Pour Laurent Gauville, directeur général de Gestion 21 et cogestionnaire du fonds Immobilier 21[1], l’immobilier coté est peut-être à l’aube d’une nouvelle période. Haussière, cette fois. Il est l’invité des acteurs de la pierre-papier. Podcast.
Avant de parler de l’immobilier lui-même, un petit point, à date, sur les performances des foncières cotées en Bourse. En septembre dernier, le segment était positif. Avec la correction des marchés, il est entré de nouveau en territoire négatif…
Laurent Gauville – Effectivement, au 30 septembre, l’indice des foncières était positif. Aujourd’hui[2], il est négatif d’environ 10%. Notre fonds est à -5%. Mais, pour remettre les choses dans une perspective de plus long terme, et comprendre l’évolution historique de ce secteur, je rappelle que celui-ci a connu une décennie très favorable sur la période 1998-2007. La performance des foncières cotées était alors très supérieure à celle de l’immobilier physique. La période suivante, 2007-2023, à l’inverse, a été très positive pour l’immobilier non coté. Et notamment pour les SCPI, qui ont connu un véritable âge d’or. Notre opinion, c’est qu’une autre période de l’histoire est en train de s’ouvrir. Avec, nous l’espérons, des perspectives très favorables pour l’immobilier coté.
Quid de l’état du marché des sous-jacents immobiliers ? Leur correction a débuté fin 2022, la baisse s’est accentuée au 1er semestre 2023. Notamment sur le segment des bureaux… Qu’en est-il aujourd’hui ? Et quelle est votre vision de leur devenir ?
Laurent Gauville – Sur l’immobilier coté, le niveau de la correction diffère selon les typologies d’actifs. Les centres commerciaux, par exemple, avaient pâti de la période Covid. La valeur de ces actifs s’était donc déjà dépréciée en 2020. Les baisses à venir seront-elles aussi différenciées selon les segments de marché. On peut penser que, sur le commerce que je viens d’évoquer, ou sur la logistique, le point bas des valorisations n’est pas loin d’avoir été atteint. Tout simplement parce que la hausse de leurs rendements a reconstitué la prime de risque. Nous sommes donc assez confiants pour ces deux secteurs. Dont la valorisation devrait se stabiliser en 2024. Sachant que, déjà, leurs valeurs ne s’étaient que très légèrement dépréciées au 1er semestre 2023, avec des reculs de l’ordre de 1% à 2%.
Ce qui n’est pas le cas pour les actifs de bureaux…
Laurent Gauville – Sur les bureaux, c’est effectivement un peu plus compliqué. Mais, comme l’immobilier lui-même, le bureau est un mot « valise ». Que met-on derrière le mot bureau ? Un bureau en régions ? Un bureau en Ile-de-France ? Dans le quartier central des affaires ? Dans une capitale européenne ? Il y a effectivement un marché à deux vitesses. Celui des « QCA » se porte bien. Son indicateur clef est le taux d’occupation. Ou son opposé, le taux de vacance. Ces indicateurs, chez les foncières cotées, sont excellents. Leur taux d’occupation est de l’ordre de 97%-98%. Leur taux de vacance, sur le marché physique, de l’ordre de 2%-3%. Pour le bureau « périphérique », c’est plus complexe. Les taux d’occupation sont autour de 85%-90%. Et les taux de vacance un peu supérieurs à 10%…
Comment cette baisse des valeurs s’est-elle répercutée dans le bilan des foncières ? Ou dans leurs valorisation ?
Laurent Gauville – C’est d’abord « mathématique ». Les campagnes d’expertises -semestrielles- réévaluent les actifs. Et un certain nombre d’indicateurs qui en découlent. Comme la décote, qui permet de juger le niveau de valorisation -boursière- comparé à la valorisation d’expertise. Ou le « loan to value », c’est-à-dire le ratio comparant le niveau de dette à la valeur du patrimoine.
Pour les foncières qui sont principalement exposées au secteur des bureaux, de quel ordre sont les dépréciations constatées ?
Laurent Gauville – Dans l’immobilier coté, les bureaux sont très « quartier central des affaires ». Pour des acteurs comme par exemple Foncière Lyonnaise, Gecina, Colonial, les actifs sont essentiellement situés au cœur des centres-villes des métropoles européennes. Donc, pour ce type de foncières -qui sont au cœur de la proposition de l’immobilier coté- les baisses de valeurs d’actifs sont très modérées. Il y a bien sûr quelques contre-exemples, avec des foncières positionnées sur des actifs en périphérie. Avec, donc, des taux d’occupation plus proches de 87%-88%..
Conséquences en termes de valorisation ?
Laurent Gauville – On retrouve cette dichotomie en termes de valorisation. Les bureaux prime résistent assez bien. Du fait de leur faible taux de vacance -ou de leur fort taux d’occupation-, ils sont en effet en mesure de répercuter l’indexation. L’indexation, c’est un peu le papier buvard de la hausse des taux. Car elle absorbe une partie de la hausse des taux…
L’indexation, elle fonctionne vraiment ?
Laurent Gauville – Elle fait plus que fonctionner, aujourd’hui en tout cas. Les publications des premier et second trimestres, puis les premières publications du 3e trimestre, attestent d’un effet de l’indexation qui pousse les croissances organiques dans des zones de +6%, +7%, +8%, en fonction des typologies d’actifs. Alors, oui, l’indexation fonctionne très bien.
Que dire des foncières cotées : activité relativement saine ? Ou en crise, du fait des dévalorisations immobilières ?
