Les SCPI, les OPCI, les SIIC et les OPCVM immobiliers bénéficient tous de la transparence fiscale, ce qui est déterminant pour leur attractivité et leurs performances. Les raisons ne sont pas les mêmes selon le produit mais peu importe, c’est le résultat qui compte. La pierre papier est fiscalement transparente.
La transparence fiscale, définition
Toute entreprise paie des impôts sur les bénéfices (l’impôt sur les sociétés, ou IS) puis répartit le résultat après impôt entre des réserves qu’elle constitue et des dividendes à ses actionnaires. Ceux-ci paient à leur tour un impôt sur les dividendes qu’ils ont reçu, dans le cadre de l’impôt sur le revenu. Il y a donc une double imposition, dans la pratique atténuée par des mécanismes plus ou moins complexes selon les pays. En France, nous avons le système du « crédit d’impôt ».
Dans le régime de transparence fiscale :
- La société elle-même ne paye pas d’impôt,
- en revanche elle doit obligatoirement distribuer l’essentiel su bénéfice aux actionnaires
- et les actionnaires paient normalement l’impôt sur ce qu’ils reçoivent.
Il n’y a donc :
- ni double imposition, puisque seul l’actionnaire paie l’impôt,
- ni avantage fiscal, puisque la société distribue la totalité de son bénéfice (si elle constituait des réserves, celles-ci échapperaient à l’impôt, d’où l’obligation de distribution).
Pourquoi et comment ce régime fiscal de transparence en est-il venu à s’appliquer à l’ensemble des véhicules de la pierre papier ?
La transparence fiscale des OPCVM
Les OPCVM (Organismes de Placement Collectifs en Valeurs mobilières) ont été lancés en France en 1964 avec les SICAV (Sociétés d’Investissement à Capital Variable), sur le modèle des mutuel funds américains.
Il y avait deux objectifs :
- d’abord attirer l’épargne des particuliers vers la Bourse,
- et aussi lui offrir de bonnes conditions de sécurité.
Le second objectif pouvait être atteint par la création d’un portefeuille important (un mutual fund ou une SICAV). Ainsi chaque particulier pouvait bénéficier, même avec un apport modeste, d’une diversification et d’une gestion professionnelle.
Mais comment atteindre le premier objectif consistant à inciter les particuliers à investir en Bourse de façon plus substantielle ? Si le portefeuille, recevant les dividendes des actions qu’il détient, commençait par payer l’impôt sur les sociétés, pour ensuite seulement verser un dividende à ses détenteurs, ses résultats ne seraient pas séduisants. Il fallait au moins afficher un dividende comparable à celui des actions achetées directement. De même, si les plus-values réalisées par le portefeuille étaient imposées au titre de l’impôt sur les sociétés, la performance présentée risquait de faire pâle figure.
D’où la solution pragmatique de la transparence fiscale. Le portefeuille ne paie aucun impôt, seul l’actionnaire final paie l’impôt sur les dividendes et sur sa plus-value. Avec une règle simple, pour que le dispositif ne devienne pas un avantage fiscal : le portefeuille distribue l’intégralité de ses dividendes.
Ainsi les mutual funds américains furent une belle réussite, et servirent de modèle aux SICAV, puis aux FCP nés en 1981 (Fonds Communs de Placement, il s’agit d’une copropriété, régime juridique différent mais selon le même principe de transparence fiscale).
SICAV et FCP sont aujourd’hui regroupés sous l’appellation commune OPCVM. Les OPCVM bénéficient donc de la transparence fiscale.
La transparence fiscale des SCPI
Les SCPI, Sociétés Civiles de Placement Immobilier, sont des Sociétés Civiles particulières, puisqu’elles collectent de l’épargne.
Elles n’en restent pas moins des Sociétés Civiles. Dans la fiscalité française les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) sont transparentes. La SCI ne paie aucun impôt sur les sociétés, toutes les recettes et charges sont répercutées à chaque associé au prorata de sa participation.
Les SCPI sont donc transparentes elles aussi, mais avec deux différences par rapport aux OPCVM :
- pour les OPCVM, c’est évidemment la fiscalité financière qui s’applique, alors que pour les SCPI, c’est la fiscalité immobilière (loyers et plus-values, et d’ailleurs aussi déduction des intérêts d’emprunt). Les quelques revenus financiers de la SCPI, transparence oblige, dépendent de la fiscalité financière.
- les SCPI peuvent constituer des réserves, par exemple sous forme de report à nouveau, ou en conservant une partie des plus-values qu’elles ont réalisé sur des ventes d’immeubles. C’est de la bonne gestion, pour continuer à investir ou pour assurer une stabilité de revenu. Il faut juste savoir que l’associé final a payé ses impôts sur les revenus et plus-values, même sur la partie qui ne lui a pas été distribuée. L’arbitrage entre la distribution immédiate et la robustesse future est un élément stratégique de la gestion des SCPI.
