Aujourd’hui nous allons parler de smart city, en français ville intelligente, et je vais tenter de répondre à « la question qui tue ».
Il faut d’abord que je vous parle de Bertrand Jouvenot. C’est l’un des pionniers du digital en France. L’un de ses livres a été traduit en chinois, autant dire qu’il ne connaîtra jamais le nombre exact de ses lecteurs… Un autre de ses livres a été traduit en portugais : le Brésil aussi s’intéresse aux talents français.
Sur son blog évidemment très suivi, Bertrand Jouvenot a décidé de lancer une série d’interviews constituées d’une seule question, la fameuse « question qui tue » et il m’a contacté car il souhaite inaugurer sa série…avec l’immobilier.Voici la question : « quel sera le prix du mètre carré dans les smart cities ? »
Je trouve que c’est une très belle question, stimulante, qui appelle plusieurs réflexions.
- D’abord, le concept de smart city met l’accent sur les atouts du Big data, autrement dit l’obtention et l’exploitation de toutes les données possibles, afin d’optimiser les mille et une facettes d’une ville vivante : les dépenses énergétiques bien sûr, mais aussi les transports et plus généralement tous les services. La chasse au gaspi, celui des ressources pour la collectivité et celui du temps pour chacun. La recherche de la ville idéale !
Pour l’immobilier, cela signifie une évolution dont il faut prendre conscience. Jusqu’à présent, immobilier voulait dire immeuble. Mais la smart city, au fur et à mesure qu’elle va se concrétiser, va dissoudre une partie de la réalité et donc de la valeur d’un immeuble, dans le tissu des connexions, dans le quartier, dans la ville.
- Ensuite, la smart city ne peut pas être dissociée de la grande vague du digital, qui elle-même bouscule de toutes parts la forteresse immobilière. On voit déjà le co-working, on aperçoit le co-living, et l’on entend gronder la déferlante de l’usage contre la propriété. Il y avait loyer, il y aura de plus en plus rémunération de services toujours plus nombreux.
Si l’économie de l’usage prend le pas sur l’acte d’achat, si le loyer se métamorphose en rémunération d’une gamme de services, on peut s’attendre à un déplacement de valeur, au profit des services et au détriment de la seule surface.
On a donc deux facteurs contre le prix du mètre carré : le déplacement du centre de gravité, de l’immeuble vers le quartier ou la ville, et la captation de valeur par les charmes de l’usage.
Vous allez me dire : les promoteurs et les investisseurs immobiliers vont être bien malheureux…
Eh bien non ! Au contraire, et pour trois raisons.
- La première, c’est que si l’on se précipite tous gaiement vers l’usage, il faudra qu’il y ait des biens à notre disposition !En économie, celui qui renouvelle son utilité assure sa prospérité.
- La deuxième raison, c’est que les armées se mettent en position. Les investisseurs « institutionnels », bien entendu alimentés par l’épargne des particuliers, ont seuls la dimension et le professionnalisme pour faire que les surfaces restent « dans le jeu », régulièrement adaptées, transformées pour répondre aux nouvelles exigences de l’usage.
Plus l’immobilier devra être souple et vivant, plus les SCPI, les OPCI, les SIIC, les compagnies d’assurances, fonds de pension et autres fonds d’investissement ou fonds souverains seront indispensables pour accompagner les smart cities dans leur épanouissement. Qui dit indispensabilité dit rareté, et dit valeur.
- Enfin, la troisième raison, profonde et puissante, c’est que les smart cities ne sont pas une création désincarnée : ce sont des villes dotées de tous les attributs du Big data, du digitalet de l’intelligence artificielle, mais ce sont des villes. Et dans un monde qui bouge il faut les refaire, les villes. Architecture, urbanisme, promotion-construction sont des métiers d’avenir…et la finance devra être au rendez-vous.
Alors, je ne sais pas si les investisseurs continueront de compter en prix au mètre carré, et de toute façon un mètre carré ne vaudra peut-être plus dire grand-chose, mais je pense pouvoir dire que l’investissement immobilier actif restera rentable, comme vivante sera la ville.
Je vous souhaite une bonne journée.