C’était devenu une habitude. Chaque nouvelle réforme des relations locatives dans le logement apportait, depuis 30 ans, son lot de contraintes supplémentaires pour les bailleurs privés, tandis qu’elle renforçait la place du logement social public. Quelle surprise avec le projet de loi Logement qui vient d’être présenté par le ministre de la Cohésion des territoires ! La tradition est bouleversée : le gouvernement s’attaque de front aux bailleurs sociaux et semble avoir oublié les bailleurs privés…
Qu’est-il demandé aux HLM ? De construire plus et de louer moins cher. Pour construire plus sans aides nouvelles, ils devront augmenter leurs fonds propres en vendant une partie de leur parc, prioritairement aux locataires en place.
Les arguments des bailleurs sociaux – Les bailleurs sociaux mesurent leur puissance au nombre de lots gérés. Ils n’aiment donc pas vendre et font valoir deux arguments :
- Céder un logement dans un immeuble oblige à placer cet immeuble sous le statut de la copropriété. Le bailleur social perd alors l’entier contrôle de la gestion et de l’entretien du bâtiment. On lui répondra qu’il peut mettre en vente tous les logements d’un même immeuble, quitte à reloger les locataires qui ne veulent ou ne peuvent pas acheter. Le projet de loi prévoit justement d’assouplir le droit au maintien dans les lieux des locataires en place.
- Favoriser l’accession à la propriété des locataires de HLM risque d’augmenter le nombre de copropriété dégradées. Pour quelles raisons ? L’insolvabilité de l’acquéreur, l’état de l’immeuble ? C’est oublier que les accédants devront obtenir un financement bancaire et que les banques françaises ne prêtent pas à la légère. C’est oublier aussi que le vendeur « à la découpe » d’un immeuble de plus de 15 ans a l’obligation d’informer les acquéreurs de l’état du bien.
Equilibre économique – Quant à louer moins cher, les bailleurs sociaux font valoir que c’est leur équilibre économique qui serait compromis en cas de baisse de leurs recettes locatives. Des chiffres sont avancés : sur les quelque 740 organismes HLM, 120 seraient menacés de faillite par une telle mesure. Et des rodomontades aussi : le gouvernement a-t-il seulement les moyens de faire plier le mouvement HLM ? Voilà qui promet de virulents débats.
Les bailleurs privés sont-ils oubliés ? Jamais complètement. Pour eux, la politique du logement se fait aussi – et surtout – à Bercy. Les revenus fonciers vont encore être plus taxés en 2018. Non seulement ils n’auront pas droit à la flat-taxe annoncée à 30% tout compris sur les revenus financiers mais ils verront les prélèvements sociaux, aujourd’hui de 15,5% passer à 17,2%, du fait de l’augmentation de 1,7% de la CSG. Un contribuable « moyen » dans la tranche à 30% verra donc partir 47,2% de ses loyers nets en fiscalité, sans oublier qu’il aura déjà payé la taxe foncière pour chaque bien et l’impôt sur la fortune immobilière (l’IFI, remplaçant de l’ISF) sur son patrimoine bâti.
Une bonne nouvelle venue d’ailleurs – Alors, pour disruptif qu’il soit dans son approche, le projet de loi Logement n’a finalement rien de révolutionnaire. Il est bien difficile de se prononcer a priori sur ses capacités à améliorer la situation locative et l’habitat en France. La bonne nouvelle, car il y en a une, vient d’ailleurs : le plan d’investissement sur 5 ans que vient de proposer le gouvernement prévoit de consacrer 20 milliards à la transition écologique, dont 9 milliards pour diviser par deux le nombre de « passoires thermiques » occupées par les ménages modestes, propriétaires ou locataires. Là, on applaudit…
Christian Micheaud