Le président de l’ASPIM est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Il revient sur les différentes propositions et réformes formulées ou mises en œuvre par l’association au cours des derniers mois en matière d’immobilier. Notamment celles adressées aux pouvoirs publics. Il détaille également les objectifs des nouveaux indicateurs de performance des SCPI. Interview.
L’ASPIM a multiplié ces derniers mois réformes, études et propositions. Elle a notamment publié en décembre dernier 11 propositions pour « l’investissement immobilier de demain ». Un livre blanc destiné à faire entendre la voix des gestionnaires d’actifs immobiliers dans le débat des élections présidentielles. Beaucoup de sujets sont abordés, notamment la thématique de fonds dédiés au logement. Mais quel est celui qui vous semble le plus impactant, en tout cas pour la profession immobilière ?
Jean-Marc Coly – Un petit rappel, d’abord, sur l’objectif de ces propositions. L’idée était évidemment de profiter de la période électorale pour essayer de défendre des projets porteurs pour l’immobilier. Nous voulions notamment sortir le secteur de son qualificatif de « rente », qui nous avait été assez néfaste en 2017. Tout en restant fiers de servir des dividendes à nos clients, nous voulions cette fois insister sur le côté sociétal de l’immobilier. Rappeler à quoi servent, pour la société, les fonds immobiliers que nous gérons. Si les entreprises travaillent, si les logisticiens peuvent livrer des marchandises, si les Français peuvent se loger, c’est bien parce que quelqu’un possède les bureaux, les commerces, les logements où ils travaillent, se ravitaillent, habitent… Ces propriétaires permettent de fait aux entreprises et aux particuliers d’affecter leurs flux financiers au développement de leurs activités. Les sujets que nous avons sélectionnés et mis en avant sont en phase avec ce versant sociétal de l’immobilier.
Dont celui du logement « abordable »…
Jean-Marc Coly – Il est clair que l’on manque, en France, de logements de qualité à un prix abordable. Et qu’il n’y a quasiment aucun grand fonds qui soit un fonds de logements. A l’exception, peut-être, d’une foncière cotée en particulier… Le fonds logement, cela ne fonctionne pas en France. Alors que l’on en aurait besoin. A condition, bien sûr, que ces fonds logements ne conduisent pas à faire augmenter les prix des habitations et les loyers. C’est la raison pour laquelle il faut construire ces fonds dans la durée. Et pas avec des mesures « temporaires », telles que par exemple le Pinel. Si l’on veut que ces fonds durent longtemps, il faut en outre qu’ils soient performants. Et liquides.
Cela passe toutefois bien par des mesures fiscales et réglementaires…
Jean-Marc Coly – Des mesures fiscales, oui, mais de long terme. L’une de celles que nous proposons, c’est d’offrir à l’immobilier d’habitation le même traitement que l’immobilier commercial. Je veux parler de la récupération de la TVA. Cela permettrait l’application d’une TVA réduite sur les loyers. Et la réduction des coûts de gestion. Il serait alors possible – et c’est l’engagement que nous prenons en contrepartie de cette mesure -, de réduire les loyers d’environ 10% (par rapport aux loyers du marché). C’est donc une mesure non inflationniste. Nous estimons que ces fonds logements sont en mesure de collecter plusieurs milliards d’euros chaque année. Et donc de construire, ou de mettre sur le marché, entre 10 000 et 11 000 logements tous les ans. Pour un coût sans doute inférieur à celui du Pinel…
Un dispositif très critiqué par les censeurs budgétaires…
Jean-Marc Coly – Nous estimons que la mesure que nous proposons conduirait à une dépense fiscale de 30% à 35% moins élevée que celle du Pinel. Ce qui ne veut pas dire que les deux dispositifs ne peuvent pas coexister. Mais le fait de proposer que l’immobilier d’habitation soit géré par des institutionnels engagés dans la recherche de loyers plus abordables nous semble une mesure particulièrement constructive.
J’invite d’ailleurs auditeurs et lecteurs à consulter l’intégralité du rapport que vous consacrez à ces fonds logements. Il y a une autre mesure sur laquelle j’aimerais revenir. Vous proposez que l’Etat finance, via un amortissement fiscal, une partie du coût de la rénovation énergétique des bâtiments. Est-ce budgétairement acceptable ?