Laurent Gauville – En fait, il y a deux « clubs » : les foncières qui sont impactées. Et les autres. Celles qui affichent des taux d’occupation élevés sont en mesure, comme je viens de le rappeler, d’appliquer les indexations. Les actifs qu’elles détiennent ne subissent donc que très peu de dépréciations. Tant d’ailleurs, en termes de cash-flow que de valeurs d’actifs. Celles, à l’inverse, qui sont détentrices d’actifs vacants, ne sont pas en mesure d’augmenter les loyers. Pas de locataire, pas d’indexation… Ce qui pèse fortement sur la valeur des actifs détenus. C’est la raison pour laquelle nous sommes très pessimistes sur le segment des bureaux périphériques. Qui ne représentent d’ailleurs qu’une part anecdotique de nos portefeuilles.
Et pour les autres secteurs ?
Laurent Gauville – Les dossiers qui n’ont pas de sujet d’endettement vivent sereinement. Cela recouvre essentiellement le segment du retail. A l’opposé, pour certaines autres foncières, notamment les foncières investies en actifs résidentiels, le niveau de l’endettement est un vrai sujet. Qui les oblige à vendre. Or aujourd’hui, on le sait, les ventes sont compliquées. Car le marché attend des repères, notamment l’éventuelle stabilisation des taux d’intérêt, pour retrouver une certaine liquidité.
Sur ce sujet de la liquidité, celle des SCPI est aujourd’hui d’actualité. Hors antenne, vous me confiiez qu’il résultait en partie d’un excès de collecte, donc d’achats…
Laurent Gauville – Si j’ai plus de 25 ans d’expérience en matière d’immobilier coté, je ne suis pas pour autant enclin à livrer des billets d’humeur sur l’immobilier non coté. Ceci étant dit, le sujet des SCPI est intéressant, en termes de réflexion. Et pour certains types de SCPI, il y a matière à questionnement. Vue de « l’extérieur », la question résulte du constat suivant. D’un côté, un marché immobilier physique, alimenté par les promoteurs, qui progresse d’environ 1% à 2% par an. De l’autre, le marché des SCPI. Ces dernières sont passées d’un encours d’environ 15 Md€, il y a 15 ans, à près de 100 Md€ aujourd’hui. Leur « stock » d’immobilier a donc, grosso modo, été multiplié par 6 sur cette période.
Et, donc…
Laurent Gauville – Cette emprise croissante sur le marché peut expliquer, qu’à un moment donné, ces acteurs puissent se retrouver dans un corner de liquidité… Voilà un sujet de réflexion pour le futur.
Parlons maintenant du fonds Immobilier 21. Si je vous ai bien compris, on est peut-être à l’aube d’une période plus favorable à l’immobilier coté. Que proposez-vous aux souscripteurs de ce fonds ? Quelles sont ses perspectives de croissance ou de performance ? Sa stratégie ? Ses principales positions ?
Laurent Gauville – D’abord un mot pour nos clients. Nous leur demandons d’être patients. Cela fait plusieurs années que le secteur de l’immobilier coté affiche des performances négatives. Que le secteur est compliqué. Mais nous avons le sentiment qu’aujourd’hui, compte tenu du niveau de valorisation, du niveau de décote -de -50%-, nous ne sommes pas loin du bout du tunnel. Cette situation ressemble à ce que nous avions connu en 2008-2009. Ceux qui avaient alors été patients ont été récompensés. Quant à ceux qui n’ont pas encore investis, je leur dirais que c’est un moment exceptionnel pour entrer sur un secteur qui affiche un tel niveau de décote. Un secteur qui affiche d’excellentes performances économiques. Mais, pour l’heure, de très mauvaises performances boursières. Or, l’économique et le boursier finissent toujours par se rejoindre… C’est donc un secteur à regarder.
Mais quelles classes d’actifs en particulier ? Le commerce ? Pas le bureau, j’imagine ?
Laurent Gauville – Dans le portefeuille d’Immobilier 21, le commerce retail occupe effectivement une part prépondérante. La logistique est également très présente. Mais avec une approche plus sélective, compte tenu de la valorisation de ce secteur. Immobilier 21 est aussi positionnée sur le résidentiel allemand et le secteur santé. Le bureau « périphérique » y occupe une place très marginale.
Une foncière à citer ?
Laurent Gauville – Le portefeuille d’Immobilier 21. Car c’est la plus belle des foncières. Parce qu’elle bénéficie de l’effet portefeuille, précisément, un effet auquel nous croyons beaucoup chez Gestion 21
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A propos de Gestion 21(i)
Gestion 21 est une société de gestion indépendante créée en 2007. Son métier consiste à gérer des actions à long terme pour le compte d’investisseurs via des OPC ou des mandats institutionnels. Elle propose son expertise sur deux classes d’actifs : les actions françaises et les foncières cotées de la zone euro. Forte de l’expérience accumulée par ses gérants-fondateurs depuis plus de 20 ans, de ses travaux de recherche appliqués, du suivi approfondi et des rencontres avec les entreprises, l’équipe de gestion travaille avec patience et rigueur dans le but de réaliser des investissements profitables à long terme.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Le fonds Immobilier 21 supporte un risque en capital, un risque Action et un risque lié à la gestion discrétionnaire. Veuillez-vous référer au prospectus et au document d’informations clés pour l’investisseur avant de prendre toute décision finale d’investissement.
[2] Entretien mené le 24 octobre 2023.