« Depuis 2010, les SIIC ont deux fois plus cédé qu’elles n’ont acheté, et ce troisième trimestre n’échappe pas à la règle. La stratégie est maintenant de trouver des relais de croissance sur les meilleurs bassins de productivité, en France ou hors de France, pour nourrir la croissance des valeurs locatives de marché à venir », explique Béatrice Guedj, Directrice de la Recherche de l’IEIF, dans sa dernière chronique sur les indices IEIF en Bourse.
C’est la saison de la publication des comptes trimestriels dont les résultats valident le scénario d’un raffermissement de la croissance mondiale à 3,7 % pour 2017. Malgré ces bonnes nouvelles, les risques persistent notamment sur la taille démesurée du bilan des banques centrales et du peu de marge de manœuvre en cas de chocs.
Aux Etats-Unis, au T3 2017, la hausse du PIB est de + 0,7 % (+ 2,3 % sur un an) – La croissance est tirée par la consommation privée bien que ralentie, l’investissement non résidentiel et une reconstitution des stocks. La contribution de l’investissement résidentiel à l’activité reste négative tandis que l’investissement non résidentiel reste un facteur de croissance. Une lecture plus fine montre que les investissements en biens d’équipements, et ceux associés à l’économie numérique restent en forte hausse, en écho aux performances boursières et aux gains de productivité espérés comme facteur clé de compétitivité structurelle. Les comptes d’agents témoignent d’une décélération des revenus des ménages sur les parties salaires et dividendes : au total, la hausse du revenu disponible est de 0,6 % contre 3,3 % en T2 2017, frein potentiel aux dépenses futures. La productivité progresse de + 0,7 % en rythme annuel (+ 1,5 % sur un an), performance la plus élevée depuis le T2 2015.
Annonce du « Big Bang » fiscal – Les indicateurs plus conjoncturels ne pointent pas sur une accélération de la croissance pour le dernier trimestre. Enfin, le « Big Bang » fiscal a été annoncé et les polémiques déclenchées dans la foulée : il doit passer devant le Congrès avant la fin du mois de novembre. L’objectif est de réduire la facture des ménages et entreprises à 1 500 Mds$ sur 10 ans : le financement des baisses d’impôts se ferait en partie par la chasse aux niches fiscales. Le taux de l’IS serait ramené de 35 % à 20 %, les Américains seraient imposés au niveau national, et les multinationales seraient incitées à rapatrier les revenus de leurs investissements directs des étrangers.
En zone euro, la croissance du PIB atteint + 0,6 % au T3 2017, soit 2,5% sur un an. La reprise rime avec plus de convergence et reste auto-entretenue depuis les 4 derniers trimestres pour l’ensemble des pays Core de la zone euro. En témoigne l’écart-type de la croissance du PIB dans ces différentes économies qui n’a jamais été aussi faible depuis un an. Au T3 2017, les croissances du PIB sont respectivement de 0,5 % en France (+ 2,2 % sur un an), 0,8 % en Allemagne (+ 2,8 % sur un an), 0,5 % pour l’Italie (+ 1,5 % en sur un an) et 0,8 % en Espagne (+ 3,1 % sur un an). Partout, les indicateurs conjoncturels suggèrent une bonne tenue de la croissance en fin d’année portée par l’investissement en biens d’équipements et en construction. Les permis de construire dans l’ensemble de la zone sont en hausse.
Effet de la crise catalane – Forcément, la crise catalane pèsera sur les résultats du dernier trimestre à quelques décimales près. La Banque d’Espagne vient d’alerter l’ensemble des autorités sur un effet domino potentiel de la crise sur la croissance espagnole : de – 0,3 à – 2,5 de perte de points de PIB en deux ans, soit un coût évalué entre 3 Mds€ et 27 Mds€. Dans un scénario de crise majeure, soit un déraillement après les élections du 21 décembre prochain, c’est plus de 60 % de la croissance du PIB estimée à 2,8 % pour 2018 qui pourrait s’évaporer et peser sur l’ensemble des partenaires de l’Espagne, dont la France et in fine sur la zone euro. Sans sortie par le haut, la vraie victime serait la Catalogne.
