Le directeur général délégué de BNP Paribas REIM revient sur les évolutions récentes – et à venir – du gestionnaire en matière de création et d’optimisation de produits. Il livre sa vision du devenir des marchés immobiliers. Les secteurs à privilégier. Et rappelle l’importance historique des stratégies ESG au sein du groupe. Il est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Interview.
Jean-Maxime Jouis, vous êtes directeur général délégué de BNP Paribas REIM. Vous dirigez, en pratique, l’asset management immobilier de cette filiale de BNP Paribas. BNP Paribas REIM, en chiffres, c’est 17 Md€ d’actifs sous gestion. Dont environ 9 milliards gérés via des SCPI ou des OPCI. Ce qui vous positionne à la 4e position, par la taille, des gestionnaires de SCPI et d’OPCI…
Jean-Maxime Jouis – J’ajouterai que BNP Paribas REIM est l’un des spécialistes de la gestion d’actifs immobiliers qui a la plus longue expérience sur le marché. La société fêtera en effet ses 60 ans l’an prochain. Elle est en outre intégrée au sein de BNP Paribas Real Estate. Qui est centenaire cette année… Quelques chiffres clés, pour compléter. Notre structure est très implantée en Europe. Nos quelque 360 collaborateurs couvrent 17 marchés européens. Le total de nos actifs sous gestion avoisine les 30 Md€. Enfin, un dernier chiffre, dont nous sommes particulièrement fiers : 140 000. C’est le nombre de clients particuliers qui nous font confiance, aujourd’hui, pour gérer leurs véhicules immobiliers.
En dépit de votre statut de 4e acteur du marché, votre collecte, surtout en SCPI, était ces dernières années relativement modeste au regard de votre taille. Cette collecte est repartie de l’avant ces derniers mois. Notamment en raison de l’ouverture aux souscriptions de certains véhicules. Et, visiblement, d’une nouvelle dynamique commerciale. BNP Paribas REIM, c’est une belle endormie qui s’éveille ?
Jean-Maxime Jouis – J’ai beaucoup de qualificatifs en tête… mais je n’aurai jamais utilisé celui de belle endormie… Car, si l’on regarde l’évolution des actifs sous gestion, en France, ils sont passés de 2 Md€ en 2007 -date à laquelle je suis entré dans l’entreprise – à 17 Md€ à ce jour. C’est donc une croissance tout à fait significative. Ce qui est exact, en revanche, c’est que ce développement s’est fait en partie via le développement d’une gamme SCPI. Mais aussi sur d’autres types de produits. Notamment un OPCI grand public lancé en 2014, BNP Paribas Diversipierre. Ce dernier affiche à ce jour environ 2,5 Md€ d’encours… Nous avons également développé un pan d’activité qui n’existait pas à l’origine : le pôle investisseurs professionnels et institutionnels. Or ce dernier représente aujourd’hui environ la moitié de nos encours sous gestion.
Quels véhicules composent votre gamme aujourd’hui ? Quid notamment des SCPI, auparavant à capital fixe, que vous avez récemment « variabilisées » ?
Jean-Maxime Jouis – Notre « navire amiral » est la SCPI Accimmo Pierre. Nous la présentons comme « la première pierre » dans la constitution d’un portefeuille. Elle s’est développée à un rythme assez soutenu. Lancée en 2008, elle pèse en effet aujourd’hui près de 4 Md€…
C’est une SCPI plutôt diversifiée ?
Jean-Maxime Jouis – Elle est en voie de diversification. Accimmo Pierre est aujourd’hui positionnée à hauteur de 75% en immobilier de bureau. Mais nous accentuons les investissements sur d’autres classes d’actifs. Notamment les retail parks. Mais aussi l’immobilier de santé et l’hôtellerie. Pour compléter la gamme, nous avons effectivement travaillé sur d’autres profils de produits, d’autres styles de gestion. En recherchant la diversification géographique. Cette stratégie s’est illustrée notamment lors du lancement d’Opus Real. Cette SCPI cible les principaux marchés immobiliers allemands. D’autres véhicules présentent aussi des thématiques assez marquées. C’est le cas d’Accès Valeur Pierre, une SCPI « fermée » que nous avons rouverte aux souscriptions en septembre dernier. Accès Valeur Pierre vise quant à elle la centralité parisienne. C’est-à-dire des actifs situés dans le « QCA[1] ». Ces actifs sont travaillés afin de maximiser la performance du capital. Ce qui est assez original dans le monde des SCPI…
Opus Real est une SCPI effectivement internationale. Mais qui a eu des débuts un peu difficile… Où en est-elle aujourd’hui, en termes de développement ?
Jean-Maxime Jouis – Sa capitalisation frôle aujourd’hui les 200 millions d’encours. Son portefeuille se diversifie. Grâce à des acquisitions, notamment dans les secteurs du commerce ou de l’hôtellerie. D’autres vont suivre. Son démarrage a peut-être été plus lent que ceux d’autres véhicules, comme celui d’Accimmo Pierre par exemple. Mais cette SCPI présente d’excellentes perspectives.
