A défaut de construire de nouveaux logements, les pouvoirs publics gèrent la pénurie de locations en désignant, une fois de plus, le propriétaire bailleur comme bouc émissaire.
Personne n’a encore bien compris ce que signifie l’expression « redressement productif ». En revanche, tout le monde a compris que, sans production, il n’y aurait pas de redressement. En ce début d’année 2013, faute de redémarrage de notre économie, la croissance se dérobe et oblige déjà à de nouvelles restrictions budgétaires. Comme on ne peut plus gratter grand-chose côté recettes, c’est sur les dépenses que l’on tape. Non pas tant sur les frais de fonctionnement de l’Etat que sur les dépenses d’investissement. Et sans investissement, pas de redressement. Le serpent se mord la queue.
Il en va du logement comme de l’économie. Faute de reprise de la construction, la promesse de 190 000 logements locatifs neufs en 2013 (150 000 HLM et 40 000 Duflot) ne sera pas tenue et oblige déjà à de nouveaux expédients. Comme il ne serait pas politiquement correct de gratter du côté du secteur social, c’est sur les bailleurs privés que l’on tape. Non plus sur leurs revenus fonciers, réduits comme peau de chagrin et sur lesquels il n’y a plus grand-chose à ronger, mais sur leurs contraintes de gestion. De quoi les décourager encore un peu plus d’investir, ce qui ne relancera pas l’offre locative. C’est la spirale infernale.
Contraintes en hausse
Les contraintes de gestion des propriétaires bailleurs de logement vont fortement augmenter au cours des prochains mois. Citons trois exemples.
– La réduction d’impôt Duflot oblige à vérifier si la commune où se situe le bien est éligible au dispositif, si les ressources du locataire sont sous le plafond légal, si le loyer, calculé d’après la surface et en appliquant un coefficient de pondération, est, lui aussi, en-dessous d’un plafond variable selon la zone de situation du bien. Et ce n’est pas fini : il faudra en plus que l’immeuble dans lequel se trouve le logement soit habité par un certain pourcentage de propriétaires occupants… Tout ça pour un rendement estimé à 3 % avant impôt !
– La réforme de la loi du 6 juillet 1989 sur le statut des baux d’habitation, actuellement en cours de gestation au ministère du Logement, a pour objectif de « rééquilibrer » les rapports locatifs entre propriétaire et locataire. Ce dernier serait, en effet, en situation de faiblesse face au propriétaire qui détient le pouvoir de lui accorder ou non le logement et qui profite de sa position dominante pour augmenter le loyer. La future loi devrait donc encadrer plus fermement les loyers et limiter ou supprimer les restrictions à l’accès au logement pour le locataire : exit le dépôt de garantie, exit la caution personnelle, exit la moitié des honoraires de transaction de l’agence immobilière.
– Une « garantie universelle des loyers » (GUL ?) serait toutefois instaurée par l’Etat afin de rassurer les propriétaires. Remplaçante de l’actuelle et facultative « garantie des risques locatifs » (GRL), qui ne décolle pas en raison des craintes nourries sur sa viabilité et sa pérennité, la GUL serait obligatoire. Son coût (le montant de 2,5 % du loyer a été avancé) serait à la charge exclusive du propriétaire. Comme si on demandait aux banques de supporter l’assurance décès-invalidité des emprunteurs… Et pour « responsabiliser » quand même un peu le locataire, on pourrait peut-être lui demander de verser un dépôt de garantie d’un mois de loyer, non plus au propriétaire mais dans un fonds public destiné à soulager le coût, pour l’Etat, de sa GUL.
Confiance en berne
Non, les propriétaires bailleurs ne sont pas rassurés. L’idée de devoir dépendre de l’administration pour être indemnisés des loyers impayés et des dégradations locatives ne les séduit pas. Pis, ils redoutent, à tort ou à raison, que la GUL soit un jour délivrée par un guichet unique aux prérogatives étendues : obligation de travaux, fixation du loyer, désignation du locataire, etc. On assisterait alors à l’annexion de fait du secteur locatif privé par la puissance publique.
Si une telle menace devait prendre corps, il est probable que les particuliers perdraient toute confiance dans l’investissement locatif résidentiel. Où iraient-ils placer leur épargne ? Dans l’immobilier d’entreprise, à travers la pierre-papier, et dans l’assurance vie, par exemple. Vous avez dit pierre-papier ? Vous avez dit assurance vie ? Il se trouve justement que la pierre-papier prend une importance croissante dans les contrats d’assurance vie. Il se trouve aussi que l’Etat envisage de faire main-basse sur une partie des fonds placés en assurance vie pour financer la construction de logements locatifs. Comme c’est bizarre !
Christian Micheaud
Pierrepapier.fr