Louis Pelloux est décédé le 10 décembre 2020, à l’âge de 88 ans. On imagine aisément que parmi tous les conseillers ou conseillères en gestion de patrimoine qui recommandent chaque jour des SCPI, bien peu connaissent son nom. Et pourtant…
Innovation et tempête
Ce n’est pas lui qui a créé la première SCPI, qui date de 1964. Mais il fut parmi les tout premiers, en lançant l’Épargne Foncière en 1966. Surtout, il inventa le « bureau sans pas de porte ». À cette époque en effet, les bureaux donnaient lieu, comme les commerces, à une indemnité dont bénéficiait l’utilisateur quand il quittait les lieux. Il fallait donc, pour s’installer, payer ce qu’on appelait alors un « pas de porte ».
La société tertiaire était en train de naître, et avec elle, timidement, un marché des bureaux. Louis Pelloux fut donc doublement précurseur :
- en inventant une formule simple pour la location des bureaux
- et en créant par la même occasion la première SCPI investie en bureaux, alors que les précédentes faisaient du logement.
Nous parlons de SCPI, alors qu’elles s’appelaient encore « Civiles immobilières ». Et justement, les Civiles ont connu un développement rapide à la fin des années soixante. Puis la loi de 1970 leur a donné le statut de SCPl. Puis de grands scandales ont éclaté. En 1972, les associés de la Civile Foncière ont appelé Louis Pelloux à la tête de leur SCPI pour tenter de sortir d’une situation judiciaire inextricable. Il a alors dû affronter une situation extrêmement difficile, dans un climat politico-judiciaire surchauffé. C’est peut-être dans cette aventure qu’il a forgé ce qui devait devenir l’un des traits saillants de sa personnalité : sa combativité.
Le calme revenu, les SCPI ont traversé le reste des années 70 en gérant leurs immeuble pour leurs associés. Un revenu régulier, et d’ailleurs élevé, mais pas, ou très peu de collecte.
Louis Pelloux, le « pape » des SCPI
Au début des années 80, l’auteur de ces lignes se mit à écrire articles et livre sur les SCPI, mettant à nouveau le projecteur et réveillant les belles endormies. Dès le début, le dirigeant du « Groupe Pelloux » me fascina par ses qualités de tribun. Il ne parlait pas, il argumentait. Il ne se contentait pas d’argumenter, il défendait une cause. Et les causes ne manquaient pas
La COB, ancêtre de l’AMF et organisme de contrôle des SCPI, se devait d’autant plus d’enrichir la réglementation que la collecte des SCPI s’enflammait. Mais ces nouvelles mesures étaient-elles finalement favorables aux épargnants ? Car Louis Pelloux avait une passion, une obsession, l’épargnant final. Il aimait la pierre, mais il travaillait pour l’épargne. Et donc, qu’il s’agisse de démarchage financier, de méthode de valorisation des parts, ou de tout autre sujet technique qui ne manquait pas de se présenter, il partait au combat. Il était actif et parfois bruyant au sein de l’association professionnelle (ASPIM), il rencontrait les régulateurs, il prêchait sans relâche auprès des media. Dois-je le dire ? Il semblait n’avoir jamais autant d’énergie, presque de bonheur, que lorsqu’il avait un combat à mener, avec des adversaires à affronter.
Il ne gagna pas toujours, mais son influence fut incontestable, et fort positive.
Quand certains journalistes lui donnaient le titre de « pape des SCPI », il faut bien reconnaître que cela ne lui déplaisait pas.
La grande crise des SCPI dans les années 90
Puis vint la grande crise immobilière des années quatre-vingt-dix. Nous avions appris à nous connaître, nous passions parfois des soirées entières à parler. Pas toujours d’accord, mais toujours avec respect et, de mon côté, un brin d’admiration. Et nous avons tous les deux, lui malgré ses interventions brillantes, moi malgré un livre, perdu une bataille complexe. Nous n’avons pu empêcher la loi de janvier 1993 d’ajouter à la crise immobilière une crise propre aux SCPI, une crise de liquidité.
De nouveau Louis Pelloux fut précurseur, en favorisant un marché de gré à gré entre associés, autrement dit un marché « hors la loi » (de 1993) mais le seul à ce moment capable de résoudre la question de la revente des parts pour les associés qui avaient besoin de reprendre leur épargne. Il négocia avec la COB. Ce marché se généralisa rapidement à l’ensemble des SCPI, et soulagea le problème dans une certaine mesure. C’est d’ailleurs dans son prolongement que le marché secondaire des parts de SCPI fut enfin réglementé de façon satisfaisante en 2002.
Le tournant des années 2000
Pendant toutes les années de crise, Louis Pelloux n’avait cessé de défendre ses vues, de combattre, de proposer. De protéger aussi les associés de ses SCPI, par une gestion immobilière de qualité, par une politique de réserves assez originale dans la profession, et par un rappel constant de l’importance du revenu distribué. Il avait les yeux fixés sur le rendement de ses SCPI comme un capitaine de navire sur sa boussole.
En 2001, approchant des 70 ans, ce lutteur infatigable décida de poser les gants. Il revendit les sociétés de gestion de ses SCPI à l’UFG (devenu depuis La Française), puis se consacra à sa passion de l’art, notamment en créant une association pour favoriser les expositions à La Défense. Précisons aussi qu’il avait au cours de sa vie constitué une collection exceptionnelle d’art africain.
Louis Pelloux, l’héritage
Les SCPI sont aujourd’hui un produit bien connu, bien intégré dans la gestion de patrimoine. Mais elles ne sont pas nées par génération spontanée ! Leur longue histoire les a façonnées. Il a fallu des personnes pour les construire, les faire devenir ce qu’elles sont aujourd’hui.
Il est vraiment difficile d’imaginer ce qu’elles seraient ou ne seraient pas, si un Louis Pelloux ne leur avait pas consacré son talent, son intelligence au service de l’épargne, et sa combativité exceptionnelle.
Cela méritait d’être dit !
Aujourd’hui le Groupe Pelloux, présidé par Paul-André Pelloux, regroupe trois sociétés :
- Septime, société de property management en immobilier d’entreprise
- Astime, société de conseil en immobilier d’entreprise
- Immostime, société de commercialisation de logements neufs à la découpe ou en bloc
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