Jean-Pierre Quatrhomme, directeur général d’Immovalor Gestion, analyse le marché de l’immobilier résidentiel, devenu l’un des secteurs de prédilection des investisseurs institutionnels. Il annonce par ailleurs la labellisation prochaine de la SCPI de bureaux Allianz Pierre. Il est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ».
Avant de parler du secteur résidentiel, notre sujet du jour, une rapide présentation d’Immovalor Gestion…
Jean-Pierre Quatrhomme – Immovalor Gestion est effectivement un acteur « historique ». Elle dispose de plus de 40 ans d’expérience dans la gestion d’actifs immobiliers. Elle est en outre la filiale d’un grand groupe d’assurance – le groupe Allianz- . Et se positionne comme une société de gestion généraliste, puisque nous gérons des actifs de bureaux, des actifs de commerce, et des actifs résidentiels. Nous avons même un OPCI spécialisé sur le secteur des résidences seniors. J’ajoute enfin que nous avons recours à toutes les formes de gestion, SCPI, OPCI et SCI…
Et votre encours sous gestion est de l’ordre de 5 milliards d’euros…
Jean-Pierre Quatrhomme – Tout à fait !
Passons au sujet du résidentiel. C’est l’un de vos secteurs d’intervention historique. Ce secteur a été, à une époque, « délaissé » par les investisseurs institutionnels. Lesquels, depuis quelques années, y sont revenus massivement. Une tendance qui s’est accentuée avec la crise sanitaire. Au premier semestre 2021, ils y ont investi plus de 4 Md€. Ce phénomène va-t-il perdurer, selon vous ?
Jean-Pierre Quatrhomme – C’est effectivement un secteur qui a prouvé sa forte résilience pendant la crise sanitaire. Et c’est un secteur très dynamique. A la fois, comme vous le rappeliez, en raison de l’intérêt que lui portent les institutionnels. Mais aussi en raison de son attrait historique pour les particuliers. 2021 devrait d’ailleurs être une année historique, à la fois en termes de transactions et de performances. Si les institutionnels reviennent sur ce marché qu’ils avaient effectivement délaissé, c’est probablement à cause de la compression des taux que l’on peut observer sur d’autres secteurs, celui des bureaux en particulier. A Paris, actuellement, un immeuble de bureaux se négocie à un taux de rendement inférieur à 3%. Le secteur résidentiel, lui, grâce à sa diversité -logements classiques, résidences gérées, co-living…-, ouvre des perspectives plus intéressantes. Et avec des capacités locatives « visibles ».
C’est aussi un secteur plus complexe…
Jean-Pierre Quatrhomme – Oui, parce qu’il suppose de fortes connaissances, en particulier le marché français. C’est un marché de territoires. Il faut donc bien connaître chacun de ces territoires avant d’y investir. Le secteur se caractérise également par une réglementation particulière, très protectrice pour les locataires. Maîtriser tous ces éléments est indispensable si l’on veut s’intéresser à ce marché…
Il s’agit également d’un marché en devenir, puisqu’environ 45% des investissements constatés s’orientent vers des programmes neufs…
Jean-Pierre Quatrhomme – Effectivement. Même si, depuis deux ans, la construction connaît un certain ralentissement. Ce qui pose d’ailleurs un certain nombre de questions, quant à la capacité de trouver de nouveaux fonciers. Ou d’obtenir des permis de construire… Cela reste toutefois un marché du neuf. Sachant, néanmoins, que l’ancien intéresse également les institutionnels. Nous venons, par exemple, de conclure un accord pour vendre en bloc le portefeuille d’une SCPI résidentielle -d’une capitalisation d’environ 200 M€- à un investisseur institutionnel.
