L’ASPIM et l’OID ont publié une étude sur les pratiques ESG des gestionnaires d’actifs immobiliers face aux contraintes réglementaires. Le constat est positif. Plus d’un fonds immobilier sur deux a adopté une stratégie ESG. Et « l’appropriation » va croissant. Analyse.
« L’accélération est fulgurante », se réjouit Loïs Moulas, directeur général de l’OID. « En deux ans, les fonds immobiliers ont intégré l’ESG à toutes les échelles de leur stratégie », confirme Véronique Donnadieu, déléguée générale de l’ASPIM. Les deux associations viennent de publier une étude[1] qui met en exergue les progrès accomplis. Et confirme la prise compte croissante -et désormais majoritaire- des critères extra-financiers dans la stratégie de gestion des SCPI, OPCI et SCI. Telle que le relevait déjà le dernier baromètre annuel de Mazars.
121 fonds immobiliers analysés, soit 87% de l’encours global
L’étude ASPIM-OID s’appuie sur les rapports annuels publiés en 2022 par les trois principales familles de véhicules immobiliers non cotés[2]. Ainsi que sur leurs documents contractuels. Et sur les informations disponibles sur les pages internet des fonds. Au total, détaille l’ASPIM, « 121 fonds ont été analysés. Soit plus de 50 % du marché en nombre de fonds. Et plus de 87 % en termes d’encours ». Pour mémoire, SCPI, OPCI, et unités de compte immobilières affichaient, fin 2021, une capitalisation globale de près de 120 Md€. Grâce à une collecte toujours aussi soutenue, cet encours est d’ailleurs passé au-delà des 125 Md€ à la fin du 1er semestre 2022. L’étude, complétée par des sources plus qualitatives (7 entretiens avec des gestionnaires), analyse donc la manière dont les sociétés de gestion d’actifs immobiliers ont intégré les nouvelles réglementations extra-financières.
Face à une réglementation extra-financière de plus en plus exigeante
En 2022, trois corpus réglementaires les obligent en effet à plus de transparence sur leurs pratiques ESG. Il s’agit, à l’échelle européenne, du Règlement SFDR[3]. Et de la nouvelle taxinomie « durable » des activités économiques[4]. A l’échelon national, la loi Energie-Climat (article 29) s’impose en outre à certains acteurs[5]. Raison pour laquelle l’ASPIM et l’OID ont d’ailleurs veillé à ce que tous les véhicules dont l’encours est supérieur à 500 M€ soient bien inclus dans l’analyse. Cette dernière détaille le niveau « d’appropriation » de ces diverses réglementations par les sociétés de gestion. Elle classifie aussi, plus globalement, la nature « thématique » des démarches ESG revendiquées par les véhicules qui ont choisi de les intégrer dans leurs stratégies de gestion. Et, bonne nouvelle, ceux-ci sont de plus en plus nombreux…
Plus d’un fonds immobilier sur deux a adopté une stratégie ESG
« Plus d’un fonds sur deux (56%) a une stratégie ESG. Soit 81% des encours », se félicite l’ASPIM. Cette stratégie est souvent assortie d’objectifs ESG. 41% des véhicules (68% des encours) les annoncent clairement. Des trois piliers de l’ESG, le « E » de l’environnement est le plus plébiscité. 100% des fonds ayant adopté une stratégie ESG l’ont intégré. Et 80% mentionnent l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ils sont nombreux à viser l’amélioration énergétique de leurs actifs sous gestion. Plus de la moitié ont aussi un objectif de préservation de la biodiversité. « La stratégie ESG est souvent appuyée par l’obtention du label ISR », souligne l’ASPIM. On le sait, les labellisations se multiplient. 42 en 2021. Auxquelles sont venues s’ajouter près d’une dizaine au 1er trimestre 2022. Et sans doute plus d’une vingtaine depuis le début de l’année[6].
Plus le fonds est imposant, ou récent, plus ses ambitions ESG sont élevées
Concernant l’appropriation des réglementations par les sociétés de gestion, le bilan est plus contrasté. « Le premier niveau d’exigence du règlement SFDR est maîtrisé », estime l’ASPIM[7]. Et, en termes d’encours, le résultat est plutôt encourageant. Puisque 59% sont déclarés en article 8 (34%) ou article 9 (25%)[8]. En nombre de fonds, la statistique est moins favorable. « Les fonds article 8 et 9 représentent respectivement 20% et 9% du nombre total de fonds », précise l’ASPIM. Un peu plus d’un quart des effectifs, seulement… En fait, plus le véhicule est imposant, « plus il s’engage dans un niveau de transparence supérieur », constate l’association. Surtout, et c’est l’autre bonne nouvelle, l’ambition est beaucoup plus forte pour les nouveaux véhicules. « Les encours associés aux fonds les plus récents -moins de 2 ans- sont à 93 % article 9 », précise l’ASPIM.