Jean-Marc Coly – Ecologiquement, sans doute. Budgétairement, il va falloir discuter… On connaît depuis longtemps (au moins depuis 2007 et le Grenelle de l’Environnement) l’impact environnemental de l’immobilier. Et son bilan énergétique. L’industrie immobilière fait des efforts. Et sait qu’elle peut continuer à en faire tant que ces efforts s’inscrivent dans les plannings « normaux » d’entretien ou de restructuration des immeubles. Ces efforts ont été accomplis sans contrepartie fiscale particulière. Mais s’il s’agit maintenant non seulement de poursuivre ces efforts, mais de les accélérer, cela n’entre plus dans le cadre d’un process normal d’entretien. Pour compenser, au moins en partie, ces dépenses supplémentaires, nous demandons que ces travaux puissent être amortis fiscalement sur une durée de 3 à 5 ans, au bénéfice des épargnants qui investissent dans des fonds qui engagent des travaux de rénovation énergétique.
L’équivalent de MaPrimeRénov’, mais indirecte, en quelque sorte…
Jean-Marc Coly – Parfaitement. Quand un particulier procède à des rénovations, il peut prétendre à cette prime. Là, il en bénéficierait indirectement, s’il souscrit des parts d’un fonds qui agit de même. Cette mesure permettrait à l’industrie immobilière d’accélérer encore plus rapidement la mutation écologique des actifs immobiliers.
Parmi les autres mesures proposées, vous plaidez pour une amélioration de la compétitivité internationale des fonds immobiliers français. En quoi sont-ils défavorisés par rapport à leurs concurrents ?
Jean-Marc Coly – Ils ne sont pas à proprement parler défavorisés. Mais ils sont entravés dans leur développement en raison de la fragmentation des marchés immobiliers européens. Les investisseurs allemands achètent – majoritairement – de l’immobilier allemand. Les investisseurs français achètent -majoritairement – de l’immobilier français. Parce que, à la différence des marchés des valeurs mobilières, les marchés immobiliers européens – leurs réglementations tout du moins – ne sont pas harmonisés. Ce que nous souhaitons, c’est que les conditions réglementaires permettent l’émergence de gérants français d’actifs immobiliers au niveau européen. A l’instar de ce que l’on a pu connaître pour les gestionnaires d’actifs financiers. Le premier gérant de valeurs mobilières européen est, je le rappelle, un gérant français…
L’idée est donc de favoriser la montée en puissance des acteurs français en Europe ?
Jean-Marc Coly – La France dispose aussi d’un réel pôle de compétitivité en matière de produits immobiliers, cotés ou non cotés. Ce que nous demandons, c’est que les gérants d’actifs immobiliers français puissent plus facilement exporter leurs produits vers les autres pays européens. Avant que ce ne soient d’autres acteurs qui viennent vendre leurs propres produits sur le marché français…
Autre sujet d’importance, en tout cas pour ceux qui sont détenteurs de SCPI : l’évolution des indicateurs de performance de ces véhicules. L’ASPIM acte notamment la fin du TDVM – un indicateur effectivement un peu complexe – et le remplace par le plus simple « taux de distribution ». Mais avant d’entrer dans le détail, comment résumer l’essentiel de cette réforme ? Et ses principaux objectifs ?
Jean-Marc Coly – Le premier objectif de cette réforme, c’est de tenir compte, dans ces indicateurs de performance, de l’évolution des métiers de la gestion de fonds immobiliers. On investit aujourd’hui plus à l’étranger. On prend un peu plus de risque. On restructure… Tout cela méritait d’avoir des indicateurs un peu plus précis. Et qui retracent cette diversité des gestions. Le deuxième objectif, c’est évidemment d’ajuster les indicateurs de performance des produits immobiliers aux attentes de ceux qui y investissent…
Plus de simplicité, donc…
Jean-Marc Coly – Oui, plus en adéquation avec leurs attentes. Le troisième objectif, enfin, est d’assurer davantage de comparabilité et de transparence. Afin que l’on puisse comparer, sur la base d’indicateurs communs, tous les véhicules investis en immobilier, que ce soient les SCPI, les OPCI ou les unités de compte immobilières des contrats d’assurance-vie.
Quel sera, à l’avenir, le principal indicateur de performance des SCPI ? Le taux de distribution ? Le rendement global immobilier ? Autrement dit, lequel va s’imposer en lieu et place du TDVM ?
