Jean-François Chaury, directeur général d’Advenis REIM, est l’invité de l’émission « Les acteurs de la pierre-papier ». Il livre sa vision de l’état des marchés immobiliers européens. De l’impact d’un retour potentiel de l’inflation. Mais surtout de celui du « coût ESG » des nouvelles réglementations européennes. Et revient sur les perspectives de rendement des SCPI Eurovalys et Elialys…
Advenis REIM gère aujourd’hui environ 1 Md€ d’actifs immobiliers. Une grande partie de ces actifs sont localisés hors de France, notamment en Allemagne (via la SCPI Eurovalys) ou en Espagne (via la SCPI Elialys). Profitons donc de votre vision paneuropéenne des marchés immobiliers. Quel portrait peut-on en dresser aujourd’hui, pays par pays, classe d’actifs par classe d’actifs ?
Jean-Francois Chaury – Les marchés européens, après un exercice 2020 un peu « compliqué » – crise sanitaire oblige -, se comportent globalement bien. On note toutefois des dynamiques différentes selon les pays. L’Europe du Sud, par exemple, s’oriente vers une augmentation du volume des transactions. Il en va de même au Royaume-Uni. Ce sont des zones qui avaient payé un plus lourd tribut à la crise (sanitaire pour l’Europe du Sud, Brexit pour le Royaume-Uni), et se reprennent aujourd’hui. A l’inverse, ceux qui avaient le mieux résisté (Allemagne, France…) sont plus en retrait. Même si le 3T 2021 s’avère plus dynamique en termes de transactions…
Et les différentes classes d’actifs ?
Jean-Francois Chaury – Si l’on raisonne par classe d’actifs, il faut évidement évoquer les classes montantes que sont la logistique, la santé, le résidentiel. Elles bénéficient de leur aura « résilience ». Mais aussi de tendances de fonds. Comme la montée en puissance du e-commerce, et l’obligation de proximité envers les consommateurs, qui profitent au secteur logistique. A l’opposé, les secteurs commerces et hôtellerie/tourisme, ont subi de plein fouet la crise sanitaire.
Peut-on parler de « recovery » pour ces secteurs ?
Jean-Francois Chaury – Le tourisme bénéficie effectivement d’un rebond. Mais pas partout. Surtout en Europe du Sud. Parce que cette zone a davantage subi la crise sanitaire. C’est ce que l’on constate lors de chaque crise, ce phénomène d’accélération de tendances. On voit bien aujourd’hui que tous les acteurs reviennent sur les grands fondamentaux : l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement. Les bureaux, en centre-ville des grandes métropoles européennes, s’arrachent aujourd’hui. A contrario, les bureaux situés en périphérie, ou dans de plus petites villes, sont beaucoup moins prisés. Idem, même si c’est un peu plus complexe, pour le secteur logistique. Ou pour celui du commerce. Les investisseurs recherchent des actifs très centraux. Dont la valorisation ne cesse d’augmenter.
Le sujet aujourd’hui, c’est le retour de l’inflation. En Europe, et notamment en Allemagne. On sait déjà quel sera l’impact potentiel de ce phénomène, s’il perdure, sur la valorisation des actifs immobiliers ?
Jean-Francois Chaury – Le premier impact est l’augmentation, pour les investisseurs, du coût du crédit. Parce que, pour contrer le retour de l’inflation, les taux directeurs des banques centrales seront révisés à la hausse. Donc, ceux des crédits également. Cette augmentation aura pour effet de minimiser la capacité acheteuse des investisseurs. Ce qui pourra induire une baisse de la valeur des actifs, faute d’une demande solvable. A l’inverse, et c’est un point important pour ceux qui détiennent de l’immobilier, l’IRL (l’indice de révision des loyers) devrait lui aussi suivre cette mécanique d’inflation. Les loyers augmentant, le rendement des actifs en portefeuille va augmenter. L’inflation aurait donc un double effet. Mais il est encore trop tôt pour estimer le phénomène. Selon la plupart des économistes, ce retour de l’inflation serait conjoncturel, sur une période de 12 à 18 mois. Au-delà, ils anticipent un retour « à la normale »…
Plus précisément, compte tenu de vos propres analyses sur ces deux marchés, faut-il mieux aujourd’hui « jouer » l’immobilier en Allemagne ou en Espagne ?
Jean-Francois Chaury – Ce sont deux marchés qui ne fonctionnent pas de la même manière. Le marché allemand, situé dans première puissance économique européenne, est un marché plutôt sécuritaire. C’est aussi un marché très profond, le plus important en termes de transactions immobilières. Tout du moins en 2020. Pour donner quelques chiffres, il s’est échangé, ces deux dernières années, entre 60 et 80 milliards d’euros sur le marché allemand. Contre 20 à 30 milliards sur le marché français. Nous proposons d’investir sur le marché allemand à ceux de nos clients qui cherchent plutôt une régularité de leurs revenus dans la durée. Car c’est, je le répète, un marché relativement stable et décentralisé.
A l’inverse du marché espagnol, qui serait donc plus spéculatif ?