Les SCPI bénéficient donc elles aussi de la transparence fiscale, même si l’on voit que l’expression ne recouvre pas une réalité identique d’un produit à l’autre.
La transparence fiscale des SIIC
Les questions fiscales ne sont jamais simples. Voici une troisième sorte de transparence fiscale.
Les SIIC (Société d’Investissement immobilier Cotées) sont des Foncières. Autrement dit des entreprises cotées en Bourse qui ont pour activité de construire, détenir, transformer des immeubles ou des quartiers, avec deux caractéristiques majeures : ce sont essentiellement des propriétaires immobiliers, mais ce sont des propriétaires très actifs. Elles ont obtenu la transparence fiscale à partir de 2003, pour des raisons qui leur sont propres.
Comment justifier en effet que certaines entreprises cotées en Bourse bénéficient de la transparence fiscale, et pas toutes les autres ? Pourquoi une cinquantaine de pays ont-ils adopté ce régime fiscal pour leurs Foncières ?
L’exception immobilière
Trois problèmes se posent pour toute Foncière dans le cadre d’un régime fiscal normal :
- d’abord, étant soumise à l’impôt sur les sociétés, ses plus-values lors de la revente d’immeubles entrent dans ses bénéfices et sont imposées. Des considérations fiscales vont donc l’empêcher d’arbitrer son patrimoine comme elle devrait normalement le faire dans une stratégie d’entreprise.
- ensuite, si elle n’arbitre pas ou très peu son patrimoine, ses actions subiront une décote en Bourse par rapport à la valeur des immeubles. Ce serait trop long à développer ici, mais c’est une règle bien connue : un actif doit pouvoir être remis sur le marché pour être évalué à son prix de marché par la cotation boursière. Bref, avec ses actions décotées par rapport à la valeur de ses immeubles, la Foncière ne peut pas collecter de nouveaux capitaux en Bourse pour acheter de nouveaux immeubles, cela n’intéresserait personne de mettre de l’argent pour le voir tout de suite perdre de la valeur…
- enfin, puisqu’elle ne peut pas compter sur de l’argent nouveau qui viendrait du marché financier, la Foncière bien que cotée n’a aucun intérêt à distribuer un dividende important à ses actionnaires.
La fiscalité normale appliquée aux Foncières a donc pour conséquence d’interdire aux Foncières de remplir un rôle dynamique dans l’économie, soit en complétant et rénovant leurs parc de logements, soit en accompagnant les entreprises dans leurs besoins toujours renouvelés de locaux.
Des enjeux
Or il y a aujourd’hui deux enjeux importants :
- l’économie a besoin, pour rester compétitive, que son immobilier soit transformé et développé (réduction des dépenses énergétiques, nouvelles formes de travail, logement dans les métropoles, etc.), ce qui implique des investissements considérables.
- les investisseurs institutionnels français et internationaux, qui sont de grands vecteurs du financement des retraites, doivent avoir accès à immobilier par la Bourse pour sécuriser leurs actifs (immobilier) tout en conservant une certaine liquidité (Bourse).
Une solution
Pour toutes ces raisons, la seule solution dynamique est la transparence fiscale des Foncières, d’où les SIIC. Mais ce ne sont pas des fonds comme les OPCVM ou des sociétés civiles comme les SCPI, ce sont des entreprises ! Les règles sont donc différentes.
- pas d’impôt sur les sociétés, donc ni sur ses plus-values de revente d’immeubles, ni sur ses autres bénéfices provenant des loyers.
- mais obligation de distribuer aux actionnaires 70% des plus-values réalisées, et 95% des autres bénéfices (ces pourcentages varient légèrement d’un pays à l’autre).
Les SIIC sont donc elles aussi transparentes fiscalement. Même si une fois de plus les mots ne recouvrent pas des réalités identiques.
La transparence fiscale des OPCI
Et voici un quatrième type de transparence fiscale !
Les OPCI (Organismes de Placement Collectif en Immobilier) sont les petits frères des SCPI.
Mais la conception en est en différente :
- on peut dire que les SCPI sont une « copropriété immobilière » intégrée dans le monde de la gestion collective,
- à l’inverse, les OPCI sont de la gestion collective élargie à l’immobilier. Vous prenez un OPCVM, vous l’autorisez à acheter des immeubles, et vous avez l’OPCI. C’est toujours un Organisme de Placement Collectif. Mais on a remplacé le VM – pour Valeurs Mobilières – par un I pour immobilier.
Transparence fiscale, donc. Avec une nuance importante.
Comme les OPCVM :
- l’OPCI lui-même ne paie aucun impôt, ni sur les plus-values immobilières ni sur les bénéfices provenant des loyers
- il distribue l’ensemble de ses résultats
- et ceux-ci sont soumis à l’impôt sur le revenu du détenteur final.