Y a-t-il des projets d’élargissement ou de rationalisation de la gamme ?
Jean-Maxime Jouis – D’élargissement, oui. Notamment dans l’objectif d’adresser une cible d’épargnants en dehors de nos réseaux de distribution historiques -ceux de BNP Paribas-. Une première initiative dans ce domaine a été réalisée il y a deux ans. Avec la création d’une société civile dédiée au réseau AFER. Ce véhicule – AFER Pierre- vise une allocation diversifiée au niveau européen. Nous travaillons actuellement sur une autre initiative. Dont j’espère pouvoir annoncer très prochainement le lancement officiel. Il s’agit, là encore, d’un véhicule structuré sous forme de société civile. Mais qui adressera la classe d’actifs résidentiel, au sens large. Et sera dotée d’une thématique sociale assez marquée…
Et en termes de rationalisation ?
Jean-Maxime Jouis – La rationalisation, pour nous, c’est d’abord agir dans l’intérêt de nos clients. Cela signifie une diversification accrue des risques. Et la capacité de prendre en charge de manière encore plus significative les opérations d’optimisation de nos actifs. Notamment via leur rénovation. Alors, oui, nous réfléchissons effectivement à des possibles rapprochements de produits. Mais il est encore trop tôt pour être plus précis…
Vous évoquez le facteur risque… Les marchés immobiliers font face actuellement à des profondes mutations. Sans parler, déjà, de crise… L’immobilier pourra-t-il offrir, à l’avenir, les mêmes perspectives de rendement, de revalorisation, qu’au cours des dernières années ?
Jean-Maxime Jouis – C’est une question très générique. J’ai envie d’y répondre par le « particularisme ». Car la beauté de l’immobilier, c’est son caractère unique. Et non fongible. Aucun immeuble n’est exactement identique à son voisin. C’est sa qualité première. Cela fait que, dans nos métiers, la sélection des actifs et leur gestion active dans le temps -notamment en termes de rénovation, de relocation, etc. – sont des facteurs clés de performance.
Mais quid du contexte macroéconomique ?
Jean-Maxime Jouis – En termes de perspectives générales, ce contexte de remontée des taux et de l’inflation va conduire à un retour de la hiérarchie des valeurs. Hiérarchie entre les bons secteurs, en sous-offre. Et les mauvais secteurs, en sur-offre. Certains marchés, notamment en périphérie parisienne, affichent aujourd’hui des taux de vacance proches de 20%. A l’inverse, pour des secteurs très centraux, la rareté est telle que la valeur locative de certains actifs -ceux aux meilleurs standards techniques- progresse énormément… Ce phénomène d’évolution des valeurs locatives, d’indexation des loyers vient donc atténuer, dans un certain nombre de cas, les baisses de valeurs induites par la hausse des taux de financement.
Une autre contrainte pèse sur l’immobilier. La contrainte climatique, ESG au sens large. Quel impact -présent et futur- sur les rendements ? Et comment BNP Paribas REIM s’y est-elle préparée ?
Jean-Maxime Jouis – Cet enjeu a été très clairement identifié depuis plus d’une dizaine d’années. Nous avons par exemple signé, dès 2011, les PRI[2]. Nous travaillons depuis plusieurs années sur la labélisation complète de notre gamme grand public ouverte à la commercialisation. L’OPCI BNP Paribas Diversipierre a été le premier à être labelisé. Toutes les SCPI ouvertes sur le marché primaire l’ont rejoint. Ainsi que la société civile AFER Pierre, que j’évoquais précédemment. En réalité, nous avons décidé de faire de ce changement de paradigme une opportunité. Le label ISR, notamment, établit un cadre. Il nous permet d’inscrire nos actions dans la durée. De fixer très clairement les objectifs à atteindre en termes d’amélioration, notamment énergétique. Le sujet émission de carbone est absolument clef. Nous en étions persuadés il y a déjà 10 ans. Et cela se vérifie aujourd’hui…
C’est-à-dire ?
Jean-Maxime Jouis – L’approche ESG est un vecteur de performance absolument fondamental. Les statistiques, en immobilier d’entreprise mais aussi en immobilier résidentiel, commencent à montrer qu’il y a une très forte corrélation entre les valeurs locatives -ou les prix- et les qualités environnementales des actifs.
Donc, l’ESG est bien un levier de performance. Il est aussi, en quelque sorte, un point de passage obligé. Pour tenir compte du monde dans lequel on vit. Mais aussi de l’attractivité de nos actifs pour leurs occupants locataires. Notre métier consiste en effet à sélectionner les bons actifs. Puis à les mettre à la disposition, assorties de services, de leurs occupants. Or leurs attentes ont radicalement changé. Depuis probablement 3-4 ans. La Covid a accéléré cette tendance.
Un exemple ?
Jean-Maxime Jouis – Aujourd’hui, on se rend compte -par exemple sur un fonds comme Accès Valeur Pierre, qui illustre très bien cette approche- que l’on surperforme à chaque fois que l’on a su inventer ou réinventer un actif immobilier. En gardant bien sûr ses caractéristiques fondamentales. Telles que la localisation qui est, en soi, un critère qui peut être tout à fait attractif.
