Les SCPI, comme tous les placements, n’échappent pas à la compression tendancielle des rendements», explique Stéphanie Galiègue dans son dernier commentaire sur l’industrie des fonds immobiliers[1]. En comparant leur couple rendement/risque aux autres placements immobiliers et financiers.
Parmi les nombreuses approches pour appréhender le risque d’un placement financier, la Value-at-Risk ou VaR est désormais largement utilisée. Mais la volatilité des performances reste un paramètre très courant pour quantifier le risque, car très accessible, notamment dans la communication vis à vis des investisseurs particuliers.
La volatilité : pour apprécier si le risque a été rémunéré par la performance
La volatilité est un indicateur mesurant l’ampleur des fluctuations d’une valeur et est calculée à partir de la variance des cours passés du titre considéré, en mesurant l’écart-type annualisé de la performance. Plus la volatilité est élevée, signifiant des variations fortes, plus l’actif correspondant est considéré comme risqué. Dans ce cas, c’est un indicateur de risque «ex-post» car calculé a posteriori sur des données passées. Les matrices rendement-risque, rapprochant performances et volatilités sur longue période permettent de positionner les différents placements les uns par rapport aux autres en distinguant pour un niveau de risque comparable, les niveaux de performances obtenus ou à niveaux de performances comparables, les placements qui se révèlent plus volatiles, donc plus risqués : c’est l’un des éléments pour apprécier si le risque a été rémunéré par la performance obtenue ou non.
L’immobilier : à mi-chemin entre les actions et les obligations
Cette analyse appliquée à la comparaison de l’immobilier avec les placements financiers confirme qu’en termes de couple rendement/risque, l’immobilier se positionne à mi-chemin entre les actions d’une part et les obligations d’autre part. Actif à la dynamique de prix complexe, l’immobilier partage en effet des caractéristiques avec les obligations : c’est un actif de rendement avec des flux de revenus prévisibles à long terme au travers des baux, mais aussi avec les actions : c’est un actif à revenu indexé sur l’inflation et, dans une certaine mesure, sur la croissance économique.
SCPI : une performance annuelle moyenne de 7,8% sur 15 ans
Les SCPI illustrent parfaitement cette configuration : par exemple, sur 15 ans , les SCPI présentent une performance annuelle moyenne de 7,8%, équivalente à celle des actions (8,1%), pour une volatilité de 3,6%, équivalente à celle des obligations (3,0%). Sur cette période, les SCPI sont, à risque comparable, plus performantes que les obligations d’une part et d’autre part, elles sont moins volatiles que les actions, avec une performance similaire. Pour affiner encore le propos, on peut distinguer les produits immobiliers selon leur orientation de gestion en précisant ainsi pour les SCPI, les résultats des SCPI Commerces et ceux des SCPI Bureaux, en considérant pour les premières un patrimoine immobilier composé d’au moins 70% de commerces et pour les secondes, d’au moins 70% de bureaux : on retrouve alors un comportement relatif de ces 2 segments analogue à celui de l’immobilier physique et à celui de l’immobilier coté : des écarts de performances et de volatilités dont les amplitudes sont variables selon la modalité immobilière (non coté, directe, cotée).
Les SCPI de commerces plus volatiles que les SCPI de bureaux
Ainsi les SCPI Commerces présentent une plus grande volatilité que les SCPI Bureaux, combinée à une performance plus importante sur cette période. A titre de comparaison, pour les foncières, les écarts sont plus marqués : surperformance et volatilité plus importantes pour les foncières Commerces vis-à-vis des foncières Bureaux (cette amplitude plus importante est liée à la nature des biens commerciaux considérés). Ainsi, le couple rendement-risque de l’immobilier est attractif sur toutes les périodes considérées, par rapport aux autres placements financiers et, au sein de la classe d’actifs immobiliers, les SCPI présentent en moyenne des performances robustes avec un niveau de volatilité généralement moindre que celui des autres modalités d’investissement immobilier.
SCPI : une prime de risque qui demeure à des niveaux historiquement élevés
Au-delà de cette considération des grandes tendances, le caractère non monolithique du secteur des SCPI que nous soulignons désormais régulièrement dans nos travaux doit être pris en compte pour une analyse de risque pertinente. Depuis Markowitz avec la Théorie Moderne du Portefeuille et sa formalisation dans le modèle d’évaluation des actifs financiers, il est entendu que la performance attendue par l’investisseur est fonction du surplus de rentabilité vis-à-vis d’un placement considéré comme sans risque. Le risque pris doit être rémunéré et cette rémunération du risque se formalise par la prime de risque. Autrement dit, par le surplus de rendement qu’un placement dit risqué délivre par rapport à un placement dit sans risque. Pour les SCPI, avec un taux de distribution moyen sur valeur de marché (DVM) des SCPI Immobilier d’entreprise de 4,35% à fin 2018, la prime de risque est de 364 points de base (bps), par rapport à l’OAT 10 ans, référence de taux sans risque. Compte tenu de l’environnement de taux d’intérêt bas, cette prime de risque est historiquement parmi les plus importantes, confirmée au-dessus des 350 bps depuis 5 ans, avec un plus haut en 2014 à 424 bps, lorsque le DVM moyen était encore au-dessus de 5%.