Jean-Marc Coly – J’aime bien le rendement global immobilier[1]. Il correspond bien à ce que les porteurs de parts viennent chercher. Quand on investit dans l’immobilier, on attend deux choses : un rendement, et la revalorisation – ou la dévalorisation, parfois – de son patrimoine. C’est bien l’addition de ces deux composantes qui fait la performance du produit immobilier. Elles sont d’ailleurs présentes dans les indicateurs de performance des OPCI ou des unités de compte immobilière. Quand on parle de variation de la valeur liquidative, on parle bien de l’addition de ces deux composantes, rendement et capital. Ce n’était pas le cas pour les SCPI. Désormais, le rendement global immobilier va permettre aux investisseurs de mesurer la performance de leur placement en SCPI sur la base à la fois du rendement et de la valorisation de leur capital.
Le rendement moyen des SCPI en 2021 n’a pas encore été dévoilé (il le sera le 15 février prochain). Les chiffres de leurs collecte sont en revanche disponibles. 7,4 Md€. Bien supérieur au montant 2020 (6 Md€). Peut-on dire que les SCPI ont surmonté la crise sanitaire ?
Jean-Marc Coly – Elles ont surmonté la crise, tout en accompagnant leurs locataires en difficulté. Et elles ont surmonté la crise en continuant à distribuer des revenus aux porteurs de parts. Souvent grâce aux réserves qu’elles avaient accumulées. Elles ont aussi continué à collecter, même si la répartition de cette collecte a quelque peu évolué. Les SCPI bureaux restent majoritaires. Mais des secteurs plus spécifiques, comme la logistique et la santé, représentent aujourd’hui une part importante de la collecte. L’important est que le maintien des volumes ait préservé la liquidité des SCPI.
On observe aussi une montée en puissance des gestionnaires indépendants ou, plus exactement, une baisse de la part relative, en termes de collecte, des gestionnaires adossés à des réseaux bancaires…
Jean-Marc Coly – On n’a pas encore tous les chiffres à jour. Mais, oui, a priori, la collecte des réseaux bancaires est repartie un peu plus tardivement au cours de la crise sanitaire. Pourquoi ? Sans doute parce que les établissements bancaires se sont davantage préoccupés d’aider leurs clients entreprises que de relancer la collecte des produits immobiliers.
Autre tendance : la montée en puissance des unités de compte immobilières. Aux dépens, visiblement, des OPCI…
Jean-Marc Coly – Les unités de compte immobilières affichent de fait plus de 3 Md€ de collecte en 2021. Dont pratiquement un milliard sur la seule thématique du viager. Mais de là à dire qu’elles ont grignoté les OPCI, oui et non. Le chiffre de la collecte globale des OPCI masque des disparités très importantes. La collecte nette (900 M€ environ) est tirée vers le bas par un OPCI en particulier, qui a subi des rachats très importants. Quoique très relatifs par rapport à sa capitalisation. Si l’on exclut cet OPCI, la collecte nette résiduelle est en réalité très importante. Et va continuer à progresser. Car les OPCI ont effectivement été touchés par le syndrome, précisément, du rendement global immobilier. La dévalorisation du patrimoine – en raison de la baisse du cours des foncières cotées en 2020 – a joué en leur défaveur…
Vous évoquiez précédemment l’impact sociétal de l’immobilier. Le label ISR immobilier, mis en place il y a un peu plus d’un an, connaît un succès considérable. Il a conquis près de 30% du marché des fonds immobiliers. Mais des voix s’élèvent déjà, pour demander à ce que ce label soit encore plus qualitatif, qu’il mette davantage en exergue l’excellence des pratiques des gestionnaires. Certains prétendent même qu’il serait trop facile à obtenir…
Jean-Marc Coly – Ceux qui l’ont obtenu, je ne suis pas sûr qu’ils aient vraiment eu l’impression que leur parcours ait été facile…
Je confirme. Ils l’ont effectivement trouvé très compliqué…
Jean-Marc Coly – Très compliqué, en effet… Ce qui est vrai, c’est que le label rencontre un vrai succès. Il a conquis effectivement environ 30% du marché. Mais on n’est qu’au début du « challenge » ISR. Des engagements ont été pris. Il faudra les tenir. Et les mettre en œuvre au cours des trois prochaines années. Ce à quoi s’attellent aujourd’hui les sociétés de gestion d’actifs immobiliers. Tenir leurs engagements… Mesurer la performance énergétique de leurs immeubles… Ce qui est loin d’être simple, surtout lorsque l’on en possède beaucoup. L’ISR est donc devant nous…
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A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2020, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 250 milliards €.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société
[1] Le rendement global immobilier, nouvellement défini par l’ASPIM, est égal à l’addition du taux de distribution et de la variation de la valeur de réalisation de la part de la SCPI au cours de l’exercice.