« C’est dans un contexte de volonté de modernisation de la vie économique et de simplification de la justice que vient s’insérer la loi dite « de modernisation de la justice du XXIe siècle [1] », qui démocratise l’arbitrage, en offrant dorénavant au consommateur et au non-professionnel le choix de recourir ou non à l’arbitrage », rappelle maître Silvestre Tandeau de Marsac. Et explique, dans cette première Chronique juridique du conseil en investissements immobiliers, comment l’arbitrage peut aider à résoudre des différends entre acteurs de la pierre papier…
Le professeur Charles Jarrosson définit l’arbitrage comme « une institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci »[2]. L’arbitrage, contrairement à la justice étatique, est une justice privée reposant sur un fondement contractuel né de la volonté des parties.
Une ouverture progressive à d’autres acteurs – A l’origine, l’arbitrage était cantonné aux conflits entre sociétés commerciales de taille importante mais au fil des réformes, l’arbitrage s’est ouvert progressivement à d’autres acteurs. Il a fallu attendre le 18 novembre 2016 pour que l’article 2061 du Code Civil permette enfin au non-professionnel et au consommateur d’accéder à l’arbitrage, lequel dispose que : « Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée ». L’article liminaire du Code de la consommation définit d’une part, le consommateur comme : « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » et d’autre part, le non-professionnel comme : « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ».
Choix d’activer ou non la clause compromissoire – Dès lors, lorsqu’une partie a contracté en dehors de son activité professionnelle, celle-ci a le choix d’activer ou non la clause compromissoire. Si la partie souhaite voir son différend tranché par l’arbitrage, c’est possible. A l’inverse, si elle souhaite que son différend soit tranché par le juge étatique, il lui suffira d’invoquer l’inopposabilité de la clause à son égard. L’article 2061 du Code civil s’aligne ainsi sur l’article R.212-2 du Code de la consommation qui dispose que : « sont présumées abusives, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en l’obligeant à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. » Là encore, si le consommateur ne souhaite pas recourir à l’arbitrage, il pourra faire état du caractère abusif de la clause. Désormais, tout est mis en œuvre pour faciliter la résolution du litige et permettre au non-professionnel et au consommateur de choisir la manière dont ils souhaitent le voir tranché.
Litiges « arbitrables » dans le secteur de la pierre-papier – Dans le secteur de la pierre-papier, on peut imaginer plusieurs types de litiges susceptibles d’être soumis à l’arbitrage :
- en cas de litige entre associés investisseurs, il est tout à fait possible d’insérer dans les statuts et dans le pacte d’actionnaires, une clause d’arbitrage ;
- en cas de litige opposant les associés investisseurs à la société de gestion. Là encore il serait possible de stipuler dans les statuts de la société de gestion, la possibilité de porter le différend devant les arbitres ;
- en cas de litige entre la SCPI ou l’OPCI et un locataire, on peut prévoir dans le contrat de bail le recours à l’arbitrage.
Il est également possible de recourir à l’arbitrage une fois le litige survenu par le biais du compromis, bien qu’il soit moins aisé de se mettre d’accord une fois le litige né.
Des avantages pour les professionnels et les consommateurs – Le recours à l’arbitrage présente divers avantages tant pour les professionnels que pour le non-professionnel et le consommateur :
- le choix par les parties de leur « juge » ;
- la confidentialité qui permet aux parties de garder une certaine maîtrise de leur différend en ne l’exposant pas sur la place publique ;
- la rapidité car la sentence arbitrale étant insusceptible d’appel, seul le recours en annulation est possible ;
- le coût maîtrisé car, hors les honoraires des conseils, le barème des honoraires des arbitres est proportionnel au montant du litige de telle sorte que les parties peuvent avoir une idée du coût de l’arbitrage avant le début de la procédure.
Les atouts de l’arbitrage devraient favoriser son utilisation pour le règlement des litiges dans le secteur de la pierre-papier.
A propos de Silvestre Tandeau de Marsac
Silvestre Tandeau de Marsac est avocat associé du cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés, dont il dirige le pôle Banque-Finance-International (www.ftms-a.com). Titulaire d’une maîtrise de droit des affaires et fiscalité (Université de Paris II Assas), d’un DEA de droit privé général (Université de Paris II Assas), Silvestre Tandeau de Marsac est inscrit au barreau de Paris depuis 1984. Il intervient pour les acteurs de la finance, les conseille et les assiste dans le cadre de leurs activités comme de leurs litiges. Premier secrétaire de la Conférence (1987), Membre du Conseil de l’Ordre (2001-2003), de la formation disciplinaire du barreau de Paris (2008-2011) et président de l’Association des Médiateurs Européens (2008-2010). Il enseigne le droit de la réglementation financière et de la responsabilité des conseils en gestion de patrimoine à Financia Business School ainsi qu’à l’Université de Paris II Assas et intervient régulièrement dans des manifestations et conférences sur ce thème. Il est Vice-président de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF), membre de l‘International Arbitration Institute (IAI), et du Comité Français de l’Arbitrage. Il est inscrit comme arbitre auprès du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP), du comité français de la Chambre de Commerce International (CCI), ainsi que de l’Association Suisse d’Arbitrage (ASA).
[1] Loi n° 2016-1547, 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
[2] Ch. Jarrosson, La notion d’arbitrage, LGDJ, 1987, n°785