Les SCPI n’échappent pas à la compression tendancielle des rendements
Les SCPI, comme tous les placements, n’échappent pas à la compression tendancielle des rendements : depuis 40 ans, le régime auquel les placements sont tous soumis est celui d’une baisse régulière de l’indexation des flux de revenus. Tous les placements sont concernés dans leur composante rendement courant : les revenus locatifs, les dividendes en bourse, les coupons obligataires … Plusieurs forces modératrices sont en effet à l’œuvre parmi lesquelles la démographie, la baisse des gains de productivité, ou encore l’abondance d’épargne. En parallèle, de manière concomitante, les taux d’intérêt baissent, impliquant la baisse des facteurs d’actualisation. La combinaison de ces deux dynamiques a pour effet de comprimer les rendements. Pour les SCPI, on constate ainsi en moyenne, une baisse continue des revenus distribués, avec une légère progression du prix moyen des parts, entraînant la baisse des taux de distribution.
SCPI : une dispersion des rendements variable selon les catégories
Le point d’attention pour les SCPI est que derrière la moyenne, la répartition des DVM et donc des primes de risque n’est pas homogène, signifiant un niveau de risque distinct. Si les SCPI investies majoritairement en Bureaux présentent un niveau de distribution moyen de 4,2% en 2018, répartis dans une fourchette de 150 bps entre les extrêmes, les SCPI investies dans des secteurs thématiques (hôtellerie, résidences santé, résidences étudiantes, logistique, etc.), dites SCPI spécialisées, présentent un profil de répartition nettement plus concentré, dû essentiellement à la taille de l’échantillon (nombre limité de véhicule), avec une fourchette en 2018 de seulement 80 bps entre les extrêmes et un DVM moyen de 4,6%. A l’inverse, pour les SCPI diversifiées, la fourchette entre le DVM le plus faible et le DVM le plus élevé est de plus de 600 bps, montrant une dispersion extrêmement forte des niveaux de distribution, afin de rémunérer des niveaux de risque particulièrement hétérogènes.
Le niveau de distribution n’a pas d’impact sur la classe de risque Priips
Il convient de noter que le niveau de DVM n’a pas d’impact sur la classe de risque Priips des SCPI car la détermination de cette classe de risque s’appuie sur l’historique des performances totales (effet valorisation et effet dividende). Ainsi, en première lecture, on constate que le caractère non monolithique des SCPI s’illustre aussi par des niveaux de risque différenciés et que l’appréhension de ces risques doit se faire en considérant de multiples dimensions. De prochains articles rendront compte de nos travaux sur ces éléments d’analyse de risque des véhicules immobiliers non cotés….
A retenir
- Les SCPI, comme l’immobilier, se positionnent à mi-chemin, en termes de couple rendement/risque, entre obligations et actions
- Le couple rendement/risque des SCPI est, sur toutes les périodes analysées depuis 40 ans, plus attractif que celui des autres placements
- La prime de risque des SCPI demeure à des niveaux historiquement élevés
- La dispersion des rendements est variable selon les catégories de SCPI
Stéphanie Galiègue
[1] «L’immobilier d’investissement dans le monde » – IEIF – Octobre 2019A propos de Stéphanie Galiègue
Stéphanie Galiègue est Directrice générale adjointe en charge de la Recherche et des Études de l’IEIF. Elle dispose de plus de 20 ans d’expérience en matière d’analyse de données, de performance et de risque pour le compte des investisseurs institutionnels dans le domaine de l’immobilier et de la finance. En 2005, Stéphanie Galiègue rejoint IPD France comme Directrice des Etudes et de la Recherche avant d’être promue Directrice générale adjointe quelques mois plus tard. En 2011, elle devient Directrice générale d’IPD France & Europe du Sud et Administratrice. Elle a débuté sa carrière chez Axa Investment Managers Paris en 1996, où elle a développé une expertise particulière en matière d’analyse de performance et de risque, avant de rejoindre CDC Ixis Asset Management en 1999. En 2001, elle est devenue chez Deloitte, responsable de la ligne de service Reporting et Attribution de performance dans le pôle dédié à l’assistance aux sociétés de gestion. Stéphanie Galiègue est diplômée d’HEC, majeure Finance et membre du Cercle des Femmes de l’Immobilier.
A propos de l’IEIF(i)
Créé en 1986, l’IEIF est un centre d’études, de recherche et de prospective indépendant spécialisé en immobilier. Son objectif est de soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur réflexion stratégique, en leur proposant des études, notes d’analyses, synthèses et clubs de réflexion. L’approche de l’IEIF intègre l’immobilier à la fois dans l’économie et dans l’allocation d’actifs. Elle est transversale, l’IEIF suivant à la fois les marchés (immobilier d’entreprise, logement) et les fonds immobiliers (cotés : SIIC, REIT ; non cotés : SCPI, OPCI, autres FIA). L’IEIF compte aujourd’hui plus de 120 sociétés membres (2/3 d’investisseurs, 1/3 d’autres acteurs : promoteurs, banques, experts immobiliers, conseils en immobilier, etc.). Le patrimoine immobilier des membres investisseurs représente une valeur globale de près de 300 milliards d’euros. L’IEIF s’appuie sur une équipe de 20 personnes issues à la fois des mondes de la finance et de l’immobilier, dont 6 chercheurs associés. Il dispose de nombreuses bases de données économiques, financières et immobilières, dont certaines ont plus de 30 ans d’historique.
(i) Cette information est extraite d’un document officiel de la société
[1] « L’immobilier d’investissement dans le monde » – IEIF – Septembre 2019.