L’émission « la gestion de patrimoine dans tous ses états » s’intéresse aujourd’hui au rapport entre les Français et l’économie. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas par manque d’éducation financière qu’ils adoptent une attitude relativement prudente en termes d’épargne. Pourquoi ? Et comment changer les choses ? Les réponses de Guy Marty, au micro de Fabrice Couste, sur Radio Patrimoine.
Fabrice Couste – Les Français sont-ils fâchés avec l’économie, se demande l’un des titres du Parisien paru il y a quelques semaines. On en discute avec Guy Marty…
Guy Marty – Alors moi, je m’inscris contre, complètement contre, ce procès qui est fait aux Français. Pour deux raisons. La première, c’est que ce sont les mêmes média qui nous présentent un monde en train de s’écrouler. Où il y a des dangers tout le temps. Un monde qui risque de nous tomber dessus… Et qui se plaignent, après, que les Français soient un peu frileux en matière d’épargne. Mais c’est logique. Si l’on ne sait pas du tout où on va, si l’on est inquiet, évidemment, on va prendre plutôt de l’épargne prudente. Et la deuxième raison, c’est que je trouve que cela manque de décence. Parce que l’épargne, ce n’est pas l’impôt. L’épargne, c’est l’argent des Français. Ils ont le droit d’en faire ce qu’ils veulent…
Fabrice Couste – Alors justement, qu’en font-ils aujourd’hui ? Ils placent dans l’épargne de précaution. Les livrets A débordent. Les livrets développement durable également. La collecte, sur ce type de placements hyper-sécurisés, atteint environ 2 milliards et demi par mois. Quelle est l’explication ?
Guy Marty – Il y a ce procès de dire : « ce n’est pas intelligent », « ils ne savent pas ce qu’il faut faire », etc… Prenons les choses autrement. Les deux grandes motivations de l’épargne, aujourd’hui (il y a d’ailleurs eu récemment une enquête du Cercle de l’épargne et de l’association Amphitéa), ces 2 motivations sont la précaution, et la retraite. Alors, la précaution, on peut le comprendre, dans un monde incertain. Et la retraite, j’aimerais quand même vous dire quelque chose. Il y a quelques années, j’avais fait faire un travail sur les allocations d’actifs. Vous savez que l’on cherche toujours quelle est l’allocation d’actifs optimale. Et donc, l’un de mes chercheurs avait traité la question : « supposons que l’épargne des Français soit faite pour la retraite. Et que l’on mette dedans soit du logement, soit des actions, soit des obligations… »
Fabrice Couste – Patrimoine mobilier comme immobilier…
Guy Marty : Financier, comme immobilier, oui. A ce moment-là, quelle serait l’allocation optimale ? Le chiffre qui est sorti, c’est qu’il aurait fallu 71% de logements dans ce patrimoine optimal. Ce qui correspond, peu ou prou, à la part des logements dans le patrimoine des Français….
Fabrice Couste – Donc, les Français, pas si bêtes que cela…
Guy Marty : Exactement. Alors, en revanche, dans la partie justement, financière, on peut dire il y a trop d’épargne liquide. Justement à cause de cette volonté de précaution. Je pense qu’il faut donc raisonner un peu différemment de ce que l’on fait actuellement. On dit que les Français ne sont pas éduqués économiquement. Je ne le pense pas. En réalité, ils sont trop éduqués économiquement. Sauf que l’économie, ce sont des questions d’idéologie. Ecoutez deux économistes parler entre eux. Vous verrez que quand ils ne sont pas d’accord, ce n’est pas sur les chiffres qu’ils ne sont pas d’accord. C’est sur l’interprétation qu’on leur donne. Presque sur la philosophie qu’elle induit. En fait, le manque d’éducation, il est ailleurs. Il est dans ce qu’on pourrait appeler la gestion de patrimoine. Et c’est là que l’on peut faire quelque chose…
Fabrice Couste – Donc, il y a là une opportunité : le conseil en gestion de patrimoine…
Guy Marty – Exactement, il y a là un métier extraordinaire. Il y a des centaines, des milliers de personnes qui sont formés, et généralement bien formés pour ce type de dialogue. Imaginons un conseiller, ou une conseillère, qui va dire à son client : « bon, ok, vous avez beaucoup d’épargne liquide ». Et, «je comprends, vous vouliez être en sécurité ». Puis, « vous ne savez pas trop quoi faire, mais maintenant nous allons regarder quels sont vos projets ». « Et quels sont vos projets relativement à court terme ? ». A ce moment-là, le client va se rendre compte que, peut-être, les 2/3 de cette épargne liquide se justifie parfaitement. Et que le 1/3 restant, non. C’est là qu’il peut y avoir un peu d’éducation, si je puis dire.
Fabrice Couste – C’est-à-dire ?
Guy Marty – Quelle est, par exemple, la différence entre investir et placer ? Quand est-ce que l’on place ? Quand est-ce que l’on investit ? On sait que l’on place à la Caisse d’Epargne sur son livret A. Que l’on place en obligations. Ou sur un en contrat d’assurance vie en euros. Mais que l’on investit en actions. Ou en immobilier. Placer, c’est pour du relativement court terme. Investir, c’est prendre des risques. Mais c’est à plus long terme. Et ce sera plus rentable. Il y a donc un métier extraordinaire -celui dont on parle dans cette émission- qui a une fenêtre extraordinaire en termes d’utilité économique. Mais en prenant les choses dans le bon sens. Les Français, ils font du mieux qu’ils peuvent, à partir de ce qu’ils comprennent. Et, finalement, ils n’épargnent pas si mal que cela. Mais on peut encore les aider à optimiser…