Le directeur général d’Advenis REIM analyse l’impact du nouveau contexte macro-politique et géopolitique sur les marchés immobiliers européens. Et souligne à quel point la qualité énergétique des immeubles est désormais devenue un sujet majeur. Il est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Interview.
Advenis REIM gère aujourd’hui un peu plus d’un milliard d’euros d’actifs immobiliers. Sous forme, notamment, de SCPI. Et, dorénavant, de SCI. Votre particularité : la majorité de vos actifs sont situés hors de France. Essentiellement en Allemagne et dans le sud de l’Europe. Première question : tous les marchés immobiliers européens subissent-ils à l’unisson le choc « inflation – hausse des taux – guerre en Ukraine » ?
Jean-François Chaury – A l’unisson… c’est peut-être un grand mot. Mais, oui, tous les pays européens sont bien impactés par l’inflation. Entre 6% et 10%, environ, selon les pays. La conséquence ? Une augmentation des taux d’emprunt. Donc du coût de la dette pour les investisseurs. Autre impact, sur le coût des travaux cette fois. En raison de la hausse des matières premières. Qui ont beaucoup augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine. Et des tensions sur le commerce international, notamment avec la Chine. Tout cela impacte évidemment les business plans de nos investissements. Notamment parce que les travaux anticipés sont désormais beaucoup plus coûteux qu’auparavant….
Observe-t-on un ralentissement des transactions ?
Jean-François Chaury – Pas au premier semestre 2022 . Dans tous les pays européens, le volume des transactions a, au contraire, fortement progressé. Un ralentissement est en revanche attendu sur le second semestre. Les chiffres de fin d’année viendront sans doute le confirmer. Mais il est clair qu’aujourd’hui les acheteurs n’ont plus les mêmes critères d’investissement. Ni les mêmes leviers qu’auparavant.
Donc, attentisme, qui devrait entraîner une baisse des transactions… Mais tous les investisseurs ne sont pas dans la même situation. Il y a ceux qui jouaient de l’effet de levier. Et d’autres, comme les SCPI, qui disposent du « cash » pour investir. La hausse des taux, n’est-ce pas finalement une bonne nouvelle pour les gestionnaires de SCPI ?
Jean-François Chaury – Oui… et non. Rappelons une généralité : l’effet direct de ce ralentissement attendu est d’abord moins de dynamisme du côté des acheteurs. Que ces derniers utilisent ou non l’effet de levier -et certaines SCPI y ont recours, certes dans des proportions raisonnables-, la projection de leurs revenus futurs est nécessairement plus basse, en raison de la hausse des taux. On retrouve ce même attentisme côté vendeurs. Parce qu’ils ne sont pas encore prêts à ajuster leurs prétentions aux nouvelles conditions du marché. Et cela va prendre encore quelques mois avant que les ajustements s’opèrent.
L’immobilier a la réputation d’être un rempart contre l’inflation. Notamment en raison de l’indexation des loyers. Or, en France en particulier, des dispositifs de plafonnement ont été mis en place. Sur le secteur résidentiel. Mais aussi des commerces. Il y a aussi le sujet de la capacité des entreprises locataires à absorber ces hausses de loyers. Bref, quelle est en réalité la marge de manœuvre des bailleurs en termes de hausse de loyers ?
Jean-François Chaury – Si l’on s’inscrit dans cette logique de récession qui semble s’imposer chez les commentateurs, elle n’est pas si importante. Si, pour maîtriser l’inflation, il faut relever les taux, cela implique effectivement un impact récessif, à un moment donné, sur les agents économiques. Pour l’instant, ces hausses de loyers ont été matérialisées. En Allemagne, où l’indexation se décline sous forme de cliquets, avec des paliers de 5% à 10%, mais aussi en Espagne, l’indexation a été actionnée. Reste maintenant à savoir jusqu’à quel niveau de hausse il est possible d’aller. Sans risquer de perdre des locataires. C’est tout notre enjeu pour les prochains mois. Cela passera sans doute par des négociations. Conduisant, par exemple, à limiter la hausse des loyers. En contrepartie de la prolongations des baux. Ou toute autre forme de négociations qui nous permettra de garder nos locataires.
