Prompte à se saisir des sujets brûlants d’actualité l’association des journalistes de l’habitat et de la ville (AJIBAT) a organisé mardi 3 Juillet une table ronde sur le thème « Quels véhicules pour le retour de l’investissement résidentiel institutionnel ? ».
On sait que François Hollande a mis en exergue de son programme l’effort qu’il allait demander aux investisseurs institutionnels en faveur du logement. Il est encore trop tôt pour savoir quelle forme prendra cet effort obligatoire, mais l’intervention de Jean Delour, membre du groupe de travail Logements du Think tank Terra Nova, qui a nourri le programme du candidat socialiste a permis d’envisager quelques pistes.
Visant un effort de construction de 40 000 logements intermédiaires par an pendant le mandat présidentiel, Terra Nova recense les forces mobilisables auprès de l‘épargne fiscalement encouragée et des sociétés bénéficiant de la transparence fiscale. Les acteurs traditionnels de la pierre papier disposent d’un patrimoine de près de 125 milliards d’euros (80 pour les SIIC, 25 pour les SCPI et presque autant pour les OPCI). A leurs côtés, les encours de l‘épargne salariale atteignent 100 milliards d’euros. Enfin l’épargne investie chez les assureurs se monte à près de 1 500 milliards d’euros. Le Think tank estime que c’est dans cet univers qu’il faut rechercher les ressources de la construction des logements intermédiaires.
Par facilité, le chercheur s’est attaché à étudier ce que l’on pouvait attendre des SIIC. Selon lui, leur patrimoine global peut-être évalué à 80 milliards d’euros générant actuellement une rentabilité de l’ordre de 6%. Comme ces foncières cotées en bourse bénéficient de la transparence fiscale, il calcule leur « économie d’impôt » au taux d’IS de 33 % à 2 % de la valeur de leur patrimoine. Le chercheur en conclut que la moitié de cette « économie » pourrait être orientée vers la détention d’actifs résidentiels.
Attention ! lui a répondu Philippe Le Trung, Directeur des Relations Investisseurs et de la Communication du groupe Foncière des Régions : « Relancer la construction par une offre de capitaux supplémentaire aura pour principal effet de provoquer une hausse des prix ». En effet, presque tous les intervenants s’accordent à pointer comme problème numéro un le foncier disponible pour la construction de logement qui s’impose comme la plus forte contrainte à qui veut trouver des solutions pérennes. La loi votée sous l’impulsion du précédent Président de la République augmentant les surfaces constructibles – qui doit être prochainement abrogée – n’a pas résolu le problème.
Quant à demander à des acteurs spécialisés dans les actifs immobiliers tertiaires d’investir dans le résidentiel, Philippe Le Trung pointe « le danger qu’il y aurait à demander à Airbus de produire des vélos électriques ». Si les SIIC ont effectivement un pipe-line d’investissement de 17 milliards d’euros pour les cinq ans à venir, il leur reste à délivrer la promesse de leur rôle contra-cyclique quand la crise bride les investissements, que le soutien des banques se dérobe et que les marchés financiers contraignent les acteurs cotés à réduire leurs recours à l’endettement. Face à une conjoncture plus difficile, les SIIC ne sont pas forcément bien armées pour endosser des engagements qui pourraient les dénaturer aux yeux des investisseurs.
Gilbert Emont, Senior Advisor à l’IEIF et auteur de l’ouvrage « Logement : pronostic vital engagé » se pose pour sa part la question du retour des investisseurs institutionnels sur une classe d’actifs par nature très peu rentable – inférieure à 2 % – que sont les logements intermédiaires alors même qu’ils ont massivement vendu depuis 20 ans les logements loués au prix du marché. Il a rappelé qu’entre 1985 et 2009 les personnes morales regroupant les institutionnels et les congrégations religieuses avaient cédé 1 million de logements pour n’en conserver que 200 000. Durant cette période, le parc locatif détenu par les personnes privées est resté stable à 6,4 millions et le parc HLM s’est étoffé de 1,7 millions d’unités. Pour loger les 7 millions de ménages supplémentaires apparus pendant ces 25 ans, la variable d’ajustement imparfaite a été l’accession à la propriété. Mais depuis dix ans sous le coup de la hausse du prix de l’immobilier, l’accession à la propriété s’est grippée pour ne plus concerner que les ménages les plus aisés. Michel Clair, membre de la commission de l’aménagement et du développement économique régional de la CCIP et ancien président de Klépierre (foncière spécialisée en centres commerciaux et bureaux) a complété son analyse en expliquant que les assureurs détenaient jusque dans les années 90 un important stock d’immobilier résidentiel pour se prémunir de l’inflation. Par la suite, l’inflation s’est faîte sage et la crise des années 90 leur a appris qu’on pouvait constater des moins-values sur des immeubles…. En revanche, ce professionnel inventif propose de ne pas renoncer à l’épargne des particuliers. Et si les avantages fiscaux à l’investissement ne sont plus à la mode en cette période de disette budgétaire, il avance un dispositif reposant sur une exonération des successions pour l’épargne investie dans des véhicules détenant des logements soumis à un plafond de loyer dans les zones les plus tendues. Michel Clair fait référence au SII, ces foncières cotées investies dans le logement intermédiaires de fait qui ont vu le jour au moment où la France se devait de reloger les rapatriés d’Algérie. Une mesure qui aurait la saveur de la rente Pinay en quelque sorte….
Aujourd’hui, même si l’inflation reste contenue, le contexte est peut-être plus favorable à la détention d’actifs immobiliers pour les institutionnels. L’exemple des bunds allemands dont le rendement est tombé à 1,20 % montre que les investisseurs peuvent rechercher plus de sécurité quitte à obtenir une rentabilité plus faible. De quoi ne plus considérer la faible rentabilité locative des logements intermédiaires comme un repoussoir absolu ! Encore faudrait-il conforter cette classe d’actifs comme un nouveau benchmark au moment où celui des dettes souveraines a failli en Europe du sud à son objectif d’étendard du rendement sans risque. Gilbert Emont propose en ce sens que l’Etat soit en mesure de garantir la faible rentabilité exigée de ces actifs résidentiels. Il précise bien qu’il s’agirait d’une garantie de rendement de marché, une notion différente de celle de la garantie des loyers impayés. Il imagine un fonds de garantie alimenté par une part des plus-values retirées progressivement de la vente de ces logements.
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