Franck Inghels, directeur de la distribution chez Inter Gestion, est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Revue de détail du potentiel des actifs immobiliers répondant aux « besoins essentiels ». Réflexions sur l’évolution du marché des SCPI. Et projets de développement. Interview.
Inter Gestion REIM gère et commercialise plusieurs véhicules investis dans l’immobilier commercial et résidentiel, avec un positionnement spécifique que vous mettez en avant aujourd’hui : privilégier les activités qui répondent à des « besoins essentiels ». A quelles activités faites-vous précisément référence ? Et, dans le contexte économique que l’on connaît aujourd’hui, quelles sont celles qui présentent le plus de potentiel ?
Franck Inghels – Cette volonté d’investir sur des actifs qui répondent à des besoins essentiels est au cœur des convictions d’Inter Gestion REIM depuis le début des années 2010. Pour être simple et concret, les actifs essentiels c’est, pour nous, le bas de la pyramide de Maslow : se loger, s’alimenter, se protéger. Ce positionnement n’est pas vraiment travaillé en profondeur par les autres gestionnaires de SCPI de rendement. Pour revenir sur votre question, se loger, tout le monde comprend : c’est le résidentiel.
Résidentiel au sens résidentiel classique mais évidemment aussi résidentiel géré j’imagine ?
Franck Inghels – L’idée est effectivement de capter de nouvelles tendances, telles que le coliving, junior ou senior. Mais aussi investir sur des projets urbains globaux qui répondent à des normes environnementales. Ou de nouvelles approches, très intéressantes, comme le build to rent par exemple. Le deuxième pilier, c’est l’alimentation. Une thématique qui est au cœur de l’expertise d’Inter Gestion. Nous nous sommes toujours intéressés au commerce alimentaire, même du temps où celui-ci était encore connoté « gaulois ». Avec la crise sanitaire, ce secteur a démontré sa résilience. Il s’agit typiquement d’une machine à collecter du cash et à distribuer des revenus… Nous intervenons principalement sur les actifs occupés par de grandes enseignes, qui ont franchi sans encontre la crise sanitaire et sont, de ce fait, aujourd’hui très recherchés.
Etes-vous plutôt commerce alimentaire de proximité, ou grandes surfaces alimentaires ?
Franck Inghels – Les deux. Nous avons saisi la mécanique du commerce de proximité, à faible distance ou très proche des consommateurs. Mais aussi celle des retail parks (c.-à-d. les parcs d’activités commerciales, pas les galeries marchandes ou les hypermarchés) qui sont vraiment sortis « par le haut » après la période Covid, car ils répondent aux besoins des Français, notamment via les services de clic & collect.
Et un troisième secteur donc, la santé de proximité
Franck Inghels – Le troisième pilier, c’est effectivement se protéger. Donc le secteur santé. Ce créneau est quant à lui relativement bien « travaillé » par les SCPI. Nous cherchons non pas à être originaux, mais différents. En se positionnant sur ce que l’on appelle la santé de proximité, donc la médecine de ville. Il y a là un fort potentiel de valorisation et de rentabilité. Notamment au travers des regroupements de cabinets de chirurgiens-dentistes, ou la création de maisons médicales. Nous nous positionnons aussi sur le « commerce de santé » – osons le mot -. C’est-à-dire, par exemple, les laboratoires d’analyses médicales, dont on connaît mieux le modèle aujourd’hui. Mais aussi les pharmacies, les opticiens, et les lieux d’accueil comme les crèches ou les mini-crèches, un segment très dynamiqueaujourd’hui.
De ces trois secteurs que vous venez de citer, quel est celui qui présente le plus de potentiel aujourd’hui selon vous ?
Franck Inghels – La santé, sans doute. Parce qu’il bénéficie d’une très bonne profondeur de marché. Et que les modèles les plus travaillés sont les grands modèles, type Ehpad, et souvent à l’étranger. Il reste donc de belles cartes à jouer, en France et en proche zone euro. Le secteur de la santé de proximité que j’évoquais précédemment offre clairement beaucoup de potentiel. En rendement, je l’ai dit. Mais aussi en termes de valorisation potentielle des actifs, un point sur lequel le marché des SCPI notamment est de plus en plus attentif…
Précisément, vous évoquez le marché des SCPI. Un mot des deux véhicules que vous gérez, qui sont plus ou moins positionnés sur ce concept d’activités essentielles. Cristal Rente, Cristal Life : quelles performances en 2021, quelles perspectives en 2022 ?
