Le contexte sanitaire et économique a refroidi les ardeurs des épargnants pour les placements de long terme. Un attentisme qui touche aussi les SCPI. Mais dans une moindre mesure. Au centre des interrogations : la capacité de ces véhicules à traverser la crise. Et notamment à éviter une baisse de la valeur de leurs parts dans les prochains mois…
Les chiffres de la collecte en SCPI du 3e trimestre confirment que les épargnants sont devenus encore plus frileux en matière de placements de long terme. Sur le sujet des SCPI, même si le flux des souscriptions est loin de s’être tari – contrairement à d’autres supports d’investissement… -, les interrogations sont toujours là. Et la seconde période de confinement ne va pas aider à les lever. Au centre des questionnements, la capacité de ces véhicules immobiliers à traverser « sereinement » la crise. C’est-à-dire à maintenir des rendements corrects. Tout en conservant des valeurs de parts inchangées.
Des acomptes sur dividendes révisés à la hausse
Sur le premier point, les acomptes sur dividende du 3e trimestre sont de nature à rassurer les investisseurs. A l’exception de quelques véhicules spécialisés, très affectés par la crise, la grande majorité des SCPI les ont revus à la hausse. « Les acomptes du trimestre progressent de 12% par rapport au second trimestre », constatent l’ASPIM et l’IEIF, dans leur dernier communiqué. Idem, donc, pour les rendements. Certes, par rapport au 3e trimestre 2019, la tendance reste baissière. L’évolution moyenne des acomptes, sur les neuf premiers mois de l’année, est en recul de 8,4%. Ce qui signifie, toute chose égale par ailleurs, que le rendement moyen courant des SCPI s’établirait, en 2020, dans une zone proche de 4%. Ce que confirme pour l’heure la performance de l’indice EDHEC IEIF Immobilier d’Entreprise France.
Un rendement 2020 des SCPI dans la zone des 4% ?
Sur un an glissant, fin septembre, la progression de l’indice, sur sa seule partie dividendes réinvestis, s’affiche à 4,2%[1]. Un rendement qui, bien qu’inférieur à celui de l’an dernier (4,40%), demeure donc plus que raisonnable. Et se situe toujours très nettement au-delà de ceux délivrés par la plupart des autres placements… Le taux de recouvrement des loyers affiché par la plupart des SCPI fin septembre est en outre bien supérieur à ceux estimés lors du premier confinement. Ce qui signifie que cette perspective de rendement a de grandes chances de se confirmer. La seconde période de confinement et de crise sanitaire affaiblit certes quelque peu cette hypothèse, côté loyers. Dans quelles proportions ? Réponse en fin d’année…
Dans l’attente des valorisations des parts de SCPI
Sur le second point, celui de la valeur des parts, il faudra aussi encore attendre quelques mois avant d’être fixé. Les premières expertises, destinées à estimer la valeur des patrimoines des SCPI en fin d’année, viennent de débuter. A en croire plusieurs sociétés de gestion d’actifs immobiliers, les premiers retours sont plutôt encourageants. Mais très différenciés selon les classes d’actifs sous-jacents… Certains secteurs – celui de l’hôtellerie, pour ne pas le citer -, s’attendent à des révisions à la baisse, parfois importantes. D’autres, comme celui des bureaux, sont clairement plus résilients. Or, les bureaux constituent l’essentiel -environ 60%- du patrimoine des SCPI. En 2019, dans un marché immobilier en forte hausse, les valeurs d’expertise ont en outre été fixées de manière assez prudente. Il en sera de même en 2020. Afin, dans les deux cas, de gommer les excès – à la hausse, ou à la baisse – des marchés immobiliers sous-jacents.