Vous nous avez dit que la spécialisation sectorielle redevenait un facteur important. Et avez évoqué le secteur résidentiel, cible prioritaire de votre prochaine UC. Mais quels sont les secteurs à privilégier aujourd’hui, selon vous ?
Jean-Maxime Jouis – Le résidentiel offre effectivement un couple rendement risque particulièrement attractif. Car, en raison de la granularité d’un portefeuille résidentiel, les revenus locatifs sont fortement mutualisés. Parmi nos autres secteurs « phare », actuellement, je citerai aussi l’immobilier de santé. Les fondamentaux démographiques lui sont toujours aussi favorables. En dépit des controverses récentes, par ailleurs tout à fait significatives. Et qu’il convient de prendre au sérieux. Mais la lame de fond est là. Sur un certain nombre de marchés. Dont la France. Nous pensons donc que l’immobilier de santé est une très bonne classe d’actifs. Notamment parce qu’il assure la récurrence des revenus sur longue période.
Un autre secteur immobilier ?
Jean-Maxime Jouis – Nous nous intéressons aussi plus particulièrement aux retail parks, au sein des multiples classes d’actifs commerce. C’est probablement le segment qui a le plus surperformé, et de loin, ces dernières années. Lors de la crise sanitaire, les retail Parks ont pu offrir une expérience de consommation en plein air. C’est un avantage comparatif. En outre, ces actifs sont positionnés à la périphérie des villes. Là où la pression foncière est moindre. Et où les loyers sont moins tendus. En conséquence, le taux d’effort des exploitants locataires est moins important qu’en centre-ville. Ce qui offre une réponse adaptée aux actuelles problématiques de pouvoir d’achat. Nous sommes donc très positifs sur cette classe d’actifs. Sur laquelle nous avons récemment massivement investi pour le compte d’Accimmo Pierre.
Etes-vous aussi plus présents à l’international ? A l’image du marché, d’ailleurs…
Jean-Maxime Jouis – Oui. Nous avons fait le choix de spécialiser certains de nos produits sur un territoire spécifique. Tels que Accimmo Pierre en France. Ou Opus Real en Allemagne. Diversipierre et AFER Pierre développent quant à eux des approches internationales très volontaristes. La part de l’immobilier français détenu par Diversipierre va d’ailleurs prochainement passer sous les 50%. Plus globalement, nous estimons qu’il y a un vrai intérêt à jouer sur le différentiel des cycles immobiliers et économiques entre les pays ou les territoires. En revanche, tordons le cou à une idée reçue : on ne va pas chercher des surcroîts de rentabilité en faisant des arbitrages d’un marché à l’autre. C’est un phénomène qui, dès lors que l’on se concentre sur les marchés les plus établis de l’Europe de l’Ouest, a pratiquement disparu…
Le marché de la gestion d’actifs immobiliers, via des véhicules collectifs, est en plein essor. Même si les chiffres de la collecte du 3e trimestre montrent un certain essoufflement. Cet engouement des épargnants pour l’immobilier peut-t-il se poursuivre au même rythme ?
Jean-Maxime Jouis – L’immobilier, ces derniers mois, et pendant la crise sanitaire, a démontré ses vertus. Une très forte résilience. Une récurrence de revenus. Et une moindre volatilité, quand on le compare à d’autres classes d’actifs. Il n’y a donc pas de raison fondamentale qui conduirait à faire disparaître, ou amoindrir, l’immobilier au sein des portefeuilles des épargnants. Sur le long terme, nous sommes convaincus que cette dynamique de collecte va se maintenir. Je ne me prononcerais pas, en revanche, sur les phénomènes épisodiques qui pourraient intervenir dans les mois à venir. J’ajoute que dans un tel contexte, l’important reste, pour une société de gestion, de mesurer son succès à l’aune de la qualité de sa gestion. Pas en fonction de la croissance de ses encours. C’est la raison pour laquelle nous nous concentrons, vraiment, sur la gestion active de nos portefeuilles…
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A propos de BNP Paribas REIM(i)
BNP Paribas REIM, une ligne de métier de BNP Paribas Real Estate, propose aux investisseurs une large gamme de fonds immobiliers et de solutions d’investissement, basée sur de fortes convictions. Notre ancrage européen nous confère une connaissance approfondie des marchés locaux, que nous appréhendons à travers chaque m², chaque rue, chaque quartier, chaque écosystème urbain. Avec nos 330 collaborateurs, nous prenons soin des immeubles que nous gérons comme des êtres vivants, proposant ainsi notre version du vivre ensemble au bénéfice de nos plus de 200 investisseurs institutionnels et plus de 150 000 investisseurs particuliers. Fin 2021, BNP Paribas REIM gérait 29,7 milliards d’euros d’actifs européens immobiliers et vivants pour le compte d’investisseurs institutionnels et particuliers.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Quartier Central des Affaires
[2] Principles for Responsible Investment