Ni carotte, ni bâton. Rien que du rendement, du vrai, du bon. Car c’est lui seul qui peut relancer l’investissement locatif. Mais sur des fondations entièrement repensées.
Assez des vieilles recettes ! Les carottes fiscales ont fait leur temps, qu’elles aient été vilipendées ou portées aux nues, selon les points de vue. Sur la fin, elles étaient servies râpées, alors n’en parlons plus. Le bâton – disons même le gourdin – a pris le relais. Au matraquage fiscal sur les revenus du capital viennent s’ajouter les corrections juridiques avec le blocage des loyers et une prochaine réforme du statut des baux d’habitation qui n’annonce rien de bon. Tout cela ne fera qu’empirer la situation du mal logement en France.
Le constat est pourtant déjà dramatique. Oui, les loyers sont devenus déments, notamment à Paris. Demander 40 euros par mois et par m² à un étudiant, par définition sans ressources personnelles, relève de l’ineptie. Et alléger le fardeau de ses parents en distribuant des aides au logement ne fait que nourrir la fièvre. Oui, les prix de vente sont devenus délirants, sans rapport avec la vraie valeur des biens. La cause ? En tuant l’immobilier de rapport, on a encouragé l’immobilier spéculatif, celui qui, à défaut d’autre chose, apporte de la plus-value, protège de l’inflation ou fait fondre les impôts.
Gardons espoir. Dans les solutions évoquées en ce moment, il y a quand même une bonne nouvelle, accompagnée toutefois d’une moins bonne. La bonne nouvelle, c’est le projet qu’aurait l’État de consacrer un nombre important de ses terrains à la construction de logements. La moins bonne, c’est que ces terrains seraient apportés aux collectivités territoriales, qui y construiront quasi exclusivement des logements sociaux, quota loi SRU oblige – surtout s’il est relevé de 20 à 25 %.
Le logement social n’est pas la panacée. Certes, il est indispensable à l’accueil et à l’accompagnement des ménages les plus modestes. C’est même un devoir de solidarité nationale d’aider les bailleurs sociaux dans l’accomplissement de cette tâche difficile. En revanche, la solidarité nationale n’a pas vocation à loger ceux qui peuvent se débrouiller par eux-mêmes. Pouvoir choisir son logement – comme son travail – est une liberté fondamentale à laquelle doit aspirer tout individu et que l’État doit rendre possible en offrant aux Français un parcours résidentiel complet.
C’est là qu’il faut innover en créant, entre le logement social et l’accession à la propriété, un nouveau parc locatif à loyers intermédiaires qui viendrait compléter – et assagir – le secteur privé traditionnel dans les zones les plus tendues. Un parc créé et géré par une grande foncière spécifiquement élaborée pour la circonstance. Elle construirait des logements sur les terrains prêtés par l’État avec l’épargne collectée auprès des ménages. Des prêts bonifiés et une garantie étatique pourraient compléter le dispositif et accélérer son développement.
Tout le monde y trouverait son compte. Les locataires : des locations plus nombreuses à des loyers maîtrisés assainiraient le marché. Les épargnants : avec un prix de revient des constructions de 2 000 à 3 000 euros le m² (hors foncier, gratuit) et un loyer de 10 à 15 euros le m² mensuel, selon les emplacements, il devrait être possible de leur servir un rendement net de l’ordre de 4 à 4,5 %. L’État, qui ne serait pas lésé : au bout de 10, 15 ou 20 ans, les logements auraient vocation à être vendus, en priorité aux locataires en place, pour un prix tenant compte de la valeur du foncier, celle-ci revenant à l’État.
La pierre-papier au service de l’intérêt général, dans le cadre de relations locatives apaisées et équilibrées : le projet mérite réflexion, non ?
Christian Micheaud, éditorialiste