Au Royaume-Uni, la croissance s’est légèrement accélérée à + 0,4 % (+ 1,5 % sur un an) – Elle est tirée par les services, le secteur manufacturier épaulé par la baisse de la livre sterling tandis que l’investissement en construction se contracte pour le second trimestre consécutif. L’inflation, supérieure à 3 % en octobre et dépassant la cible de 2 %, continue d’éroder le pouvoir d’achat des ménages. L’acquis de croissance est de 1 % pour 2017, avec une hausse du PIB pour 2017 qui oscillerait dans le meilleur des cas autour de 1,5 %.
Pas de bouleversements côté taux d’intérêt – Aux Etats-Unis, pas de bouleversement en vue : l’heure est à la continuité soit au resserrement graduel. De son côté, la Banque d’Angleterre a relevé son taux directeur de 25 points de base (à 0,50 %), la première fois depuis 10 ans, et maintient son programme de rachats d’obligation. Cette hausse est supportable pour l’économie britannique et ne viendrait amputer la croissance que de 0,1 point de PIB.
Côté SIIC : arbitrage accéléré et saisie d’opportunités – Les SIIC continuent leur politique d’arbitrage et de rotations d’actifs, avec raison et agilité. L’appétit des investisseurs reste élevé et le cycle de reprise économique observé est favorable aux vendeurs, les « Dames SIIC » : la compression des taux se poursuit et les SIIC en profitent pour vendre à bon prix leurs actifs non Core. La normalisation monétaire n’étant pas pour si tôt, les acheteurs se sentent décomplexés et cela d’autant que les anticipations de hausse de la croissance économique française nourrissent les perspectives de croissance de loyers, même s’il faut toujours se méfier du chant des sirènes.
Une fois encore, les SIIC témoignent de leur habilité à cristalliser de la valeur en haut de cycle. Au troisième trimestre, le désinvestissement net est de 435 millions d’euros en ligne avec la tendance moyenne observée depuis 2010. Ces volumes sont bien inférieurs aux rythmes observés depuis les six dernières années, mais restent élevés en valeur absolue.
Plus de 700 M€ de cessions – Les ventes sont supérieures à 700 millions d’euros et se sont accélérées au troisième trimestre, conséquence d’une reprise des signatures après l’élection d’Emmanuel Macron. Depuis 2010, les SIIC ont deux fois plus cédé qu’elles n’ont acheté et ce troisième trimestre n’échappe pas à la règle. La stratégie est maintenant de trouver des relais de croissance sur les meilleurs bassins de productivité, en France ou hors de France, pour nourrir la croissance des valeurs locatives de marché à venir.
Moins de 300 M€ d’acquisitions – Les acquisitions se montent à moins de 300 millions d’euros avec du stock picking quasi chirurgical, en ligne avec une croissance potentiellement durable. La diversification du patrimoine des foncières, géographique ou sectorielle en fonction du patrimoine existant, reste une stratégie gagnante en termes d’allocations d’actifs puisqu’elles concentrent leurs acquisitions sur des bassins d’emploi à forte productivité.
La stratégie des SIIC reste offensive mais très sélective, notamment sur les marchés étrangers, en termes de relais de croissance et de sécurisation des rendements futurs. Pas de transaction majeure observée à l’étranger ce trimestre, mais les acquisitions devraient se poursuivre dans le futur en raison de fondamentaux plus solides : une croissance économique convergente et mieux synchronisée en zone euro, qui plus est dans les métropoles européennes. L’Allemagne, ou plus exactement les sept premières villes allemandes, potentiellement au sommet de la hiérarchie des marchés à cibler, seront suivies des capitales régionales de l’Espagne et de l’Italie. Les pays non Core de la zone euro seront également ciblés car l’idée est de sélectionner des marchés à forte productivité du travail ou du capital : il en existe de nombreux dans toute l’Europe.
A propos de l’IEIF
Créé en 1986, l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est un organisme d’étude et de recherche indépendant qui met à disposition des décideurs immobiliers des outils de veille, d’analyse et de prévision. Il a pour vocation d’être un incubateur d’idées pour la profession et un cercle de réflexion des professionnels de l’immobilier et de la finance. L’IEIF s’articule autour de quatre pôles d’activité : les marchés immobiliers (Tertiaire et Logement) ; les fonds immobiliers non cotés (SCPI-OPCI) ; les fonds immobiliers cotés (SIIC-REITs) ; le Club Analyse et Prévision.
Béatrice Guedj est Directrice de la Recherche de l’IEIF.