Intu Properties, l’un des plus grands propriétaires et gestionnaires de centres commerciaux du Royaume-Uni, s’est placé sous le régime des faillites. Faute d’avoir pu trouver un accord avec ses créanciers. Un signal négatif pour le secteur des foncières de commerce. Même si la situation d’Intu Properties est assez spécifique.
Elle détient 17 centres commerciaux « prime » au Royaume-Uni. Et emploie près de 2 400 personnes outre-Manche. Intu Properties, une foncière de commerce cotée à Londres et à Johannesburg, et dont la capitalisation boursière dépassait les 10 milliards de livres sterling il y a à peine trois ans, est désormais au bord de la faillite. Sa valeur en Bourse a fondu à 24 millions de livres. Et son cours, en chute de 55 % vendredi dernier, est suspendu…
Pas d’accord avec les créanciers
La société a en effet annoncé en fin de semaine dernière s’être placée sous le régime britannique des faillites. La foncière savait déjà depuis plusieurs mois qu’elle ne serait pas en mesure de répondre favorablement aux exigences contractuelles de ses créanciers lors d’une expertise prévue pour le 26 juin. Dès le 18 mai, elle annonçait qu’elle ne pourrait pas céder assez d’actifs pour respecter les conditions des clauses de sauvegarde (covenants) de ses lignes de crédit. Notamment en termes de ratio d’endettement. C’est pourquoi elle espérait trouver un accord en obtenant une fenêtre de 18 mois supplémentaires. Sans succès. D’où la mise en faillite du groupe, officiellement administré par le cabinet KPMG depuis vendredi dernier.
Déjà des problèmes de financement avant la crise sanitaire
Ses problèmes de financement étaient déjà patents avant la crise sanitaire. Comme d’autres foncières britanniques, la valeur de ses actifs s’était dépréciée. En raison d’un phénomène de « retail bashing » plus intense outre-Manche que sur le continent. Et d’une montée en puissance du commerce en ligne, particulièrement défavorable à l’activité d’Intu Properties. Dont les centres commerciaux sont majoritairement situés en dehors des villes. Fin mars, la foncière ne disposait déjà plus que d’une trésorerie de 242 M£. Face à une dette nette de 4,5 Md£. Le confinement a accéléré l’assèchement de ses liquidités. On estime qu’elle aurait perçu moins de 30 % des loyers exigibles ces trois derniers mois…
Peu de chance de trouver un repreneur
La plupart des observateurs considèrent qu’il y a peu de chance pour qu’un repreneur se manifeste. Tout du moins parmi les foncières. Le bureau d’analyse Invest Securities rappelle que l’un des grands concurrents locaux d’Intu Properties, la foncière Hammerson, avait déjà tenté un rapprochement en 2018. Mais y avait finalement renoncé, alors même « que la situation était bien moins dégradée ». Invest Securities n’exclut toutefois par l’hypothèse d’une reprise par un acteur de la vente en ligne. « Des places de marchés digitales (comme Amazon) pourraient y trouver un moyen de renforcer leur modèle phygital », écrit-il. En rappelant le positionnement d’Alibaba sur ce créneau, avec le développement d’une offre physique sous la marque « More Mall ».
Un signal négatif pour le secteur des foncières
La faillite d’Intu Properties envoie de fait un signal négatif pour le secteur des foncières. La chute de la foncière britannique s’explique toutefois en partie en raison d’une structure financière atypique. Et particulièrement complexe. Intu Properties est en réalité essentiellement une société holding dont l’endettement est réparti sur pas moins de 21 instruments de dettes différents. Et, comme l’explique Invest Securities, ces différents emprunts étaient en outre garantis « au niveau du groupe, mais également au niveau des actifs ». Une complexité qui aura pesé « très négativement » dans les négociations entre la foncière et ses nombreux créanciers[1].
Pas de problème de financement pour les autres opérateurs
D’autres foncières de commerce, fort heureusement, ne semblent pas avoir trop de difficultés à convaincre les investisseurs. UMR, le leader mondial du secteur, vient en effet de placer avec succès une nouvelle émission obligataire. A des conditions inférieures (2 %, sur une maturité de 12 ans) à celles obtenues ces dernières semaines. Mais la prime de risque sur les foncières de commerce reste encore importante. En octobre dernier, UMR avait en effet placé, pour un montant (750 M€) et une maturité identique, à des conditions bien plus favorables : 0,875 %…
Frédéric Tixier
[1] Parmi lesquels figurent notamment Bank of America, Barclays, Crédit Suisse, HSBC, Lloyds Banking Group, NatWest et UBS.Lire aussi