par Christian Micheaud, journaliste spécialisé en immobilier et en droit du patrimoine
Le débat sur une refonte de la fiscalité du patrimoine, annoncé pour le printemps prochain, fait craindre le pire au contribuable, déjà échaudé par les récentes mesures comme le rehaussement de la taxation des plus-values et des prélèvements sociaux, le rabotage des niches fiscales, etc. Mais la palme de l’exagération revient sans conteste à la contribution foncière réclamée aux auto-entrepreneurs, imposés trois fois – après la taxe d’habitation et la taxe foncière – pour le coin de table sur lequel ils font leurs comptes.
Cette frénésie manifestée par les élus (de tous bords) dans la traque de nouvelles ressources fiscales, nationales ou locales, n’est pas sans rappeler celle de la grande spéculation financière. Dans les deux cas, c’est la même avidité qui est déployée dans la recherche d’un profit immédiat. Ainsi, comme la finance diversifie les marchés sur lesquels elle spécule, la fiscalité multiplie les assiettes dans lesquelles elle pioche. Comme les financiers utilisent des algorithmes d’une rare complexité pour bâtir leurs stratégies, les élus s’appuient sur leur back-office de Bercy pour monter des usines à gaz.
Vous direz que la finalité n’est pas la même. Pour les financiers, c’est un profit privé. Pour les élus, c’est le bien public. C’est vrai, mais en partie seulement. Car il est normal que les banques fassent travailler l’argent. Ce sont les excès, les emballements, les débordements d’une certaine finance qui sont répréhensibles. De la même façon, il est normal que la recette publique alimente la dépense publique, à condition que celle-ci ne soit pas excessive, ne s’emballe pas, ne déborde pas. Au nom de quel « bien public » a-t-on pu laisser, depuis trente ans, dériver les déficits publics ?
Le parallèle entre politique et finance s’arrête là. Il ne va pas jusqu’aux sanctions. Le trader fou de la Générale, en plus d’avoir été licencié par son employeur, s’est retrouvé en correctionnelle. A supposé que des élus ayant gravement contribués aux déficits publics aient été sanctionnés par leur électorat, aucun, à notre connaissance, n’a eu de compte à rendre devant la justice. Cela n’empêche pas ces mêmes politiques (de tous bords, encore une fois) de vouloir, aujourd’hui, réguler la finance. Et ils ne manquent pas de propositions, comme celle d’interdire la spéculation aux banques de dépôts, laissant aux seules banques d’affaires la liberté de s’y aventurer, à leurs risques et périls.
Si l’on en est à la redistribution des rôles, on peut aussi faire des propositions aux politiques. Notre République comporte deux chambres parlementaires. Pourquoi ne pas confier à l’une les recettes et à l’autre les dépenses. Par exemple, le Sénat, réputé pour sa sagesse, voterait l’impôt avec l’obligation de veiller à ce qu’il soit juste, au sens de justesse autant que de justice. L’Assemblée Nationale voterait les allocations budgétaires, en affichant clairement ses priorités et sans sortir de l’enveloppe qui lui est impartie. Le tout serait placé sous le contrôle de la Cour des Comptes, avec le pouvoir de sanctionner les erreurs ou de renvoyer leurs auteurs devant les tribunaux.
La tempérance fiscale, ne l’oublions pas, est un élément fondamental de notre contrat social. L’équilibre budgétaire devrait donc être un devoir pour la République et la marque de son respect envers le Citoyen-contribuable.