Depuis le départ de Pierre Dinon, Victor Kittayaso et Thierry Cherel ont livré des performances qui leur permettent d’aborder l’avenir avec confiance. Ils ont joué avec succès les foncières britanniques et les foncières résidentielles allemandes.
L’évolution de la rentabilité du portefeuille immobilier d’Unibail-Rodamco et du rendement du Bund allemand à 10 ans écarte le risque de bulle pour les gérants des fonds d’Allianz
En prenant la succession de Pierre Dinon à la tête de la gestion des deux OPCVM immobiliers d’Allianz, à la fin décembre 2013, Victor Kittayaso savait qu’il aurait deux challenges à gagner. Le premier tenait à sa capacité à assurer la relève d’une gestion assurée par un grand gérant qui assurait la fidélité des souscripteurs des fonds tentés de quitter le navire dans le sillage de son capitaine. Le deuxième challenge n’était pas moins ambitieux : européaniser les portefeuilles d’Allianz foncier dont l’univers d’investissement est la zone euro et le benchmark l’indice IEIF Europe Net Return et accentuer l’exposition du fonds Allianz Immo sur le Royaume-Uni pour répondre à son objectif de battre l’indice Epra Europe Net Return Index. Bien sûr, le juge de paix de ces deux compétitions se situe du côté de la performance. Près de 18 mois après en avoir pris les commandes, le nouveau gérant en titre a bien relevé le gant.
Allianz Immo affichait à la fin avril un gain de 17,01 % égal à son indice de référence depuis le début de l’année. Et sur un an, sa performance à la fin avril était de 34,87 % contre 34,12 % pour l’indice. Il a accru son avance par rapport à son benchmark au cours du mois de mai en raison de sa forte exposition aux valeurs britanniques (48,1 % de l’encours de 80 millions d’euros) qui se sont bien comportées après la publication de résultats meilleurs que prévus et après qu’a été levée l’hypothèque des élections à la Chambre des Communes. Le fonds, avec une surpondération de 7 %, a crû dans l’économie britannique qui a pris de l’avance sur l’ensemble de la zone euro et a bénéficié de l’évolution de la parité de la livre puisque ce fonds ne pratique pas de couverture de change. Encore investi à hauteur de 24% en SIIC françaises, et à 16,5 % en Allemagne, il s’est diversifié en Suède, au Pays-Bas et au Luxembourg.
De son côté, le fonds Allianz Foncier affichait un gain de 16,56 % sur les quatre premiers mois de 2015, en retard sur les 17,96 % de l’indice IEIF. Sur un an glissant, sa performance est de 27,76 % contre 30,09 % pour l’indice. La France pèse encore pour près de la moitié des 380 millions d’euros d’encours du portefeuille (45,5 %) alors que ce poste occupait encore près des deux-tiers sous l’empire de Pierre Dinon. Des cessions visant Icade, Foncière des Régions ou Paref ont eu lieu au cours des derniers mois. Unibail-Rodamco et Klépierre étant ses premières positions, l’exposent particulièrement aux commerces (38 % du total) mais c’est juste derrière puisque le rééquilibrage des moteurs de la performance est passé par les foncières résidentielles allemandes qui ont séduit avec raison au cours des derniers mois le gérant. L’Allemagne a ainsi vu son poids porté à 24 ,4 %.
L’Europe du Sud est encore absente des OPCVM d’Allianz qui peinent à trouver des véhicules investissables de qualité. Ainsi, en Espagne, s’il y a eu de nombreuses introductions en Bourse dans le secteur, les sociétés répondent mal aux exigences de gouvernance que s’impose le fonds quand il investit. Le critère de rémunération des dirigeants est un problème. Cependant, explique Thierry Cherel que Victor Kittayaso a recruté pour compléter son expertise en le faisant venir de chez un broker, « cela ne nous empêche pas de surveiller les opportunités. » Ainsi Merlin, peu séduisante à l’origine avec un portefeuille d’agences bancaires BBVA, commence à faire ses preuves lors de ses acquisitions, notamment de centres commerciaux, et des bureaux à Madrid, réalisées à des prix favorables.
Plus globalement, les deux gérants restent confiants pour les mois qui viennent en raison des effets de la politique monétaire de la BCE, même s’ils jouent moins que d’autres les effets positifs que sur les cours de financement des foncières européennes. « Il y a encore de la marge » indique Victor Kittayaso. Pour se convaincre que le risque de bulle est encore loin, il cite l’exemple du portefeuille d’actifs d’Unibail-Rodamco. En 2007, le taux de rendement du patrimoine du leader des foncières européennes atteignait 4,6 % alors que le rendement des Bunds était de 4,2 %. Aujourd’hui, le rendement du patrimoine s’est amélioré pour atteindre 4,8 %, alors que le rendement sans risque s’est effondré à 0,6 %. La prime de risque ressort à 4,3 %.
De sorte qu’après les prises de bénéfices que les OPCVM immobiliers d’Allianz enregistrent ces dernières semaines, Victor Kittayaso est confiant pour retrouver rapidement un flux de souscription positif, dans le sillage des 10 millions d’euros acquis au cours des derniers mois. Même si ses fonds pâtissent d’un faible référencement en assurance-vie. De sorte que, plus que d’autres gérants d’OPCVM immobiliers, ses souscripteurs sont institutionnels. Il souffre de la concurrence de la montée en puissance des fonds indiciels. D’autant plus que ses benchmarks ne sont pas capés et qu’il est difficile de ne pas intégrer en portefeuille les poids lourds des indices. Une réflexion commence tout juste pour savoir s’il faut évoluer vers des indices capés. « C’est un sujet, on évoluera petit à petit » se contente de dire aujourd’hui le gérant. « Face aux ETF, c’est à nous d’expliquer les atouts d’une gestion de conviction ». Le duo pense que la vision immobilière de Thierry Cherel et celle, plus financière, de Victor Kittayaso constitue leur atout maître : il leur apporte plus d’idées, davantage de techniques de valorisation. Ensemble, ils n’hésitent pas à se remettre en question ou à aller jusqu’au bout de leurs idées d’investissement.
Christophe Tricaud
pierrepapier.fr