Vous parlez de ventes en bloc. Il paraît qu’actuellement la valeur d’un immeuble vendu d’un seul tenant est quasiment la même que celle résultant de ventes appartement par appartement. Vous confirmez ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Tout à fait. Traditionnellement, on considérait qu’une vente en bloc conduisait à une décote de l’ordre de 10% à 15%. Du fait de l’occupation, et du fait de la vente en bloc. Cette décote a aujourd’hui totalement disparu. Ce phénomène est probablement lié à la rareté des offres disponibles. Ce qui place les vendeurs dans une situation plutôt intéressante…
Vous évoquiez la compression des taux de rendement sur le bureau. Quid des taux sur le résidentiel ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Sur les résidences gérées, le taux prime est légèrement inférieur à 4%. Sur le résidentiel classique, on est aux alentours de 2,7% en moyenne.
Le résidentiel, c’est donc à la fois d’actualité et dans votre actualité. Acteur historique des SCPI fiscales, vous avez lancé en juin dernier une SCPI résidentielle non fiscale, « Allianz Home ». Pouvez-vous nous rappeler son positionnement ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Son crédo, c’est effectivement d’investir dans le résidentiel, dans toutes les grandes métropoles françaises, mais également européennes. Et sur les différentes classes d’actifs que j’évoquais précédemment. C’est-à-dire le résidentiel pur, le résidentiel géré, le co-living… Son atout, par rapport aux SCPI fiscales, c’est de pouvoir investir dans le résidentiel de façon durable. Et de ne pas être limitée, en termes de durée, ce qui est la contrainte des SCPI fiscales. Allianz Home est une SCPI que l’on a souhaité rendre accessible, avec un ticket d’entrée à 2 000 €. Tout en offrant la possibilité d’y souscrire à crédit, à partir de 20 000 €.
Où en êtes-vous aujourd’hui en termes de collecte ? Et d’investissements ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Nous avons lancé la SCPI en juin dernier. La collecte est donc en cours. Nous espérons arriver rapidement au rythme de croisière souhaité. Par ailleurs, nous avons déjà ciblé des opportunités d’investissement. Nous avons notamment un projet, que nous espérons finaliser avant la fin de l’année, sur un ensemble immobilier en proche région parisienne. Il s’agit d’un actif résidentiel occupé, dont la rentabilité serait de l’ordre de 3,7%.
On l’a dit précédemment, ce marché est de plus en plus concurrentiel. Eprouvez-vous des difficultés à cibler des actifs attractifs ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Il y a effectivement une forte demande. Mais Immovalor Gestion, vous l’avez rappelé, est un acteur historique sur le secteur résidentiel. Ce qui nous permet de bénéficier de contacts privilégiés. Et donc de pouvoir agir avec plus de facilité. En outre, comme il s’agit de la phase de démarrage, la taille unitaire de nos investissements est peu élevée, inférieure à 10 M€, afin de diversifier au maximum notre portefeuille en cours de constitution. Or ce marché est moins travaillé, donc moins concurrentiel.
Passons au secteur du bureau. Vous gérez également une SCPI spécialisée sur ce créneau, Allianz Pierre, qui figure d’ailleurs aussi parmi les véhicules historiquement présents sur cette classe d’actifs. Comment se comporte-t-elle aujourd’hui ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Plutôt bien… Il s’agit, il est vrai, d’une SCPI dont le patrimoine est essentiellement situé en région parisienne et à Paris. Son taux d’occupation est supérieur à 91%, ce qui est plutôt satisfaisant. L’analyse du comportement des locataires d’Allianz Pierre durant la crise sanitaire atteste de la résilience de notre SCPI. Le taux de réduction ou de remise des loyers ne représente, au titre de 2020 et 2021, qu’un pourcent de ses revenus annuels. Ses locataires sont donc particulièrement résistants…
Les chiffres de la collecte des SCPI au 3e trimestre viennent d’être calculés par l’ASPIM-IEIF. Sur 1,5 Md€ environ collectés, les SCPI bureaux se taillent une nouvelle fois la part du lion. Quid d’Allianz Pierre ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Allianz Pierre affiche une collecte raisonnable, en phase avec ses scores historiques, c’est-à-dire de l’ordre d’une centaine de millions d’euros par an. Ce montant sera atteint en 2021, sachant qu’Allianz Pierre devrait délivrer un rendement (TDVM) supérieur à 4% cette année, quasi identique à celui de 2020 (4,04%).