En novembre dernier, à ce même micro, vous estimiez que le marché immobilier allemand était l’un des plus « sécuritaires » en Europe. Est-ce toujours le cas ?
Jean-François Chaury – D’un point de vue macro-économique, l’Allemagne reste la première puissance économique européenne. C’est indéniable. Même dans ce contexte de tension inflationniste. L’Allemagne est l’un des pays les moins endettés. Elle dispose d’une capacité d’investissement dans ses outils de production plus élevée que les autres pays européens. Et d’une capacité industrielle elle aussi supérieure. Notre vision sur l’Allemagne n’a donc pas changé. Le pays va néanmoins subir l’impact de la crise, économique et commerciale. Mais, à plus long terme, nous restons confiants dans sa capacité d’investissement et d’industrialisation. Ce qui est important : un pays industriel attire les entreprises. Donc des locataires. Que ce soit pour des bureaux, de la logistique, ou des bâtiments d’activité…
A plus court terme, si l’on anticipe un impact sur la valorisation des actifs immobiliers, quels sont les secteurs qui seraient les plus touchés ?
Jean-François Chaury – Le sujet est d’abord celui de la qualité de l’immeuble. Le secteur touristique, par exemple, a déjà rebondi. Le secteur logistique bénéficie toujours d’une forte demande, en raison de l’essor du e-commerce. Idem pour le secteur de la santé. Et même pour le secteur des bureaux, où la demande placée a été très forte au 1er semestre. Donc, le critère sectoriel n’est pas le plus important. L’important, c’est la qualité « énergétique ». Il y a encore quelques mois, l’industrie immobilière pensait avoir plusieurs années (3, 5, 10 ans…) devant elle pour modifier son approche en termes de performances énergétiques des actifs. Ce n’est plus le cas depuis l’envolée des prix de l’énergie.
Pourquoi ?
Jean-François Chaury – Les locataires vont subir, on l’a dit, des augmentations de loyers. Mais aussi, du fait de l’envolée du prix des matières premières, de leurs charges. La qualité des actifs -vertueux ou non en termes de consommation énergétique- devient donc un facteur essentiel. Pour retenir ou attirer des locataires. Ce qui signifie qu’il y aura désormais un véritable écart, en termes de valorisation, entre les actifs énergétiquement vertueux et les « passoires thermiques ». Quel que soit le secteur auquel ces actifs appartiennent.
Vous estimiez déjà, toujours en novembre dernier, que l’ESG aurait un impact important sur la valorisation des actifs immobiliers. Mais « à terme ». Pas nécessairement dès 2022… Il faut donc réviser cette prédiction ?
Jean-François Chaury – L’impact sera effectivement plus rapide que prévu. Notamment pour ces fameuses « passoires thermiques ». Un exemple. Début 2022, un actif nous a été proposé pour environ 80 M€. Cet actif avait pour particularité d’avoir une consommation énergétique très élevée. Et d’être détenu par un fonds fermé, qui avait pour obligation de le revendre avant la fin de l’année. Actuellement, et en dépit d’un rabais de 30% sur le prix initial, cet actif n’a toujours pas trouvé preneur. Donc, oui, l’impact ISR, ESG, va être beaucoup plus rapide que prévu. Sera-t-il « intégré » dès 2022 ? En partie, sans doute. Mais très certainement encore plus l’an prochain.
Le temps que les critères de valorisation évoluent… Parlons de l’actualité Advenis REIM. Un petit point sur la collecte, tout d’abord. Celle du marché des SCPI a encore explosé au 1er semestre 2022. Quid de celles de vos deux SCPI ? Et de votre nouvelle SCI ?
