un recul des volumes, sur un an glissant, de -75%. Mais s’attend, visiblement à un rebond. « Grâce à un rapide et franc repricing depuis l’été 2022, le marché retrouve de la liquidité et le retour de nouveaux entrants », observe Franck Poizat, chez BNP Paribas RE Transaction France.
Plus de diversification au profit d’autres classes d’actifs immobiliers
Le commerce, de son côté, affiche une « pause temporaire ». Mais des fondamentaux « toujours solides », selon Knight Frank. Au 2T, il a attiré 17% des volumes. Le courtier estime avec optimisme que « la volonté d’investir dans la pierre est toujours là ». Mais que les modalités d’allocation ont évolué. Et que les investisseurs vont dans le sens d’une plus grande diversification. D’où l’attrait renforcé pour d’autres classes d’actifs. Telles que la santé, le life science, le résidentiel géré, l’hôtellerie, ou l’enseignement. « Dont les volumes d’investissement sont quant à eux orientés à la hausse », rappelle le courtier.
Lire aussi
Immobilier non coté européen : la baisse s’atténue
Actifs hôteliers : le marché français fait mieux que résister
Les « VEFA » peuvent-elles sauver l’immobilier résidentiel ?
Immobilier d’entreprise : transactions en forte baisse au 1T 2023
Commerces, à contre-courant en 2022
Fort repli de l’investissement en immobilier d’entreprise au 4T 2022
A propos d’Immostat(i)
ImmoStat est un groupement d’intérêt économique (GIE) créé en 2001 par les principaux conseils en immobilier d’entreprise : BNP Paribas Real Estate, CBRE, JLL et Cushman & Wakefield. Grâce à ses règles communes de traitement, le GIE ImmoStat restitue des informations harmonisées à ses membres et fournit des statistiques homogènes sur l’offre, la demande et les prix aux acteurs de l’immobilier, qu’ils soient utilisateurs ou investisseurs. Cette initiative originale renforce la lisibilité du marché et dote l’Ile-de-France d’un véritable organe de place qui contribue à son attractivité à l’international.
A propos de Knight Frank France(i)
Knight Frank France est la branche française de Knight Frank LLP, société britannique créée il y a plus de 125 ans, aujourd’hui implantée dans 51 pays. Elle apporte à ses clients la compétence de plus de 16 000 professionnels depuis ses 384 bureaux dans le monde. Plateforme globale, partnership indépendant, spécialisée en immobilier tertiaire comme résidentiel, regroupant des professionnels engagés auprès de leurs clients, Knight Frank bénéficie d’un positionnement unique dans le monde du conseil immobilier. Forte d’une côte de confiance constante et d’une intégrité reconnue, Knight Frank s’impose toujours plus comme le conseil de référence.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] BNP Paribas Real Estate, CBRE, Cushman & Wakefield et JLL.
[2] Le montant de l’investissement retenu par ImmoStat représente le volume global des biens acquis en immobilier d’entreprise (bureaux, commerces, locaux d’activités, entrepôts) lors de transactions dont l’acquéreur est un investisseur et dont le montant acte en main est supérieur à 4 millions d’euros.