Autre sujet : les sociétés civiles immobilières. En 2021, ces véhicules ont capté environ 31% de la collecte des fonds immobiliers non cotés. Immovalor Gestion en gère deux. Comment expliquez-vous cet engouement soudain pour les SCI ?
Jean-Pierre Quatrhomme – Ces véhicules servent de supports aux contrats en unités de compte des assureurs. Or, c’est le segment de l’assurance-vie qui s’est le plus développé ces dernières années, au détriment des fonds en euros. Les SC immobilières ont pour avantage de réduire la volatilité des allocations d’actifs. Car si, effectivement, l’immobilier n’est pas liquide, il est beaucoup moins volatil que les marchés actions. Donc, pour les assureurs, ce type de support est devenu incontournable. Nous gérons chez Immovalor Gestion deux SCI. Dont l’une capitalise quasiment 900 millions d’euros d’actifs aujourd’hui. L’avantage des SCI, c’est leur grande souplesse de gestion. Au sein de cette enveloppe, il est possible d’investir en immobilier physique. Mais aussi en immobilier coté. Ou dans d’autres véhicules immobiliers, tels que les SCPI et les OPCI. La SCI peut donc utiliser quasiment toutes les classes d’actifs immobilières.
Mais pourquoi cet appétit pour les SCI, alors que ce sont les OPCI qui sont censés remplir ce rôle d’UC immobilières au sein des contrats d’assurance-vie ?
Jean-Pierre Quatrhomme – La différence tient en fait à la composition des actifs. On observe d’ailleurs qu’au cours des deux dernières années les SCI ont affiché, dans l’ensemble, des performances légèrement supérieures à celles des OPCI. Parce que l’OPCI doit faire face à une contrainte spécifique, celle d’une poche de liquidité d’environ 40%, ce qui, dans une période de taux bas, s’avère compliquer à gérer.
Question « ESG ». Vous venez de lancer, on l’a dit, Allianz Home. Mais vous n’avez pas demandé sa labellisation ISR, ce que font actuellement la majorité des gestionnaires qui lancent de nouveaux produits ?
Jean-Pierre Quatrhomme – L’ESG est un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps, très longtemps même. Cela fait effectivement très longtemps que nous avons lancé le chantier de la certification environnementale -et numérique, via le label WiredScore- de nos actifs sous gestion. Nous avons d’ailleurs décidé de faire labelliser notre SCPI Allianz Pierre. Ce qui constitue un objectif très ambitieux compte tenu de la taille et de l’âge de son patrimoine. C’est un gros chantier, mais je suis convaincu que nous obtiendrons le label ISR pour Allianz Pierre d’ici la fin de l’année. L’immobilier est un acteur incontournable en matière d’ESG. Et c’est un sujet extrêmement important pour l’avenir. Il répond d’ailleurs aux attentes des épargnants.
Propos recueillis par Frédéric Tixier
Lire aussi
Allianz Home, une nouvelle SCPI dédiée au secteur résidentiel
Jean-Pierre Quatrhomme, Immovalor Gestion : « Investir en logements après la Covid… »
A propos d’Immovalor Gestion(i)
Créée en 1983, Immovalor Gestion est une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des marchés financiers, qui gère des SCPI pour le compte de 32 000 associés. C’est une filiale à 100% du groupe Allianz. Elle gère actuellement 5,1 milliards d’euros actifs (valeur brute estimée au 31/12/2020) représentant 1540 appartements résidentiels et 730 000 m2 d’immobilier d’entreprise. Au travers de 1 SCPI de bureaux, 8 SCPI fiscales, 4 SCI (société civile immobilière – dont 2 en unités de compte), et 5 OPPCI (organisme professionnel de placement collectif immobilier).
(i) Information extraite d’un document officiel de la société