Jean-Francois Chaury – L’Espagne est un pays où, comme d’autres pays d’Europe du Sud – France comprise-, l’économie est moins forte. Ce qui conduit à davantage de volatilité du PIB. Durant la crise, la baisse d’activité a été très importante. A l’instar du rebond dont bénéficient ces économies aujourd’hui. Cette volatilité peut aussi être intéressante pour un investisseur. Il permet de trouver des opportunités en profitant des mouvements de marché…
Autre sujet d’actualité, l’ESG. Advenis REIM vient de publier sa feuille de route dans ce domaine. Mais, à la différence d’autres gestionnaires d’actifs, vous n’hésitez pas à dire que la prise en compte de ces critères va conduire à une baisse des rendements immobiliers. Vous pouvez nous expliquer pourquoi ?
Jean-Francois Chaury – C’est assez naturel. Dans le sens où les décrets tertiaires, en France par exemple, sont faits de telle manière que tous les acteurs de l’immobilier vont être dans l’obligation de réduire de 40% – dès 2030 – leur consommation énergétique, donc leur consommation de CO2. Ce qui signifie d’importants travaux de mise aux normes sur les immeubles inefficients d’un point de vue énergétique. Et les travaux, jusqu’à preuve du contraire, c’est un coût. Qui viendra s’imputer négativement sur les rendements immobiliers.
Ce « coût ESG » aura-t-il la même intensité partout en Europe ?
Jean-Francois Chaury – Chaque pays aura ses propres décrets d’application. En France, on a déjà le décret tertiaire. Qui est assez lisible. Et dont les décrets d’application seront prochainement publiés, au plus tard début 2022. Mais la réglementation – la taxinomie – est européenne. Il y aura donc uniformisation des ambitions et des volontés de tous les pouvoirs politiques pour aller dans le même sens. L’industrie immobilière est la 2e consommatrice de CO2après le transport. Son potentiel de « rectification » est donc très important. On considère qu’aujourd’hui, en Europe, près de 75% des immeubles sont inefficients d’un point de vue énergétique. Il y a donc un grand chantier à mener au niveau européen.
Passons au sujet SCPI. S’il y a baisse de la valeur des actifs immobiliers, en raison du coût de leur normalisation ESG, il y aura nécessairement baisse de la valeur des parts des SCPI. Cet impact sera-t-il sensible dès 2021 ? Ou s’étalera-t-il, ce qui semble logique, sur plusieurs années ?
Jean-Francois Chaury – En 2021, il n’y aura pas d’impact ESG. Les plans de travaux s’étalent effectivement sur les 10 prochaines années. En revanche, il peut y avoir un impact sur les immeubles les plus vertueux. Si leur statut permet d’augmenter les loyers, ces revenus complémentaires compenseront en partie le coût des travaux engagés. Les valorisations, d’une manière générale, vont progressivement prendre en compte le critère ESG. Les immeubles les plus inefficients vont perdre de la valeur. Les plus vertueux vont sans doute en gagner. Cela se fera progressivement. Mais à court terme, la hausse des valeurs est plutôt équitablement répartie.
Dans votre actualité produit, il y a le lancement d’une unité de compte immobilière il y a quelques mois. Où en êtes-vous en termes de collecte et d’investissement ?
Jean-Francois Chaury – Advenis Immo Capital est une SCI qui a pour objectif d’investir au niveau européen, et de se positionner sur différentes classes d’actifs. A la différence de nos SCPI, Eurovalys et Elialys, qui sont plus marqués géographiquement et sectoriellement. Advenis Immo Capital a un spectre d’investissement plus large. Son positionnement est aussi plus opportuniste. Elle a été lancée en juillet dernier. En fin d’année, elle devrait avoir collecté environ 7 M€, via les contrats d’assurance-vie dans lesquels elle est référencée. Avec une accélération prévue l’année prochaine.
Petit bilan pour les SCPI Eurovalys et Elialys. Que retenir de l’exercice 2021, en termes de collecte. Et de rendement ?
Jean-Francois Chaury – Sur la collecte et les investissements, nous sommes en ligne avec nos objectifs. Avec 180 à 200 M€ de collecte environ. Ce qui correspond plutôt à un bon millésime. En termes d’investissements, tout va se jouer en fin d’année. Plusieurs opérations doivent se déboucler prochainement. Soit en 2021, soit en 2022. Mais, dans tous les cas, nous sommes là aussi en ligne avec nos objectifs.
Et en termes de rendement ?
Jean-Francois Chaury – Elialys devrait connaître une légère progression. Parce qu’elle est encore en phase d’investissement. A l’inverse, les rendements d’Eurovalys pourraient subir une légère compression. Mais qui s’explique surtout en raison de l’augmentation du prix de ses parts à laquelle nous venons de procéder.
Et je crois savoir qu’elles seront l’une et l’autre prochainement labélisées ISR ?
Jean-Francois Chaury – Tout à fait. Nous sommes entrés dans la phase finale de leur labellisation. Qui devrait donc être annoncée, normalement, en début d’année prochaine.
Propos recueillis par Frédéric Tixier
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A propos d’Advenis REIM(i)
Advenis Real Estate Investment Management est la société de gestion qui gère les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) du groupe Advenis. Créée en 2017, et agréée auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) le 29 juin 2018 (n° GP 18000011), Advenis REIM conçoit et gère des Fonds Immobiliers Alternatifs (FIA) de type SCPI orientés autour de deux thématiques : l’investissement immobilier tertiaire européen destiné à une clientèle privée ou institutionnelle qui cherche à acquérir indirectement un patrimoine immobilier avec un rendement potentiel ; l’investissement immobilier résidentiel ancien destiné à une clientèle privée qui cherche à acquérir indirectement un patrimoine immobilier et à bénéficier sous conditions d’avantages fiscaux.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société