Agnieszka Miloud, directrice commerciale d’Extendam, l’un des leaders européens du private equity dédié à l’accompagnement des acteurs de l’hôtellerie en Europe, expose les atouts de sa classe d’actifs de prédilection. Interview.
Parlons de votre classe d’actifs de prédilection, l’hôtellerie. Elle monte régulièrement en puissance dans les allocations des investisseurs, notamment depuis la période post-covid et le retournement des marchés immobiliers. Pourquoi est-elle aujourd’hui si attractive ?
Agnieszka Miloud – Parce que l’hôtellerie est une classe d’actifs qui s’affranchit des cycles économiques. Il faut savoir, qu’historiquement, les profits hôteliers ont toujours progressé plus vite que l’inflation. Et plus vite que le PIB. C’est une flexibilité unique que les autres classes d’actifs immobiliers n’ont pas. Les opérateurs hôteliers s’appuient sur ce qu’on appelle le yield management[1]. Autrement dit, ils ont la possibilité d’ajuster leurs tarifs en temps réel, au jour le jour. C’est-à-dire en fonction de la demande, de la concurrence, de la saisonnalité… Ce qui leur permet de répercuter dans le prix moyen des chambres les hausses de coûts qu’ils peuvent subir. Qu’il s’agisse du coût des matières premières, ou des charges de personnels. Il s’agit donc d’une activité qui est extrêmement pricing power. Qui permet de se défendre contre l’inflation. Et qui performe même en temps de crise, ou de ralentissement économique.
Le secteur hôtelier bénéficierait aussi d’un autre facteur : une offre en hébergement structurellement déficitaire. En France, mais aussi en Europe. Est-ce effectivement le cas ? Et quels chiffres attestent de cette réalité ?
Agnieszka Miloud – Il existe effectivement un déficit de chambres d’hôtels. Avec, en face, une demande d’hébergement qui croît plus vite que l’offre. D’ailleurs, cette demande n’a jamais été satisfaite par l’offre. De fait, aujourd’hui, il n’y pas assez d’hôtels. Ni en France. Ni d’ailleurs en Europe. Ce déficit est en outre dorénavant « soutenu », si l’on peut dire, par les différents PLU[2] bioclimatiques. Lesquels limitent les possibilités de construction de nouvelles chambres d’hôtels en Europe. Ou par d’autres réglementations, comme par exemple le décret zéro artificialisation des sols, qui interdit aux acteurs – comme Extendam – ou aux promoteurs de monter de nouveaux projets hôteliers sur des sols qui sont « vierges ».
La conséquence de ce déficit d’offres, c’est donc un taux d’occupation systématiquement très élevé ?
Agnieszka Miloud – C’est exactement cela. Ce déficit va toujours jouer en faveur d’un taux d’occupation élevé. En Europe, par exemple, les taux d’occupation ont été parmi les plus élevés au niveau mondial, en 2023, et en 2024 également. Ils sont souvent supérieurs à 70%. Avec des pics encore plus élevés dans les grandes métropoles. Comme par exemple Paris, Londres, ou Amsterdam. Où il n’est pas rare que les taux d’occupation atteignent des niveaux de 80% ou de 90%.
Mais qu’en est-il en termes de transactions et de valorisation ? Car les marchés immobiliers, on le sait, ont dans leur ensemble baissé depuis 2022, sous l’effet de la remontée des taux d’intérêt. Le segment des actifs hôteliers a-t-il lui aussi subi cette baisse des volumes et des prix ?
Agnieszka Miloud – Il faut d’abord souligner que la classe d’actifs hôtelière ne réagit absolument pas de la même manière que l’immobilier dans son ensemble. Déjà, le marché des transactions est un marché dynamique. On a enregistré un volume de 17 Md€ de transactions en 2023. Et déjà 12 Md€ sur le premier semestre 2024. Les volumes n’ont donc pas baissé. Toutefois, ce niveau de transactions n’est pas en mesure de progresser plus significativement. Parce qu’il n’y a pas assez d’actifs hôteliers. Donc pas assez de transactions. Et ce d’autant plus que les propriétaires qui mettent en vente des hôtels sont finalement assez peu nombreux…
Mais les prix, eux, ont-ils baissé ? monté ? Et avec quelles conséquences sur les rendements de la classe d’actifs hôtelière ?
Agnieszka Miloud – Les valorisations des actifs hôteliers sont restées stables. Ni hausse, ni baisse donc. Cela s’explique notamment par le facteur des performances opérationnelles. Les résultats opérationnels des actifs hôteliers, que l’on mesure par le RevPAR[3], le taux d’occupation, ou autres, sont aujourd’hui très solides. Ils protègent donc les valeurs des actifs hôteliers. Et limitent aussi les marges de fluctuations des valorisations.
Sur ce type de marché, où donc le nombre d’actifs à échanger est potentiellement assez limité, j’imagine que le principal défi, pour un investisseur, est sa capacité à sourcer des opérations. Et à les conclure…
Agnieszka Miloud – Parfaitement. Le nerf de la guerre, c’est effectivement le deal-flow. Et, de préférence, le deal-flow propriétaire. Ce qui est l’une des forces d’Extendam. Je rappelle qu’aujourd’hui 88% de nos acquisitions sont réalisées off-market. Tous les opérateurs ne sont pas en mesure d’afficher un tel ratio. L’autre difficulté opérationnelle, c’est la capacité à porter les acquisitions hôtelières jusqu’à leur terme. C’est-à-dire la capacité d’obtenir des financements bancaires.
Précisément, quelle est aujourd’hui l’attitude des banques sur ce segment de marché ?
Agnieszka Miloud – Les banques sont devenues très exigeantes. Les comités de risque écartent des projets jugés trop volontaristes. Ou dont les business plan sont jugés trop optimistes. Les banques favorisent de fait plutôt les projets les plus prudents. Et les projets qui sont alignés sur des critères plutôt sociétaux. Elles jouent donc en quelque sorte un peu un rôle de garde-fous aujourd’hui dans le monde hôtelier…
Propos recueillis le 12 décembre 2024
Lire aussi
- « L’hôtellerie, en France, va rapidement devenir une classe d’actifs « classique »
- Actifs hôteliers : le marché français fait mieux que résister
- Extendam lance un FPCI dédié à la transformation des actifs hôteliers
A propos d’EXTENDAM(i)
Avec un portefeuille de 360 hôtels et de 28 000 chambres en France et en Europe, représentant une valeur d’actifs bruts de 4,5 milliards d’euros au 31 décembre 2024, EXTENDAM est le leader français du capital investissement dédié à l’hôtellerie économique et milieu de gamme en Europe.
(i ) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Le yield management — de l’anglais yield, « rendement » — est un système de gestion tarifaire des capacités disponibles telles des chambres en hôtellerie ou des sièges dans le transport aérien et ferroviaire, qui a pour objectif l’optimisation du remplissage et du chiffre d’affaires. Plus précisément, il s’agit d’une « pratique commerciale qui consiste à faire varier les prix en fonction du comportement de la demande des consommateurs »
[2] Plan local d’urbanisme.
[3] RevPAR, ou Revenue Per Available Room, est le revenu moyen par chambre disponible sur une période donnée.