Franck Inghels – Cristal Rente est vraiment la SCPI « grandes enseignes ». La distribution alimentaire représente environ 50% de ses encours. Et c’est notre vaisseau amiral depuis 2012. Ses performances financières sont de respectivement 5,04% en Taux de Distribution[1], et de 5,09% en TDVM[2]. Elle a collecté 100 M€ en 2021, ce qui la place au premier rang des SCPI de commerce par le montant de sa collecte. Elle a aussi réalisé 100 M€ d’acquisitions. La conversion de la collecte est aussi importante que la collecte en elle-même, et doit être opérée avec exigence. En 2021, notre taux de rendement moyen à l’acquisition était de 6,11%. Ce qui prouve que nous intervenons sur un marché dont la profondeur nous permet d’acheter dans d’excellentes conditions de rentabilité.
C’est-à-dire que vous espérez un taux de rendement à peu près similaire en 2022 ?
Franck Inghels – Notre objectif est la régularité. L’investissement en SCPI est un investissement de long terme car, en réalité, son délai de détention est supérieur à 20 ans. Cristal Rente a toujours distribué plus que 5%. Sauf en 2020, où le dividende a un peu baissé. Mais l’objectif de plus de 5% reste d’actualité. Avec l’ambition également de valoriser la part au plus près de la valeur des actifs sous-jacents.
Un mot sur Cristal Life, lancée plus récemment…
Franck Inghels – Cristal Life est effectivement notre dernier « bébé », puisqu’elle a été lancée en avril 2021. Elle est quant à elle diversifiée sur les trois secteurs que j’évoquais précédemment. En 8 mois, elle a déjà collecté plus de 20 M€. Son rendement est de 5,2% (équivalent à un TDVM de 5,37%). En termes de performance, elle est donc pour l’heure dans le top des classements. Notre objectif est là encore, comme sur Cristal Rente, de maintenir cette régularité, en termes de rendement et de revalorisation de parts. Compte tenu du positionnement de Cristal Life, nous sommes très confiants dans notre capacité à tenir cette promesse…
Restons sur le sujet des dividendes. En 2020, les SCPI avaient pioché dans leurs réserves pour maintenir leurs distributions. En 2021, il semble qu’elles aient moins eu recours à leurs réserves. C’est une bonne nouvelle pour le marché ?
Franck Inghels – Une excellente nouvelle. Nous n’étions pas forcément favorables au principe d’une ponction sur les reports à nouveau ou sur les provisions pour gros entretiens pour maintenir le niveau de distribution. Or, effectivement, en 2020, ces prélèvements ont représenté plus de 10% des sommes distribuées… En ce qui nous concerne, le principe est simple : 100% des distributions proviennent de la collecte des loyers. Ce sujet devient d’ailleurs un sujet de marché. Pourquoi ? Parce qu’il est ? aujourd’hui de plus en plus impératif de maintenir le niveau des provisions pour gros entretiens si l’on veut assurer la transition environnementale. Elles sont nécessaires pour financer la mise aux normes des actifs. Certes, c’est un coût. Mais assorti d’un bénéfice ultérieur. Mettre à contribution ses provisions pour générer de la performance ne nous semble donc pas une bonne démarche.
Vous évoquez de fait le sujet de l’ESG. Où en êtes-vous, sur ce point, chez Inter Gestion ?
