David Charlet, le président de l’Association nationale des conseils financiers, face aux questions de Guy Marty. A quelles problématiques peuvent aujourd’hui répondre les CGP ? La profession est-elle suffisamment reconnue ? Suffisamment présente sur le territoire ? Interview.
David Charlet, l’Anacofi, en 2 mots, c’est quoi ?
David Charlet – L’Anacofi, c’est 8 000 entreprises du courtage au conseil en banque, finance, assurance. Le métier le plus connu exercé par nos adhérents, c’est le conseil en gestion de patrimoine. Ces conseils, ce sont environ 40 000 personnes au service des utilisateurs de ce type de prestations, présents quasiment sur l’ensemble du territoire français.
Quel que soit l’endroit où il habite, un particulier peut donc faire appel à un conseiller ?
David Charlet – Oui, aujourd’hui on peut le dire. Il y a une vingtaine d’années, c’était un métier essentiellement concentré sur certaines zones urbaines, et d’ailleurs souvent concentré sur certains publics. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Tout le monde peut consulter un conseiller, s’il a une question patrimoniale, ou tout simplement une « envie d’épargne ». Ce qui est souvent l’élément déclencheur. Sachant qu’il a aussi souvent des éléments plus complexes à traiter…
Rentrons dans le sujet. Aujourd’hui, avec internet, on est surinformé. A-t-on encore envie -besoin- d’aller chercher un conseil ?
David Charlet – Oui. On a la même problématique pour tous les métiers du conseil. La digitalisation a-t-elle conduit à ce que les gens renoncent à chercher un service ? Non. On va toujours chercher un service, mais un service qui se fait autrement. Aujourd’hui, les gestionnaires de patrimoine sont soit très « digital », soit en partie « digital ». Ce qui veut dire qu’opposer le digital et le non-digital n’a plus de sens. Un jour, peut-être, ce sera un avatar qui répondra à vos questions. Ce n’est pas encore le cas.
Pas encore…
David Charlet – Mais ce n’est pas un problème. Aujourd’hui, les trois quarts environ des clients se sont informés en amont avant de consulter un conseiller. Et ils sont aussi très nombreux à vérifier, après avoir consulté, la qualité de la réponse du conseiller. Dans tous les cas, ils sont bien allés consulter un conseiller. Gardons à l’esprit qu’environ 15% des Français ont recours à un conseiller. Ce n’est pas l’immense majorité. Mais ces 15% s’intègrent dans les 40% à 45% de Français qui font de l’épargne. Ils représentent donc une partie importante du compartiment « épargnants ».
Qui sont, globalement, ces « 15% » de personnes qui ont recours aux services d’un conseiller ?
David Charlet – Au sein de ces Français qui sont en mesure d’épargner, c’est un peu tout le monde. Au départ, les conseillers en gestion de patrimoine s’adressaient prioritairement à des publics de professionnels libéraux, de cadres supérieurs -mais pas tous-. Ils se sont progressivement ouverts à des populations plus riches. Mais aussi à ce que certains appellent la gestion de patrimoine « sociale ». En conseillant ceux qui étaient capables de faire un peu d’épargne. Et qui ont souvent aussi des problématiques patrimoniales qui vont au-delà de la simple épargne.
Quel genre de problématique ?
David Charlet – Des problématiques patrimoniales de succession. Rappelons que 45% des Français -c’est le plus fort taux en Europe- ont des problématiques de transmission intergénérationnelle. Cela veut dire que madame ou monsieur « Tout-le-Monde », qui a un peu de patrimoine, se pose ce type de question à un moment donné. Ce peut être une problématique fiscale. Je rappelle que, là encore, nous sommes le pays d’Europe le plus complexe en termes de solutions patrimoniales disponibles. Ce peut être aussi tout simplement la volonté de ne pas « se faire vendre » le produit d’une gamme de produits. Et il y a aussi le sujet majeur de l’immobilier. Premier achat, ou investissement immobilier générateur de revenus, c’est important de se faire accompagner.
On pense vraiment à aller voir un conseil en gestion de patrimoine pour acheter un appartement?
