Dans une conjoncture marquée par la stagnation de la consommation dans l’Hexagone, les statistiques de la fédération de l’E-commerce, la Fevad, donnent une fois de plus l’impression que le commerce traditionnel semble condamné comme des dinosaures qui ne survivraient pas à un changement climatique. Triomphale, la Fevad annonce une progression de 24% sur un an du commerce électronique, en France, au premier trimestre de l’année 2012. Pas moins de 31 millions d’internautes (+ 10% en un an) s’adonneraient désormais aux joies du e-commerce.
Le chiffre d’affaires généré par le commerce en ligne atteint 11 milliards d’euros sur le premier trimestre 2012. Sur l’année, le secteur pourrait ainsi dégager, selon les prévisions de la fédération, quelque 45,2 milliards d’euros de recettes. « Le e-commerce en France continue de progresser plus vite que le nombre d’internautes : car non seulement les Français sont de plus en plus nombreux à acheter sur internet, mais ils ont tendance également à y consommer de plus en plus », remarque Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. On compte 18 800 nouveaux sites qui ont par ailleurs fait leur apparition dans le périmètre de la Fevad, portant à 104 100 le nombre de sites marchands. Mais derrière ces progressions à deux chiffres on peut relever que les galeries virtuelles n’échappent pas à la morosité des consommateurs français puisqu’on constate une baisse de 4% du panier moyen, qui s’établit à 89 euros sur le premier trimestre 2012, contre 92 euros un an plus tôt. Par ailleurs la progression du nombre d’acheteurs, si elle est bien de 10 % en un an, marque un sensible plafonnement si on fait référence aux acheteurs du dernier trimestre de 2011 qui étaient 30,7 millions (hausse de moins de 1%…).
Les principaux sites marchands
Source Fevad
L’e-commerce a du mal à franchir significativement la barre des 8% de la consommation des ménages français, et stagne à seulement 4% en agro-alimentaire. On reste donc encore très loin de la pénétration historique de vente par correspondance qui se situe à près de 17 % de la consommation française (11 % pour l’habillement). L’efficacité de la VPC, avec le fameux slogan « cette enveloppe contient un diamant » n’a pas encore trouvé d’égal avec les pourriels qui encombrent nos boîtes-mail et que l’on met à la corbeille d’un clic de souris sans même les ouvrir…
Face à la menace Internet tous les acteurs du commerce ont entrepris de riposter avec leurs atouts propres. Car tous sont visés : les propriétaires de murs de boutiques et de centres commerciaux, à commencer par les grandes foncières spécialisées sur ce type d’actifs comme Unibail, Klépierre ou Mercialys ainsi que les SCPI de commerces et de murs de boutiques, comme Immorente, Buroboutic ou Cifocoma 3.
La première foncière européenne de commerces Unibail-Rodamco a annoncé il y a plus d’un an qu’elle se recentrait sur les centres commerciaux dont la fréquentation dépasse 5 millions de visiteurs par an. Ces centres seront beaucoup plus que de simples lieux de réalisation des achats. Les grands centres à vocation régionale resteront les places naturelles de gestion des aménités pour le plus grand nombre. A cet égard, le projet le plus ambitieux est celui d’Immochan, la filiale immobilière d’Auchan. Europa City occupera 80 ha entre Le Bourget et l’aéroport de Roissy et proposera un musée « comparable à Beaubourg » ainsi qu’un golf.
Créer du flux reste la problématique commune à Internet et aux centres commerciaux. « La martingale a disparu », explique un gérant qui pointe ce qui a fait le succès des centres commerciaux de 1993 à 2008. La croissance du chiffre d’affaires des enseignes liée au rattrapage du taux d’effort (loyers rapportés aux ventes) des locataires, assorti à une gestion active des centres ont permis durant ces 15 années la sur-performance des commerces sur les bureaux. Dorénavant, le paradigme des centres commerciaux s’articule sur une croissance faible des chiffres d’affaires des enseignes et le maintien du taux d’effort : tout dépend maintenant de la qualité de gestion active. Il faut émerveiller par des animations ciblées et adaptées à la chalandise du lieu. Et accueillir de nouvelles enseignes au fort pouvoir d’attraction pour remplacer les « locomotives » d’hier (Darty, Carrefour… ). Les Apple Stores ou des enseignes étrangères dans la fringue telles Abercrombie & Fitch, l’Espagnol Desigual et le Japonais Muji sont les nouveaux gages du succès.
Les centres commerciaux savent qu’Internet n’est pas qu’une menace. Le Britannique Hammerson a conclu un accord avec vente-privee.com pour enrichir l’offre des magasins de ses centres. Altarea a poussé cette logique plus loin en prenant le contrôle du portail RueduCommerce, qui est bien plus qu’un simple site marchand ou une place de marché. Altarea veut communiquer sur les « moments émotionnels » de ses centres une fois par mois et développer les interactions entre le site, les clients et les enseignes. De plus, la clientèle du site se compose à 70% d’hommes quand les « Family villages » d’Altarea sont fréquentés par des femmes à hauteur de 70%. La société voudrait amener les internautes dans les centres commerciaux et les clients des magasins sur la toile et rééquilibrer ainsi leurs fréquentations mutuelles…
Christophe Tricaud
Rédacteur en chef de pierrepapier.fr