Franck Inghels – Il convient de préciser que la prise de conscience de l’importance d’un investissement responsable dans le secteur immobilier est bien antérieure à l’instauration des labels… Nous avons toujours eu la volonté d’entretenir, d’optimiser, de mettre aux normes les biens que nous gérons. Chez Inter Gestion, nous avons d’ailleurs procédé à beaucoup de réhabilitations au cours des trente dernières années. « Faire du neuf avec du vieux », cette démarche, nous la maîtrisons bien. Mais nous étions jusqu’à présent un peu dans l’expectative vis-à-vis du label ISR immobilier. Qui nous semblait assez symbolique d’un certain green washing… Quelques éclairages nous semblaient nécessaires, ils sont en passe de l’être. En attendant, nous avons décidé d’agir concrètement. Ces actions ont permis, notamment, la plantation de plus de 200 000 arbres au cours des trois dernières années…
Et vos SCPI sont des fonds de partage…
Franck Inghels – Effectivement, depuis 2021, l’ensemble de nos véhicules sous gestion sont des fonds de partage. Nous sommes, je crois, la seule société de gestion à avoir entrepris cette démarche. Une part des revenus que nous générons sont donc distribués à des associations. Les « Restos du Cœur », pour Cristal Rente. L’Institut Curie, pour Cristal Life. Là encore, ce sont des actions concrètes. Sur le sujet du label ISR, nous avançons également. Notre charte ESG est définie. Et nous espérons obtenir le label ISR pour la SCPI Cristal Life d’ici la fin de l’année…
Inter Gestion intervient depuis 30 ans sur le marché de la gestion d’actifs immobiliers et de SCPI. Celui-ci a beaucoup évolué. La collecte en SCPI se maintient à des niveaux élevés. De nouveaux acteurs se positionnent. Comment analysez-vous ces évolutions ? Faut-il parler de marché mature, en concentration ?
Franck Inghels – Chez Inter Gestion REIM, nous mettons tout en œuvre, je crois, pour que les SCPI deviennent une classe d’actifs à part entière. C’est en train d’advenir. Et, avec une collecte brute de près de 9 Md€ (en 2021), il est normal que le marché de la SCPI attire de nouveaux opérateurs. Le marché est sain, et fait l’objet d’une saine concurrence entre les gestionnaires. J’observe en revanche une autre tendance, qui s’explique par le besoin exprimé par les réseaux de distribution, de plus en plus friands d’allocations en SCPI : la spécialisation des véhicules. Voire une « sur-spécialisation » sur des classes d’actifs spécifiques. Chez Inter Gestion, nous sommes un peu « en retrait » sur ces sujets. Parce que nous considérons que la SCPI, comme je l’ai déjà dit, est un investissement de très long terme.
Trop de spécialisation égale danger ?
Franck Inghels – Il faut conserver une certaine logique de diversification. Cristal Rente, par exemple, est spécialisée sur le créneau des grandes enseignes de distribution. Mais reste diversifiée en termes sectoriels. L’allocation en SCPI est une bonne approche. Mais elle n’est pas aussi souple, aussi simple à gérer qu’une allocation sectorielle en actifs sous-jacents. La rotation sectorielle est plus délicate à mettre en œuvre. En outre, toutes les classes d’actifs ne sont pas nécessairement éligibles. Nous disons donc « attention à la sur-spécialisation » des véhicules, surtout en raison des obstacles à la rotation des portefeuilles.
Il nous reste 30 secondes. Quid des projets de développement d’Inter Gestion ? Le lancement, peut-être, d’une unité de compte immobilière, un produit très à mode en ce moment ? Ou d’autres véhicules, à destination peut-être de la cible professionnelle ?
Franck Inghels – Il y a effectivement cette tendance en faveur des sociétés civiles immobilières, censées marier le meilleur des deux mondes. Mais nous souhaitons un pure player SCPI. Nous venons de lancer un nouveau véhicule que nous comptons porter à maturité au cours des prochains mois. Et nous avons de fait l’intention de décliner notre expertise du secteur commerce sur des fonds un peu plus dédiés, à l’univers institutionnel ou à celui de la gestion de fortune. Nous n’éludons rien, tout en restant méfiants vis-à-vis des phénomènes de mode. Autrement dit, nous voulons bien « surfer la vague ». Mais pas l’écume…
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A propos d’Inter Gestion REIM(i)
Société de gestion de portefeuille indépendante et familiale, Inter Gestion REIM développe des SCPI depuis plus 30 ans. Elle gère et commercialise une offre d’épargne immobilière haut de gamme construite sur la qualité de sa sélection des meilleurs actifs du marché.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Le Taux de Distribution, conforme aux nouvelles recommandations de l’ASPIM, est égal au rapport entre le dividende brut versé au titre de l’année écoulée et la valeur des parts au 1er janvier de cette même année de référence.[2] TDVM, pour Taux de Distribution sur Valeur de Marché : montant des dividendes annuels divisé par le prix moyen de la part sur l’année.