Parlez-vous ESG ? Faîtes-vous du « présentiel » à la maison ? Les mots nouveaux sont révélateurs d’un monde qui change. Ils sont aussi une invitation à s’interroger.
Bonjour,
Nous parlons parfois ces temps-ci de « présentiel ». C’est un mot nouveau. Il a été créé à partir de « distanciel ». Autrement dit, la réalité d’origine est de suivre des cours ou de participer à des réunions à distance, et la réalité suivante est de se trouver dans la même pièce. Le digital est la réalité fondamentale, le physique est secondaire… Il a fallu créer un mot nouveau pour lui, comme s’il s’agissait de quelque chose que nous venions de découvrir. Étonnant, non ?
Les mots pour le dire
D’accord, c’est parce que nous n’avions pas de mot pour décrire ce qui était totalement évident. On se croisait, on se parlait, on s’asseyait autour d’une table, on s’embrassait, on se tapait sur l’épaule, en fait nous ne connaissions que le réel, en chair et en os. Puis le téléphone est arrivé, puis l’ordinateur et bientôt internet, et maintenant le monde entier sur notre écran et les conférences en visio. Et nous nous apercevons soudain que nous n’avions pas de mot pour décrire ce que nous sommes en train de perdre… le « présentiel ». Quel mot horrible…
Ah oui, parce qu’il y a un autre aspect. Le digital n’a pas progressé tranquillement, au fur et à mesure que nous l’avons laissé entrer dans notre vie. Non, c’est la guerre. D’un côté les autorités nous interdisent le contact physique, de l’autre le digital s’engouffre dans notre quotidien avec une ardeur conquérante. Et nous le laissons entrer, nous en demandons encore plus, car il faut bien vivre !
Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il faut se méfier des mots nouveaux qui ont l’air innocents. Ils peuvent cacher une réalité complexe.
ESG pour Environnement, Social et Gouvernance
En voici un autre exemple. Prenons les critères ESG : E pour environnement, S pour social ou sociétal, G pour gouvernance. Voilà un sigle de trois lettres qui est en train de s’imposer ! De plus en plus d’entreprises font leur promotion sur le soin qu’elles mettent à respecter ces trois critères. Formidable ! Cela voudrait-il dire qu’avant on ne s‘en occupait pas ? Que les entreprises consommaient allègrement de l’énergie ou polluaient sans souci ni remords ? Qu’elles avaient oublié que leurs salariés étaient des hommes et des femmes ? Que leurs processus de décisions étaient opaques ? Ouh, là là ! Vous voyez le problème. S’il y a besoin de mettre un mot nouveau, trois lettres exactement, ESG, c’est bigrement inquiétant. Cela signifie peut-être que l’on revient de loin… ou, autre hypothèse, que le mot sert à détourner notre attention.
Et précisément, dans le monde des fonds immobiliers (SCPI, Foncières cotées, OPCI), dans le monde de la promotion immobilière aussi, les critères ESG sont devenues une contrainte que tous les acteurs s’imposent. Il faut le dire, avec un certain enthousiasme et en s’efforçant de progresser régulièrement. Vous trouvez cela merveilleux ? En un sens, oui, c’est sûr, mais pendant le même temps, pendant que les trois lettres ESG font l’actualité de notre secteur, prenons par exemple la lettre E pour environnement, où devrait-on regarder ?
Le digital ne joue pas le jeu de l’ESG
Oh, dans plein de directions, mais en voici une. Le tout récent Bitcoin, coqueluche des jeunes qui s’intéressent à l’argent pour investir ou pour payer digitalement, croquemitaine des Banques Centrales, avenir peut-être de notre système monétaire, ce Bitcoin donc, consomme à lui tout seul plus d’électricité qu’un pays comme l’Argentine, ou qu’un pays comme la Hollande. Et oui, son mode de fonctionnement nécessite de faire tourner des ordinateurs encore et encore, au point de dépenser une énergie colossale, qu’on ne dépensait pas il y a quelques années à peine. Pendant que tous les professionnels de l’immobilier font des efforts louables pour que leur activité ou leurs immeubles consomment moins d’énergie, il y a des innovations saluées et glorifiées qui font pencher la balance dans l’autre sens, plus fort et plus vite. Et il y a d’autres merveilles technologiques qui vont dans le même sens. Alors, ESG, c’est un mot, une tendance, ou une hypocrisie ?
En fait je pense que lorsque les professionnels de l’immobilier, ou d’autres secteurs économiques d’ailleurs, s’intéressent à l’ESG, environnement-social-gouvernance, et ceci en France comme dans d’autres pays, ils ont mille fois raison. Mais ils sont encore des précurseurs. Il reste du chemin à faire pour que l’ESG ait un réel impact à l’échelle planétaire.
Au bonheur des mots
J’ai donc parlé de présentiel, et d’ESG. Pour dire qu’il faut s’arrêter sur les mots, ne pas les « prendre au mot » c’est le cas de le dire, mais chercher la réalité qui se profile derrière eux. Ce n’est pas parce qu’une expression est à la mode que la réalité s’est mise au garde-à-vous.
Pour conclure sur une note plus gaie en restant sur le sujet des mots, j’ai l’habitude de finir cette émission en vous souhaitant une bonne journée. Mais savez-vous d’où vient le mot « journée » ? Chez les Romains, la djurnum qui a donné notre « journée » signifiait la ration quotidienne. Bon, c’était un mot concret, qui désignait la nourriture à une époque où avoir à manger était la préoccupation essentielle. Les temps ont changé ! De quelle ration devrait-on parler aujourd’hui ? Eh bien, je vous souhaite une bonne ration de joie, de bonheur, de succès, c’est-à-dire une bonne journée !
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