Mansour Khalifé, président fondateur de MNK Partners, livre son analyse des marchés immobiliers européens. Plus particulièrement ceux d’Europe centrale et orientale où les fonds qu’il gère sont en partie investis. Il est l’invité des « Acteurs de la pierre-papier ». Interview.
MNK Partners intervient sur les marchés immobiliers européens. Plus particulièrement sur l’Europe centrale et orientale. Vous disposez d’ailleurs d’un bureau à Varsovie depuis 2020. Première question, qui doit vous être régulièrement posée ces dernières semaines : quel est l’impact du conflit ukrainien sur les marchés immobiliers de l’Est de l’Europe ?
Mansour Khalifé – Et la réponse est toujours la même : à très court terme, et globalement, l’impact n’est pas négatif. La demande en actifs immobiliers a même été renforcée par les flux migratoires en direction des pays du centre de l’Europe. Il y a, par exemple, très peu de vacance sur le secteur des bureaux à Varsovie. Les appartements font l’objet d’une forte demande. Le secteur logistique et celui des retails parks sont aussi très demandés. Donc, une demande forte, face à une offre qui n’a pas évolué. La pression est maintenue, et les « deals » continuent.
Pas de tensions sur les financements bancaires ?
Mansour Khalifé – C’est effectivement un sujet. Des craintes ont émergé, au début du conflit, en raison des éventuels problèmes liés à la devise. Je rappelle en effet que tous les pays d’Europe centrale et orientale ne sont pas dans la zone euro. Celle de la Pologne, par exemple, est le zloty. Mais, en pratique, la devise est restée stable. Et les établissements bancaires ont continué à distribuer des financements. A notre connaissance, il n’y a eu aucune annulation de dossiers en cours. En revanche, les délais se sont allongés. Notamment parce que les banquiers, locaux ou paneuropéens, ont dû réviser leurs procédures d’attribution en fonction des sanctions prises contre la Russie. Mais, à part ce phénomène, nous n’observons pas d’évolutions, ou de revirements, sur les marchés immobiliers d’Europe centrale. Ces derniers sont d’ailleurs principalement animés par des acteurs locaux et régionaux. Ce qui renforce aussi leur stabilité.
MNK Partners a reconstitué un indice boursier local. Que donne-t-il comme indications ?
Mansour Khalifé – Nos équipes au Luxembourg ont effectivement reconstitué, ou simulé, un indice interne pondéré des capitalisations boursières des 18 plus grandes sociétés immobilières cotées en Pologne. Quand on compare cet indice à l’indice EPRA (hors UK bien entendu), on voit que, globalement, la demande est toujours là. L’indice lui-même n’a pas « dévissé ». Il n’y a pas eu de retraits massifs sur les marchés financiers polonais. Ce qui renforce l’idée évoquée précédemment : il s’agit de marchés majoritairement tenus par des acteurs locaux et régionaux. Et que la confiance de ces acteurs est toujours intacte. N’oublions pas non plus qu’il s’agit de marchés inscrits dans l’Union européenne. Ils réagissent donc, globalement, à l’image des autres marchés.
Y a-t-il toujours autant d’opportunités dans ces pays d’Europe centrale et orientale ?
Mansour Khalifé – Oui, sans aucun doute. J’ajoute que, chez MNK Partners, il n’est pas dans notre nature de réfléchir par discrimination géographique. Chaque marché à ses propres risques. Et ses propres opportunités. Nous n’allons pas « désavouer » un marché juste parce qu’il a une frontière commune avec l’Ukraine. Il reste un marché de l’Union européenne. Dans cette zone, les opportunités sur les marchés immobiliers sont toujours présentes. Notamment parce qu’en période inflationniste, l’immobilier est la seule classe d’actifs qui réagit bien. Pourquoi ? En raison des indexations de loyer. Exemple : nous avons acheté, pour le compte de notre fonds Polska by MNK, un actif à Varsovie le 30 décembre. Dès le 1er janvier, nous avons bénéficié d’une indexation de 5% sur le loyer. Cela n’existe que dans l’immobilier. Qui reste donc une valeur refuge, comparée à d’autres classes d’actifs plus volatiles.
Je rappelle que MNK Partners gère plusieurs fonds dédiés aux professionnels, ou aux investisseurs institutionnels. Dont le fonds Polska by MNK, que vous venez d’évoquer. Mais aussi un fonds de rendement paneuropéen professionnel, MNK One. Lequel a réalisé l’an dernier une performance globale de 9%, je crois. Dont 6% de rendement distribué. Pouvez-vous nous rappeler la stratégie de ce fonds ? Et les dernières opérations menées ?
Mansour Khalifé – Il est effectivement important de préciser que les fonds gérés par MNK Partners sont dédiés à une clientèle professionnelle, au sens de la directive sur les Marchés d’Instruments Financiers (MIF). En outre, notre approche est une approche par le rendement. Et s’apparente à du private equity immobilier. Car nos fonds sont déployés en fonction de maturités spécifiques. Elle est de 6 ans pour Polska by MNK. Et de 8 ans pour MNK One. Ce dernier a effectivement distribué un dividende de 6% aux investisseurs l’an dernier. Et a réévalué le prix de ses parts. Il vient en outre de prendre une participation dans Polska by MNK, pour renforcer son exposition sur la Pologne. Notre concept, c’est en réalité d’offrir des « briques d’allocations ». Nos portefeuilles génèrent du rendement. Mais sont aussi investis dans des actifs « core » : belles localisations, beaux locataires, et baux de long terme.