David Charlet – Dans 70% des cas vous allez voir un agent immobilier. Et une partie de ces agents immobiliers sont des CGP. Et plus vous cherchez un interlocuteur capable de répondre de manière globale à votre problématique, plus vous venez voir un CGP. Quand vous faites de l’immobilier, vous faites aussi un crédit. Votre solution immobilière entre également dans le giron de vos autres solutions d’épargne qui, aux deux tiers, ne seront pas immobilières. Et puis, si vous avez des enfants, vous avez besoin d’organiser cet investissement, de le projeter dans le temps. C’est là qu’un CGP est particulièrement utile. Car le CGP fait une analyse globale qui se projette dans le temps…
Les particuliers sont-ils conscients de l’utilité potentielle des CGP ?
David Charlet – Globalement, oui. Auparavant, beaucoup de gens ne connaissaient pas les CGP. Aujourd’hui, quelqu’un qui fait un peu d’épargne sait ce qu’est un CGP. Il y a donc une véritable demande. Les gens connaissaient l’univers du courtage en assurance-vie, qui existe depuis plus d’un siècle. Cet univers a été petit à petit phagocyté par celui des CGP. Pourquoi ? Parce que les clients ont demandé à leurs anciens conseillers spécialisés de s’ouvrir à d’autres territoires d’épargne. Les formations, les écoles ont suivi.
C’est-à-dire ?
David Charlet – Aujourd’hui, chez les jeunes, il est plus fréquent de choisir la voie d’un diplôme en gestion de patrimoine que celle d’un diplôme en finance. Idem en termes de formation. Les courtiers en assurance-vie, à une certaine époque, se sont formés pour devenir des CGP. Et c’est pareil pour les agents immobiliers. Du coup, une forme de « notoriété automatique » -du CGP- est apparue. Ce n’était pas le cas il y a dix ans. Mais aujourd’hui, oui, il y a une demande.
Et le rapport à la banque ?
David Charlet – Le rapport à la banque, il va avec. Il y aussi une prise de conscience que toutes les banques ont des gammes « internes ». Et des gammes alternatives, via leurs filiales. Qui restent toutefois des gammes bancaires. Donc, les gens ont compris que, déjà au sein de leurs propres banques, ils pouvaient accéder à deux gammes. Et que s’ils voulaient une offre encore plus large, il fallait aller voir d’autres interlocuteurs. Or, les courtiers spécialisés ayant été un peu « balayés », ces interlocuteurs sont aujourd’hui ce que l’on appelle un CGP. En fait, la problématique, la question que se posent aujourd’hui les consommateurs est la suivante : suis-je, ou non, en face d’un conseil, ou en face d’un vendeur ?
C’est le vrai sujet : conseil ou vendeur ?
David Charlet – C’est le vrai sujet… Les consommateurs qui souhaitent rencontrer un conseil réellement pluridisciplinaire, capable de les aider dans leur démarche patrimoniale globale, n’ont pas envie de « se faire vendre quelque chose ». C’est d’ailleurs un sujet de discussion au sein même de la profession. Il y a des désaccords. Nos fédérations n’acceptent pas trop que le terme de CGP soit « dévoyé » par des gens qui sont en réalité de purs vendeurs. Heureusement, cette distinction s’efface peu à peu. Même les grands réseaux de pure vente sont allés vers la thématique du conseil. Cela, c’est grâce à la réglementation. Qui encadre dorénavant l’utilisation du terme « conseil ».
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A propos de l’Anacofi(i)
L’objet de l’Anacofi est la représentation de ses membres pour leur permettre d’exercer leurs professions dans les meilleures conditions et dans le respect de leurs clients. Ces actions sont menées au bénéfice du consommateur, de l’investisseur et du chef d’entreprise, en collaborant avec leurs organes de représentations propres. Initialement un club de dirigeants d’entreprises et un think tank, l’association a à cœur de préserver l’ambiance et de maintenir une « vraie » vie associative, partout en France, y compris dans les départements et territoires d’Outre-Mer.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société.