La taxe professionnelle va être supprimée. Sur le principe, on s’en réjouit : alléger les charges de nos entreprises les rendra plus performantes. Dans la pratique, cependant, il faut bien avoir conscience que la suppression de la taxe professionnelle devra être compensée par d’autres recettes pour les collectivités locales. Une taxe carbone n’y suffirait pas. Ne doutons pas que c’est encore l’immobilier qui sera mis à contribution. La taxe foncière sur les propriétés bâties est toute trouvée pour remplir cette mission.
Les communes n’y perdraient pas. Elles y trouveraient des recettes plus régulières que celles actuelles : on ne délocalise pas les immeubles, leur valeur – l’assiette de l’impôt – varie peu et les propriétaires sont des contribuables solvables. Mais les besoins seront tels que la taxe foncière pourrait exploser et se rapprocher de celle pratiquée dans d’autres pays. Aux USA, par exemple, l’impôt communal payé chaque année par les propriétaires représente couramment jusqu’à 2 %… de la valeur du bien ! Mais, là-bas, c’est une taxe unique.
Si, d’aventure, la France voulait se lancer dans cette voie, il faudrait d’abord qu’elle remette à plat sa fiscalité immobilière. Un « grand impôt communal annuel » devrait inclure toutes les autres taxes locales : d’équipement (TLE), d’assainissement, d’enlèvement des ordures ménagères, etc. Il conviendrait aussi de supprimer ou de réduire considérablement les autres impôts sur le capital que sont l’ISF, les droits de mutation à titre onéreux (vente) ou gratuit (héritage), la taxation des plus-values immobilières. Un grand ménage fiscal en perspective !
Tout aussi indispensable serait de rendre plus juste cette taxe foncière. Pour les immeubles anciens, elle est actuellement calculée sur des valeurs cadastrales qui datent de 40 ans. Une révision de ces valeurs a bien eu lieu dans les années 1990, mais elle n’a jamais été appliquée. Elle aurait entraîné une augmentation telle de l’impôt foncier pour bon nombre de logements, et tout spécialement ceux du parc HLM, que la réforme a été ajournée. Par ailleurs, à la justice de l’assiette, il faudrait ajouter la justice des taux, afin d’assurer une certaine harmonie entre les communes.
Même ainsi formaté, ce grand impôt communal ne manquerait pas de réserver des surprises, bonnes ou mauvaises. La mobilité résidentielle s’en trouverait probablement accrue, autant du fait de la baisse des droits de mutation que du coût élevé de la taxe, qui obligerait chacun à se loger selon ses moyens. La mixité sociale des quartiers n’aurait rien à y gagner. Et puis, pourra-t-on encore encourager les Français à devenir propriétaires de leur logement si c’est pour les assommer ensuite avec une super-taxe sur la propriété immobilière ? A moins, bien sûr, de multiplier les dégrèvements, exonérations et autres régimes d’exception dont on a le secret… La fameuse « exception française » sévit aussi dans la fiscalité !
Christian Micheaud