La guerre commerciale décrétée par les Etats-Unis a déjà impacté les flux mondiaux de capitaux, provoquant notamment « une violente contraction des investissements directs chinois, et une hausse du dollar (6% depuis avril) », rappelle Béatrice Guedj, Senior Advisor à l’IEIF, dans son dernier commentaire de marché sur l’immobilier d’investissement dans le monde.
Aux Etats-Unis, les conséquences de cette guerre déclarée par Donald Trump sont immédiates sur les flux de capitaux : 1) une violente contraction des investissements directs chinois, 10 fois inférieurs à leur niveau sur un an, soit 1,8 Md$, et 2) une hausse du dollar, soit + 6 % depuis avril.
La réforme fiscale porte ses fruits
Côté indicateurs clés, le taux de chômage poursuit sa baisse à 3,8 % tandis que les coûts salariaux sont en hausse de 2,9 %. La réforme fiscale, désormais pleinement assimilée à un QE numéro 4, est efficace : en immobilier résidentiel, le rythme des mises en chantier continue d’osciller autour de 1,3 million d’unités sur les trois derniers mois en mai. Les nouvelles constructions en immobilier commercial s’accélèrent à 13 % l’an, témoignage d’une activité économique soutenue. La croissance américaine pourrait ainsi rester supérieure à son potentiel sans générer de surcroît d’inflation encore une année pleine.
La Chine contre-attaque
La Chine contre-attaque en regard deses ambitions en tant que seconde puissance économique du monde. L’Empire du Milieu n’est désormais plus l’atelier du monde et prépare la croissance des décennies à venir, les Etats-Unis l’ont compris. Le rythme de croissance de l’investissement observé ces dernières années est révélateur du chemin parcouru : le taux d’équipement robotique de l’Empire du Milieu a été quasiment triplé en trois ans, passant de 25 à 68 robots pour 10 000 employés. Certes, ce niveau reste inférieur au niveau de 74 dans le monde, mais à ce rythme, la Chine aura dépassé les Etats-Unis et pourrait se positionner dans les 10 premières nations avec la Corée du Sud, Singapour, l’Allemagne ou le Japon. Depuis 2010, l’Asie est déjà la première puissance en termes de croissance d’équipement, avec + 9 % en moyenne par an contre des taux de croissance respectivement de 7 % et 5 % pour le continent américain et européen. La Chine s’est organisée pour optimiser son équipement avec ses voisins et partenaires, en restant maître du jeu sur la chaîne de valeurs. Aussi, la conjonction des transferts technologiques exigés par Pékin auprès des entreprises européennes, et la mise en place de nouvelles règlementations pèseront graduellement sur les entreprises installées en Chine. Désormais, dans certains secteurs, les entreprises chinoises dépassent la « frontière technologique » de leurs pairs européens, voire américains, ce qui signifie qu’elles deviennent plus innovantes : les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) ne sont que la face émergée de l’iceberg. Le Made in China 2025 risque d’accélérer ce phénomène, avec pour conséquence immédiate, un ralentissement des revenus des investissements directs pour les entreprises européennes et à terme une éviction du marché chinois.
Rien n’est gagné en zone euro
C’est probablement pour ces raisons que l’Union européenne vient de porter plainte auprès de l’OMC contre les pratiques de dumping et de bafouement des droits des propriétés intellectuelles. En zone euro, l’accord franco-allemandsur l’avenir de la zone euro est un premier pas, mais rien n’est encore gagné. Malgré la décélération du PIB observée, les indicateurs de crédit bancaire conservent des rythmes de croissance soutenus, soit tendanciellement supérieurs à leurs rythmes moyens observés depuis 2016. Les enquêtes de distribution de crédit, notamment sur l’immobilier, restent bien orientées. En France, la croissance est révisée à la baisse, inférieure à 2% : la conjonction d’un ralentissement des demandes extérieure et domestique marque un nouveau tempo, moins euphorique qu’en 2017. Mais ce ralentissement ne présage pas d’un changement de cycle, mais d’une correction de tendance par rapport à la forte accélération passée. En Allemagne, même constat tandis que l’économie espagnole témoigne d’indicateurs soutenus.
Fragile équilibre sur les taux
La FED est conforme à son agenda : la cible des Fed Funds a été relevée à 1,75 % – 2 % et deux hausses supplémentaires de 25 pb en septembre et en décembre sont possibles. La BCE joue les prolongations du QE d’un trimestre avec un rythme d’achats de 30 Mds$ à 15 Mds$. L’arrêt des achats est conditionné à l’évolution du cycle économique. L’engagement de maintenir les taux inchangés a fait glisser l’euro à 1,16$. Les taux souverains se sont détendus, notamment en Italie mais l’équilibre reste fragile…
A propos de Béatrice Guedj
Titulaire d’un doctorat en économie mathématique, Béatrice Guedj a été chercheur au CREST et membre du laboratoire d’économétrie du Cnam, en charge de la modélisation pour le secteur de la construction et des marchés immobiliers au sein de Rexecode (2000-2003), puis Managing Director de la recherche chez Grosvenor pour l’Europe, de 2004 à 2016. Elle a ensuite occupé le poste de Directrice de la recherche et des études à l’IEIF, puis a rejoint Swiss Life REIM France en tant que Directrice de la recherche et de l’innovation, en mars 2018. Béatrice Guedj est également Senior Advisor pour l’IEIF.
A propos de l’IEIF
Créé en 1986, l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est un organisme d’étude et de recherche indépendant qui met à disposition des décideurs immobiliers des outils de veille, d’analyse et de prévision. Il a pour vocation d’être un incubateur d’idées pour la profession et un cercle de réflexion des professionnels de l’immobilier et de la finance. L’IEIF s’articule autour de quatre pôles d’activité : les marchés immobiliers (Tertiaire et Logement) ; les fonds immobiliers non cotés (SCPI-OPCI) ; les fonds immobiliers cotés (SIIC-REITs) ; le Club Analyse et Prévision.