Vous croyez toujours au « momentum » polonais ?
Mansour Khalifé – Oui, la Pologne aujourd’hui offre toujours un « momentum » assez intéressant. Même avec le contexte ukrainien. Toutes nos études prédisent 30 ans de croissance économique, une très forte croissance démographique, et un très faible chômage. Ces excellents fondamentaux permettent d’envisager, sur le moyen terme, des investissements « gagnants ». J’ajoute un autre facteur « momentum » : le fait que le marché immobilier polonais est en train de passer du statut de marché primaire à celui de secondaire.
MNK One est également investi dans d’autres pays européens, l’Espagne je crois. Quelle stratégie géographique et sectorielle pour les mois à venir ?
Mansour Khalifé – MNK One est paneuropéen. Il investit en Irlande. Au Portugal. Pas encore en Espagne, mais c’est effectivement prévu. Après la Pologne, la Hongrie, on regarde l’Italie, et d’autres pays d’Europe de l’Ouest. Son acquisition phare, en 2021, est un hôtel B&B dans la zone aéroportuaire de Lisbonne. Cette opération a débuté en juillet 2020, à la fin du premier confinement. Personne, alors, ne voulait investir dans l’hôtellerie. Les discussions ont duré plus de 6 mois. Et nous ont permis d’obtenir d’excellentes conditions. L’actif est loué dans le cadre d’un bail ferme de 20 ans. Sa localisation est excellente. Il contribue donc au renforcement de la rentabilité et du potentiel de rendement du fonds.
Cette opération illustre votre conception d’une acquisition opportuniste et porteuse de valeur à long terme…
Mansour Khalifé – L’opportunisme peut faire peur. Il peut donner l’impression qu’il conduit à se positionner sur des actifs qui ne sont pas « mainstream ». Pour nous, l’opportunisme, c’est la force de conviction. L’opportunité est dans la lecture des phénomènes démographiques, des phénomènes culturels. Penser, en mai ou juillet 2020 qu’il n’y aurait plus d’hôtels, semblait, à notre sens en tout cas, dérisoire. Nous sommes aujourd’hui convaincus qu’il faut se positionner sur cette classe d’actifs dite alternative. Tout en suivant l’évolution de l’ensemble des secteurs…
Précisément, votre objectif est d’étendre votre périmètre d’intervention. Notamment en ajoutant de nouvelles classes d’actifs à vos expertises initiales. Où en êtes-vous de ces projets aujourd’hui ? On parle d’un fonds de dettes immobilières…
Mansour Khalifé – Le groupe MNK Partners a beaucoup évolué ces 5 dernières années. L’idée est effectivement aujourd’hui de diversifier nos sources de rendement en y ajoutant celui de la dette immobilière. Nous allons lancer très prochainement un nouveau fonds – toujours adressé à une clientèle professionnelle – qui sera investi dans la dette immobilière. Nous réfléchissons par ailleurs à d’autres thématiques. Le résidentiel nous paraît une classe d’actifs assez intéressante. Elle est très résiliente et un peu contracyclique, compte tenu de la pression démographique. Ces développements seront en tout cas menés dans une logique ESG. Notre volonté est d’ailleurs, dans les prochains mois, d’obtenir le label ISR pour nos fonds.
Vous évoquez le sujet ISR. Je voudrais plutôt revenir sur le marché « retail ». N’êtes-vous pas tenté, compte tenu de son dynamisme, de vous adresser également au grand public ?
Mansour Khalifé – Un investisseur reste un investisseur, quelle que soit sa capacité d’investissement. Le patrimoine d’un être humain est toujours le fruit d’une histoire. Mais faire du « retail » avec des fonds professionnels, c’est compliqué. La réglementation est assez complexe. Nous avons néanmoins avancé sur ces sujets en partenariat avec des assureurs luxembourgeois. L’idée est de « retailiser » notre approche via des « FIC », des Fonds Internes Collectifs. Nous venons d’en lancer un, qui permettra, à partir de 5 000 € de souscription, de prendre position sur ce que nous appelons l’immobilier technologique. C’est-à-dire des tours 5G, des datas centers, ou de l’e-commerce. Ce FIC a en effet vocation à investir dans des foncières cotées très spécifiques. Telles, par exemple, American Tower ou Cellnex Telecom.
L’immobilier technique, c’est une brique à privilégier dans une allocation immobilière aujourd’hui ?
Mansour Khalifé – Je dirais qu’il s’agit surtout de faire du private equity avec de l’immobilier. Le private equity, c’est parfois le risque de tout perdre du jour au lendemain. Le private equity immobilier vous assure d’une certaine pérennité capitalistique. Tout en générant du rendement…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
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A propos de MNK Partners(i)
Basé à Luxembourg, le groupe MNK Partners est un acteur spécialisé dans les investissements immobiliers paneuropéens à fort potentiel de valorisation à destination d’une clientèle professionnelle française et internationale. Créé en 2017 par Mansour Khalifé, le groupe MNK Partners se positionne comme l’un des acteurs de référence dans le monde des fonds immobiliers professionnels paneuropéens. Le groupe structure et gère via sa société de gestion parisienne MNK Partners France, des solutions d’investissement en gestion collective (private equity immobilier) et en mandats de gestion privée immobilière (fonds dédiés, club deals…). Le groupe compte 18 collaborateurs présents dans les 3 bureaux européens (Paris, Luxembourg et Varsovie) et intervient sur près de 400 M€ d’encours, dont environ 300 M€ sous gestion.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société