Dans l’une de ses dernières études [1], Béatrice Guedj, Directrice de la Recherche de l’IEIF, détaille les stratégies d’acquisition menées par les SCPI. Si les plus importantes, en termes de capitalisation, vont chercher des relais de croissance hors de France, certains véhicules de plus petite taille risquent de souffrir, à terme, de leur positionnement sur les territoires « secondaires ». Interview.
Les SCPI sont-elles toujours aussi actives en termes d’acquisitions ?
Béatrice Guedj – Au 3e trimestre 2017 les SCPI restent les premiers investisseurs nets – devant les OPCI, loin derrière, et les SIIC, en situation de désinvestissement -, avec un volume de 1,4 Md€. C’est 30% de plus qu’au second semestre. Sur les neuf premiers mois de l’année, leurs investissements nets représentent déjà 2,8 Mds€ – soit, là encore, 30% de mieux que sur la même période en 2016 -, et tout laisse à penser que 2017 sera un millésime historique, avec un volume total de plus de 3 Mds€.
L’Europe est devenue une cible de plus en plus plébiscitée par les SCPI. Comment expliquez-vous cette tendance ?
Béatrice Guedj – Les acquisitions des SCPI à l’étranger se poursuivent effectivement à un rythme soutenu : après l’Allemagne et les Pays-Bas au 2e trimestre, l’Espagne et l’Italie sont à l’honneur au 3e. Les SCPI sont poussées hors de leur périmètre domestique par une stratégie défensive de maximisation du couple rendement-risque. Elles cherchent à augmenter leur rendement grâce à un potentiel de croissance plus élevé sur des métropoles dynamiques ; et à en minimiser la volatilité via des baux sécurisés. Mieux vaut en effet investir sur des métropoles étrangères gagnantes que sur des territoires domestiques secondaires… La reprise du cycle économique, plus synchrone et convergente au sein de l’Union, a participé à ce « flight to quality » hors frontière. La croissance économique des métropoles en Europe est en effet bien supérieure au rythme tendanciel national. Elle est tirée par une croissance de la productivité élevée, et géographiquement concentrée au sein des plus grandes villes. La persistance d’une carence, en France, de ce type d’offres – driver de rendements locatifs – devrait continuer à soutenir cette politique d’acquisitions hors frontières.
Quelles sont les SCPI les plus actives dans ce domaine ?
Béatrice Guedj – Ce sont essentiellement les SCPI à grandes ou moyennes capitalisations. Elles restent très « tactiques », et privilégient l’acquisition d’actifs « core » sur des marchés étrangers. L’exécution de cette stratégie passe par l’acquisition d’un « vaisseau amiral », ou d’un portefeuille d’actifs, pour maximiser les économies d’échelle en termes d’asset management. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles : size matters, comme dit l’adage britannique, et les SCPI de grandes ou moyennes capitalisations ont effectivement su déployer une force de frappe impressionnante hors de France.
Quid des SCPI de plus petite taille ?
Béatrice Guedj – Les SCPI à plus petites capitalisations continuent, pour certaines, leurs stratégies de niche. Elles capitalisent sur leur track record et leur expertise, synonyme de forte valeur ajoutée en matière de création de valeur. Le premier quartile de ces SCPI offre un DVM [2] moyen, tel qu’observé sur les cinq dernières années, supérieur à celui servi par l’ensemble de l’univers des SCPI. En revanche, certaines SCPI, situées dans le dernier quartile, souffrent du manque de reprise dans les territoires secondaires, et génèrent un DVM inférieur à celui servi par l’ensemble du secteur. Nos travaux, à l’IEIF, démontrent que ces territoires secondaires sont associés à des bassins d’emploi à faible croissance de la productivité du travail, voire à des bassins d’emploi caractérisés par une substitution du capital au travail. La croissance des valeurs locatives de marché de bureau y restera donc poussive ou moribonde. En outre, certaines de ces petites capitalisations sont moins équipées pour se positionner hors de France. Ce qui, à terme, pourrait peser un peu plus sur le DVM servi…
Propos recueillis par Frédéric Tixier
A propos de l’IEIF
Créé en 1986, l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est un organisme d’étude et de recherche indépendant qui met à disposition des décideurs immobiliers des outils de veille, d’analyse et de prévision. Il a pour vocation d’être un incubateur d’idées pour la profession et un cercle de réflexion des professionnels de l’immobilier et de la finance. L’IEIF s’articule autour de quatre pôles d’activité : les marchés immobiliers (Tertiaire et Logement) ; les fonds immobiliers non cotés (SCPI-OPCI) ; les fonds immobiliers cotés (SIIC-REITs) ; le Club Analyse et Prévision.
[1] « Le tableau de bord trimestriel de l’immobilier en France », IEIF.
[2] Distribution sur Valeur de Marché