Jean-François Chaury – Pour notre SCPI Eurovalys, la plus imposante en termes de capitalisation, cela se passe toujours aussi bien. Pour les raisons que nous venons d’évoquer sur le marché allemand, qui est sa zone d’investissement. La collecte est aussi en hausse sur notre SCPI dédiée à l’Europe du Sud. Parce les fondamentaux économiques, en Espagne notamment, sont assez bons. En matière d’augmentation des loyers. Mais aussi de valorisation. Les derniers chiffres – à fin juillet- la créditent déjà d’une collecte équivalente à celle de l’ensemble de l’année 2021… Quant à notre société civile, toujours en phase de démarrage, les résultats sont encourageants. Nous travaillons actuellement sur son référencement auprès des compagnies d’assurance. C’est un peu long. Mais nous avons bon espoir. Car ses performances sont bonnes.
Vous avez également encore étoffé vos équipes ?
Jean-François Chaury – Effectivement. Un responsable grands comptes va nous rejoindre. Pour animer nos équipes de distribution, notamment auprès des CGP. Ainsi qu’un directeur commercial, déjà dans nos murs. Nous sommes bien conscients que c’est précisément dans ces périodes plus difficiles que nous allons vivre qu’il faut être encore plus proches de ses distributeurs. Pour être en mesure d’expliquer nos stratégies face à ce nouveau contexte.
Où en est Advenis REIM en termes de ratio «investissements/collecte » ?
Jean-François Chaury – Notre rythme d’investissement est assez élevé depuis deux-trois ans. Nous l’avons maintenu au 1er semestre 2022. Au cours duquel nous avons acquis 4 actifs pour un total d’environ 260 M€. Nos véhicules sont donc totalement investis. C’est plutôt une bonne chose dans le contexte actuel. Car ces investissements vont générer des loyers supplémentaires dans les mois et les années à venir.
Les rendements 2022 seront donc dans l’épure de 2021 ? Je rappelle que, l’an dernier, le Taux de Distribution d’Eurovalys se situait à 4,74%. Et celui d’Elialys, à 5,01%…
Jean-François Chaury – Nous essayons de ne pas trop communiquer ce type d’information. Mais, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de mauvaises nouvelles dans nos portefeuilles, je pense que l’on devrait être, effectivement, dans cette même fourchette…
Dernière question. Anticipez-vous une baisse de la collecte l’an prochain ?
Jean-Francois Chaury – Il est important de rappeler les fondamentaux. Et pourquoi les épargnants investissent dans la pierre-papier. Ils recherchent des revenus réguliers. Et une diversification de leurs portefeuilles. Donc, oui, je pense que ces véhicules vont continuer à collecter. La collecte sera-t-elle aussi élevée ? Impossible à dire. Mais elle demeurera, sans nul doute, de bon niveau. Car de plus en plus d’investisseurs s’intéressent à cette catégorie d’actifs…
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A propos d’Advenis REIM(i)
Advenis REIM, société de gestion de portefeuille du groupe Advenis, conçoit et gère une gamme de Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA). Elle étoffe sa gamme de SCPI d’année en année et conforte son ambition européenne. En effet, elle se démarque depuis quatre ans par sa stratégie de diversification européenne. Avec les lancements consécutifs des SCPI Eurovalys (Allemagne) et Elialys (Europe du Sud). En juillet 2021, Advenis REIM a également annoncé le lancement de la SC Advenis Immo Capital, une solution paneuropéenne d’investissement immobilier multisupports et multi-classes d’actifs disponible uniquement en assurance vie sous forme d’unité de compte. Au 31 mars 2022, pour l’ensemble de ses fonds gérés, la capitalisation d’Advenis REIM s’élève à plus d’un milliard d’euros. Elle détient par le biais de ses fonds 81 immeubles. Et accompagne quotidiennement 471 locataires. Les investissements immobiliers se situent à 94 % hors de France. Et pour 6 % en France.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société