Des réglementations complexes, difficiles à mettre en œuvre
Sur le sujet de la Taxinomie européenne, l’appropriation est en cours. Alors que les textes d’application n’ont été publiés qu’en 2021, 77% des encours de l’échantillon citent déjà ce texte réglementaire. Surtout, les entretiens menés avec les gestionnaires révèlent que la majorité a déjà calculé ces indicateurs taxinomiques. Mais ne les ont pas encore publiés. Car cette réglementation pose problème aux acteurs immobiliers. Sur un plan opérationnel : en raison de la complexité du texte. Et de celle du recueil des données. Mais aussi sur un plan plus « philosophique ». « Plusieurs acteurs regrettent l’impossibilité de valoriser les stratégies d’amélioration dans le cadre de la Taxinomie », rapporte notamment l’ASPIM. Les législateurs européens seraient, selon l’OID, en train de travailler sur une Taxinomie « étendue ». Afin, peut-être, de la rendre plus « immobilier compatible »…
La trajectoire ESG des fonds immobiliers est bien enclenchée
Enfin, pour les fonds soumis à l’article 29 de la loi Energie-Climat[9], les aspects techniques sont moins contraignants. « 74 % présentent déjà des informations sur une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre », calcule l’OID. Ainsi que sur « leur alignement avec les accords internationaux en matière de biodiversité. Et leurs risques ESG ». Si sa trajectoire ESG semble donc bien enclenchée, de nombreux défis attendent encore l’industrie des gestionnaires d’actifs immobiliers. L’enjeu est d’abord d’améliorer la capacité de collecte des données extra-financières. Mais aussi, et surtout, celui d’assurer « leur fiabilité », estime l’ASPIM. Il s’agit aussi -et c’est un besoin de plus en plus exprimé- de mieux quantifier l’impact des actions menées. Ainsi que le coût financier de la couverture des risques extra-financiers. Le chantier est visiblement en cours…
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A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2021, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 280,4 Md€.
A propos de l’OID(i)
L’Observatoire de l’Immobilier Durable – OID – est l’espace d’échange indépendant du secteur immobilier sur le développement durable et l’innovation. Penser l’immobilier responsable est la raison d’être de l’OID qui rassemble plus d’une centaine de membres et partenaires parmi lesquels les leaders de l’immobilier tertiaire en France sur toute sa chaîne de valeur. L’OID est une association qui participe activement à la montée en puissance des thématiques ESG en France et à l’international.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] « Etude sur les fonds immobiliers – Les pratiques ESG face aux évolutions réglementaires » – Octobre 2022.
[2] L’univers ne couvre, pour l’instant, que les fonds immobiliers grand public. L’ASPIM et l’OID espèrent pouvoir prochainement étendre le champ de l’étude aux fonds immobiliers professionnels.
[3] Le Règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est une directive européenne qui instaure des règles communes de reporting extra-financier aux acteurs des marchés financiers. Et notamment une classification des fonds en fonction de la transparence en matière de durabilité.
[4] La Taxinomie européenne est un référentiel permettant de classer une activité économique comme « durable ». Si elle contribue significativement à au moins l’un des six objectifs environnementaux, sans nuire aux autres objectifs. Et tout en respectant les normes sociales minimales.
[5] La loi française dite Loi Energie-Climat impose des exigences de reporting extra-financier en termes d’alignement climat et de biodiversité aux fonds et aux acteurs dont le montant total des encours est supérieur à 500 millions d’euros.
[6] La labellisation ISR concerne 27% des fonds et 54% des encours objets de l’étude ASPIM-OID.
[7] Sur l’ensemble des encours analysés, 91 % ont été classés selon le Règlement SFDR, ce qui correspond à 85 % des fonds analysés
[8] Le règlement SFDR introduit trois niveaux de transparence en classant les fonds article 6, article 8 ou article 9. En fonction du niveau d’intégration des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les processus d’investissement et de gestion. Les fonds article 9 sont les mieux disant.
[9] 31% des fonds analysés