Un temps sonnés par le cataclysme financier, les esprits se reprennent. Ils mesurent les dégâts, tirent les leçons et se projettent à nouveau dans l’avenir pour nous dessiner un monde meilleur, radicalement différent. Une page de notre histoire est tournée, nous disent-ils. Une autre s’ouvre sur un monde multipolaire où les Etats s’entendent pour sauver la planète et son humanité. Il est révolu le temps du chacun pour soi, étatique ou individuel. Place à l’altruisme ! Partageons ce rêve, imaginons nous aussi un monde meilleur qui se décline à l’infini, dans toutes nos actions, à tous les niveaux. C’est lui qui prône le développement durable, lui qui enjoint de remettre l’homme au centre de nos activités humaines : le citoyen au coeur des décisions du politique, le consommateur au coeur des attentions du producteur…
Et l’épargnant au coeur des préoccupations du financier ! Lui, encore, qui s’est débarrassé de ses égoïsmes et de ses tentations hégémoniques. Lui dans lequel chacun est attentif à servir plutôt qu’à se servir. Lui, toujours, qui ne laisse plus de place aux rémunérations pharaoniques, aux super bonus, aux parachutes dorés. Sans remettre en cause le profit, nécessaire à la pérennité de l’entreprise, ni la finance, essentielle au développement et au progrès technique, notre monde meilleur en éradique les comportements déviants : oubliées les clauses de participation aux bénéfices dénuées de toute contribution aux pertes ; bannies les spéculations en continu sur les soubresauts chaotiques de dérivés abscons, aussi promptes à enrichir le trader qu’à ruiner son mandant ou son commettant. Notre nouveau monde de rêve, très sourcilleux sur les conflits d’intérêt, ne tolère pas non plus « l’aléa moral », petit arrangement avec sa conscience très en vogue par le passé. Oublions-le, ce passé qui s’accommodait trop bien d’une morale aléatoire. Il n’avait pas d’avenir.
Christian Micheaud