Mais, à la différence des SCPI, le détenteur final est dans le champ de la fiscalité financière.
Les OPCI sont donc eux aussi fiscalement transparents.
La double transparence fiscale des OPCVM immobiliers
Et voici un cinquième type de transparence fiscale, obtenu avec deux couches de transparence fiscale !
En tant qu’OPCVM les OPCVM immobiliers sont sous le régime de la transparence fiscale… mais ils détiennent presque exclusivement des SIIC, ou leurs équivalentes européennes, qui sont déjà fiscalement transparentes !
Rien de nouveau fiscalement, puisque les plus-values ou revenus des immeubles sont allés directement, sans subir d’impôt au passage, des immeubles jusqu’au détenteur de l’OPCVM immobilier.
La conséquence est surtout une catégorie d’OPCVM très typée. En effet :
- comme les SIIC distribuent un dividende élevé, le rendement de l’OPCVM immobilier est élevé.
- comme les dividendes des SIIC sont relativement stables (qu’est-ce qu’un loyer, sinon un chiffre d’affaires dans lequel le client s’engage dans la durée ?), les dividendes de l’OPCVM immobilier sont plus stables que ceux des OPCVM actions en général.
En fin de compte, les quatre grands véhicules de la pierre papier, à savoir les SCPI, les OPCI, les SIIC et les OPCVM immobiliers sont tous transparents fiscalement. Il fallait juste préciser ce que la transparence fiscale signifie en pratique pour chacune de ces formules.
Que dit la pierre de Rosette ?
Saviez-vous que la pierre de Rosette est l’histoire d’un drame fiscal et d’une réforme qui a réussi ?
Cela fait partie des mystères de l’information.
Nous avons tous appris au collège le destin de cette fameuse pierre, exhumée par l’armée napoléonienne pendant la campagne d’Égypte. Elle avait permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens. Nous avons désormais accès à l’héritage écrit d’une grande civilisation. De plus c’est un Français qui a gagné la course dans une compétition alors très rude avec les anglais.
Formidable !
Mais personne ne nous dit ce qui est écrit sur cette pierre ! Ni pourquoi une pierre écrite en trois langues ! D’ailleurs, pourquoi du grec, de l’égyptien courant et les fameux hiéroglyphes, l’écriture sacrée ?
En fait, ni nos professeurs de collège, ni même Wikipedia ne le disent au moment où ces lignes sont écrites…
La pierre de Rosette est un bel exemple des risques du cloisonnement des savoirs. Nos sociétés ont des problèmes avec la fiscalité. Les historiens ne s’intéressent à ce sujet que de façon marginale. Alors, un texte sur la fiscalité, pourquoi s’y attarder ?
C’est pourtant une histoire extraordinaire à bien des égards. Au début du deuxième siècle avant JC, l’Égypte était ruinée. Le Nil n’était plus entretenu. De nombreuses personnes étaient en prison pour raison fiscale.
Cela se passait dans un contexte où la décadence n’était pas autorisée. Les pressions étaient très fortes. En particulier Antioche le Grand voulait modifier l’équilibre des empires (le royaume des Séleucides allait de l’Afghanistan et du Pakistan actuel, à l’Est, jusqu’à la Turquie actuelle à l’Ouest ; Antioche le Grand venait de prendre à l’Égypte ses terres de Palestine, et sa soif de conquête était encore vive…).
Réforme fiscale
C’est alors que Ptolémée V devint le nouveau pharaon. Pourquoi Ptolémée ? Son ancêtre était le général d’Alexandre le Grand qui s’était fait attribuer le royaume d’Égypte. Bref, Ptolémée V ou ses conseillers, puisque le pharaon était encore un jeune adolescent, décidèrent une réforme fiscale en trois points :
- amnistie fiscale immédiate et totale
- fixation d’un budget pour le pharaon et son administration, à eux de vivre avec
- les temples ne paieront plus d’impôts
La pierre de Rosette était donc une grande stèle posée à l’entrée d’un temple qui disait en substance : « Messieurs du fisc, vous avez ruiné l’Égypte une fois, vous ne le ferez pas une seconde fois, passez votre chemin, et nous allons bien vous expliquer pourquoi » (j’avoue que ma version est plus succincte que le texte original merveilleusement délicat, subtil et fleuri…).
Un temple : l’écriture en hiéroglyphes.
Un monument destiné à être lu : l’écriture dite « démotique » pratiquée par le commun des égyptiens et pour les textes administratifs courants,
Un administration fiscale grecque : l’écriture en grec, pour que ce soit bien compris !
Quel magnifique cadeau à Champollion…
Cette histoire finit bien. L’Égypte s’est redressée. Encore un siècle et demi avant la conquête par César.
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