Une « licorne » est aujourd’hui une jeune entreprise, généralement technologique, qui a atteint la valeur de 1 milliard d’euros. Et qui n’est pas encore cotée en Bourse. Pourquoi utilise-t-on le nom de cet animal mythique du Moyen-Âge ? Et que veut dire une valorisation d’entreprise s’il n’y a pas encore de chiffre d’affaires ou de rentabilité ?
Bonjour,
Aujourd’hui nous allons parler de licornes.
Au Moyen-Âge et à la Renaissance, les gens rêvaient de rencontrer une licorne. Eh bien en France aujourd’hui, nous en avons plus d’une vingtaine !
C’est à la fois merveilleux et plutôt intrigant. Je vous propose un petit détour à la fois dans la mythologie et dans la finance la plus exubérante.
Dans l’Antiquité on a vu des licornes
Tout a commencé avec un médecin grec du Vème siècle avant JC, Ctésias, qui a voyagé en Inde et dont on pense qu’il a vu, de loin, un rhinocéros. Mais voilà, avec un peu d’imagination cet animal à une corne est apparu dans les ouvrages de nombreux auteurs de l’Antiquité avec des descriptions plus ou moins fantaisistes.
Et la licorne est devenue un animal mythique au Moyen-Âge. Même Marco Polo dit en avoir rencontré dans ses voyages vers l’Extrême-Orient !
Toujours est-il qu’il est assez difficile de croiser des rhinocéros dans les montagnes ou dans les vallées d’Europe ! Alors la licorne est rapidement devenue un cheval blanc avec une corne, élégante, rapide comme le vent, et dotée de pouvoirs magiques. Elle a enrichi notre littérature. Elle a peuplé aussi des peintures, des tapisseries, et même de l’orfèvrerie avec des bijoux ou des bagues dans tout l’Occident chrétien jusqu’à la fin de la Renaissance, avant de rejoindre le pays des mythes et des contes de fées.
À la fin du XIXème siècle la licorne a fait son grand retour avec Lewis Caroll, dans son livre De l’autre côté du miroir, la suite de Alice au pays des merveilles. Ensuite c’est la littérature dite « fantastique », devenue de plus en plus importante au XXème siècle, qui a renouvelé la fascination pour la licorne. Et dans le sillage de cette littérature, on retrouve la licorne dans un certain nombre de jeux vidéo.
Soudain la mythologie et la littérature se font rattraper par la technologie et la finance
Nous sommes en 2013. Une spécialiste du private equity… Ah, en américain private veut dire « non coté en Bourse » et equity veut dire « actions ». Le private equity est cette activité qui consiste à investir dans des toutes jeunes entreprises, généralement technologiques, loin de la Bourse. Quand on veut parler français, mais c’est de plus en plus rare, on parle de capital-risque. Donc cette spécialiste du private equity, une certaine Aileen Lee, a réalisé en 2013 une étude très intéressante. Elle montrait que seulement 0,1 % des entreprises qui faisaient l’objet d’investissements (le fameux private equity ou « capital risque »), atteignaient le milliard de dollars de valorisation. C’était étonnant pour ce secteur, alors il fallait se faire entendre. Il fallait marquer les esprits. Et elle eut une idée brillante.
Puisqu’elle s’adressait au monde des geeks – vous savez, ces passionnés de technologie – et que les geeks sont de grands lecteurs de littérature fantastique, ou des accros de jeux vidéo, elle a expliqué que seulement 0,1% des entreprises dans lesquelles on investissait devenaient des licornes. Et là, tout le monde a compris.
Voilà un coup de génie ! Né seulement en 2013, le mot est déjà devenu courant, dans la technologie comme dans les finances. Même nos politiques en ont parlé, ils en veulent plus en France !
Finalement vous pouvez rencontrer une licorne
C’est une jeune entreprise qui vaut au moins un milliard de dollars ou, chez nous, un milliard d’euros
Et nous en avons déjà une vingtaine. Par exemple Doctolib pour les rendez-vous chez le médecin ou le dentiste, Blablacar pour le covoiturage, Mano Mano pour le jardinage et le bricolage, IAD pour les annonces immobilières. Ou encore Deezer pour la musique en ligne, ou Ledger pour mettre ses crypto monnaies en lieu sûr, ou Lydia pour les paiements entre particuliers.
Mais de quoi parle-t-on ? D’entreprises qui valent au moins un milliard, d’après les investisseurs qui sont en train d’y mettre ou d’y remettre de l’argent. Leur chiffre d’affaires ? Cela dépend. Leur rentabilité ? Ce n’est pas la question, pas encore. Mais on y croit. Ce sont des entreprises qui progressent vite. Conquête de marchés. Créations d’emploi. On espère qu’elles iront loin.
Toutes ne réussiront pas, mais elles ont déjà de bonnes chances en leur faveur. Et surtout, si quelques licornes émergent de la masse des start-ups qui se créent, cela signifie qu’il y a une vague de dynamisme. Que le tissu des entreprises est en train de se régénérer. Qu’il y a des perspectives pour l’économie de demain.
Alors oui, les belles valorisations des licornes n’ont peut-être pas encore de signification très concrète, cela peut ressembler à une bulle. C’est vrai, que veut dire réellement leur fameuse valorisation d’au moins un milliard ? On peut dire que c’est du vent… mais c’est le vent de l’avenir.
Je vous souhaite une très bonne journée
Licornes et business… au Moyen-Âge
Les licornes étaient donc un animal que tout un chacun rêvait, en son for intérieur, de rencontrer un jour. Le commerce ne pouvait pas laisser passer une telle opportunité. La licorne avait des pouvoirs magiques ? On disait que si elle plongeait sa corne dans une eau même empoisonnée, celle-ci devenait pure et vivifiante. On se mit donc à vendre très cher de la poudre de corne de licorne ! Pour ses nombreux bienfaits contre toutes maladies ou poisons. Et aussi pour ses vertus aphrodisiaques…
Bon, c’était en fait de la poudre de corne de narval, ce mammifère marin qui a une espèce de corne d’un mètre de long. Les affaires sont les affaires, c’était déjà vrai au Moyen-Âge.
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