Un mécanisme amortisseur pour les SCPI
Les SCPI bénéficient, de plus, d’un mécanisme qui leur permet d’amortir une éventuelle baisse de la valeur de leurs actifs. Une sorte d’assurance contre la volatilité, en quelque sorte. Leur prix n’est pas, en effet, forcément égal à la valeur de leur patrimoine[2]. Il peut s’établir dans une fourchette de plus ou moins 10 % par rapport à leur valeur dite de « reconstitution »[3]. Ce qui donne aux sociétés de gestion une certaine marge de manœuvre dans la fixation du prix des parts. Le prix de souscription de la plupart des SCPI est d’ailleurs aujourd’hui souvent inférieur à la valeur d’expertise 2019. Bon nombre d’entre elles, là aussi par prudence, ont privilégié le bas de la fourchette. Les SCPI en ont, en quelque sorte, « gardé sous le pied »…
Une question qui risque de rester d’actualité
Même si les expertises de l’année 2020 s’avéraient en partie défavorables, tous les gestionnaires ne seront donc pas contraints de réviser à la baisse les valeurs des parts de leurs SCPI. Plusieurs opérateurs -comme, par exemple, Sofidy pour la SCPI Immorente – ont d’ailleurs déjà annoncé qu’ils n’envisageaient pas de modifier les prix de souscription. Pour 2020… Si les incertitudes économiques demeurent, si de plus en plus d’entreprises locataires subissent la crise, il est toutefois à craindre que la question des valorisations reste d’actualité en 2021. Voire au-delà… L’attentisme des épargnants et des investisseurs en général vis-à-vis de ce placement immobilier risque donc de perdurer. Et pourtant…
Ne pas se focaliser sur une éventuelle baisse de la valeur des parts des SCPI
« Se focaliser sur une éventuelle baisse de la valeur des parts -qui, si elle intervenait, ne dépassera pas, en moyenne, quelques pourcents-, est une erreur fondamentale », s’agace le responsable d’une société de gestion. « D’abord, parce que l’investissement en SCPI se mesure sur le long terme. Dans 10 ou 15 ans, l’impact de cette baisse éventuelle sera totalement gommé », explique-t-il. Ensuite, parce que si la valeur des parts venait à baisser, « c’est parce que le marché immobilier sous-jacent serait lui aussi en baisse. Ce qui, pour les professionnels, signifie des opportunités d’investissement créatrices de performances sur le long terme », ajoute-t-il.
Attentisme ne rime pas avec opportunité
Ce qui revient à dire que les associés de SCPI, actuels ou futurs, bénéficieraient eux aussi de ces « opportunités de marché ». Alors, face aux risques d’une baisse des SCPI, attentisme, ou opportunité ? Aux épargnants de faire leur choix…
Frédéric Tixier
[1] En rendement courant.
[2] Ou, plus exactement, à la valeur de reconstitution de la SCPI.
[3] La valeur de reconstitution d’une SCPI est égale à la valeur de réalisation augmentée des frais estimés liés à une éventuelle reconstitution de son patrimoine. Elle est publiée dans le rapport annuel et approuvée par l’assemblée générale annuelle des associés.
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A propos de l’IEIF(i)
Créé en 1986, l’IEIF est un centre d’études, de recherche et de prospective indépendant spécialisé en immobilier. Son objectif est de soutenir les acteurs de l’immobilier et de l’investissement dans leur activité et leur réflexion stratégique, en leur proposant des études, notes d’analyses, synthèses et clubs de réflexion. L’approche de l’IEIF intègre l’immobilier à la fois dans l’économie et dans l’allocation d’actifs. Elle est transversale, l’IEIF suivant à la fois les marchés (immobilier d’entreprise, logement), les fonds immobiliers (cotés : SIIC, REIT ; non cotés : SCPI, OPCI, FIA) et le financement.
A propos de l’ASPIM(i)
L’Association française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) représente et défend les intérêts de ses adhérents, les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (FIA) en immobilier (SCPI, OPCI et autres FIA « par objet »). Créée en 1975, l’ASPIM est une association à but non lucratif qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion des fonds immobiliers non cotés. En France, au 31 décembre 2019, les FIA en immobilier représentaient une capitalisation totale de 231 milliards d’euros.
(i) Information extraite d’un document officiel de la société